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Une femme médecin tient d'une main un bassin humain modélisé en trois dimensions. Elle pointe avec son autre main et à l'aide d'un stylo le plancher pelvien ou périnée.
Douleurs, incontinence, descentes d’organes… les dysfonctions du plancher pelvien (ou périnée) peuvent entrainer des symptômes très invalidants au quotidien. H_Ko/Shutterstock

Mieux anticiper les déchirements du périnée

Douleurs chroniques, incontinence urinaire et fécale, ou descente d’organes sont les principaux symptômes qui caractérisent les troubles du périnée (ou dysfonctions du plancher pelvien, selon le terme médical).

Pour rappel, le plancher pelvien est situé dans la région inférieure du bassin entre l’os pubien à l’avant et le coccyx à l’arrière. Il soutient le système pelvien (utérus, vessie, rectum…) par l’intermédiaire de ses muscles et de ses ligaments.

Les troubles du périnée impactent drastiquement la vie des femmes. Ils sont fréquents puisqu’ils concernent 32 % des femmes en Europe et sont encore plus répandus dans les pays en voie de développement.

Dans la majorité des cas, une détection précoce permet un meilleur traitement, ce qui limite les inconforts des patientes. Par exemple, une descente d’organes détectée assez tôt peut être prise en charge par la pose d’implants de renfort pelvien.

En cause : l’accouchement, des sports à impacts ou la ménopause

Les dysfonctions du plancher pelvien sont souvent la conséquence d’un accouchement traumatique, au cours duquel des lésions au sein des tissus pelviens et/ou des nerfs peuvent avoir lieu. Dans les deux cas, des défauts de diagnostic compromettent les chances de récupération des patientes.

En particulier, les conditions spécifiques de l’accouchement rendent difficile le recours à des outils classiques de diagnostic. Par exemple, la rapidité de l’accouchement impose de réagir en urgence, tout en assurant le bon déroulé de la naissance du bébé.

Ainsi, la prise de décision rapide, souvent basée sur la seule expérience du médecin qui doit veiller à la santé de la mère et du bébé, ne permet pas toujours de privilégier le maintien de l’intégrité du périnée de la mère.

Les dysfonctions peuvent également survenir au cours de la vie, en raison de modifications hormonales comme à la ménopause, de la pratique excessive de sports d’impacts, ou d’une mauvaise hygiène de vie. Ainsi, l’obésité comme le manque d’activité physique favorisent l’incontinence.

Améliorer le diagnostic pour anticiper les traitements

Par ailleurs, le suivi gynécologique des patientes tout au long de leurs vies n’est pas axé sur un suivi de l’état du périnée mais plutôt sur des problématiques liées à la contraception, sur le dépistage de cancers et, depuis quelques années, sur des maladies gynécologiques longtemps négligées (endométriose ou syndrome des ovaires polykystiques, pour ne citer que les plus fréquentes).

De ce fait, les dysfonctions du plancher pelvien sont en général décelées après l’apparition des premiers symptômes (inconfort, lourdeur, gène, douleur) qui conduisent les patientes à consulter. Il est donc essentiel d’améliorer le diagnostic des dysfonctions du plancher pelvien afin d’anticiper les traitements.

Un schéma décrit les différentes étapes qui conduisent à l’apparition de dysfonctions du plancher pelvien.
Facteurs de risque de l’apparition de dysfonctions du plancher pelvien. Author provided (no reuse)

En prévention, éviter les déchirements lors de l’accouchement

Dans la majorité des cas, l’accouchement est une cause directe ou indirecte de l’apparition des dysfonctions du périnée. La mise à disposition, au moment de l’accouchement, d’outils prédictifs qui permettent d’éviter les traumatismes représente une piste prometteuse.

Les accouchements par voie basse génèrent des sollicitations mécaniques multiaxiales au sein des tissus du périnée, liées au passage du bébé ou aux efforts de poussée. Ces sollicitations entraînent de larges étirements des tissus constituant le périnée et peuvent conduire à des lacérations ou déchirements.

Ces déchirements correspondant à des ruptures des tissus entre le vagin et l’anus. Ils sont courants et surviennent dans 90 % des accouchements par voie basse. Toutefois, ils n’atteignent pas toujours le même niveau de gravité. Ils peuvent atteindre les zones motrices du périnée, comme le sphincter anal par exemple, qui est un muscle responsable de la continence.

En prévention, les praticiens peuvent procéder à des manœuvres, appelées manœuvre de Couder, qui permettent de relaxer manuellement le tissu trop étendu ou à des épisiotomies préventives. Ces dernières sont des incisions qui permettent de relâcher les tensions des tissus tout en contrôlant la localisation des déchirures.

Toutefois, cette technique peut s’avérer contre-productive si des incisions sont réalisées alors qu’aucune déchirure n’aurait eu lieu. La décision de réaliser ou non l’épisiotomie peut dépendre des directives des établissements de soins ou de l’interprétation du médecin basée sur son expérience.

C’est dans le cadre de cette problématique précise qu’il est possible d’améliorer la prise en charge des patientes. En effet, fournir aux médecins un outil leur permettant de prédire l’apparition ou non d’une déchirure dans les tissus permettra une meilleure prise de décision grâce à une analyse plus fine de la situation.

Mesurer l’élasticité, la vascularisation ou l’intégrité des tissus

Dans ce contexte, un consortium européen, porté par l’IMT Mines Alès et unissant, pour la partie française, des praticiens (CHU Nîmes, CHU Lille, APHM Marseille, CHU Besançon) et des chercheurs de différents laboratoires (SAINBIOSE, CDM, FEMTO, LMGC, LMA, LaM Cube), mais aussi des PME européennes, se met en place afin de proposer un outil prédictif aux praticiens.

Pour le développement d’un tel outil, de nombreuses technologies, déjà utilisées ou non dans le domaine médical, vont être testées. Leur applicabilité aux contraintes de l’accouchement va être vérifiée et une possible corrélation entre les résultats de ces mesures et le risque de déchirement va être établie.

Parmi ces technologies, on retrouve les ultrasons à ondes de cisaillement, qui sont particulièrement utilisés pour mesurer l’élasticité des tissus. On a recours à cette technique pour étudier à quel point des tissus sont endommagés. Mais pour l’heure, les résultats obtenus restent préliminaires.

L’étude de la vascularisation des tissus pourrait également permettre d’estimer leur état. En effet, un tissu très étiré devient blanc (le sang ne passe plus) avant de rompre. Ainsi, une détection fine dès la diminution du flux sanguin du périnée permettrait d’alerter sur un risque de rupture. De telles mesures pourraient être possibles par des mesures infrarouges, qui sondent localement les variations de température.

En effet, il existe un lien entre température et flux sanguin, que l’on retrouve par exemple dans les phénomènes d’inflammation : un afflux de sang important conduit à une augmentation locale de la température (c’est pour cela que l’on ressent un échauffement lorsque l’on se coupe). Les mesures infrarouges sont déjà utilisées dans le domaine médical, pour les mesures d’oxygénation du cerveau par exemple.

Des déchirures pouvant avoir lieu en interne, et donc invisibles, peuvent également causer des lésions des nerfs. Le bon fonctionnement de ces derniers se mesure par électrostimulation. Ainsi, l’utilisation de cette technique peut permettre de vérifier l’intégrité des nerfs et donc de déceler de potentielles lacérations internes.

Ensuite, des modifications au sein de la microstructure des tissus, par exemple l’apparition de minuscules trous à l’intérieur de la matière, ou la rupture de microfibres invisibles, sont les prémices des déchirements. Dans le domaine de la mécanique des matériaux, on parle d’endommagement.

Il n’existe à ce jour aucune technique permettant de mesurer l’endommagement d’un tissu de manière rapide et indolore pour les patients. Toutefois, des travaux de recherche portés par IMT Mines Alès ont permis de développer un dispositif dit d’indentation qui consiste à enfoncer légèrement un embout sphérique dans la peau et les tissus sous-jacents afin de mesurer la réponse mécanique de matériaux mous. Le dispositif a déjà été testé sur matériau synthétique, sur de la viande et a été validé grâce à des modèles numériques.

De belles innovations en perspective pour le bien-être de toutes et tous

Ainsi, l’ensemble de ces techniques sera testé dans le cadre de l’accouchement, afin de comparer les mesures à l’apparition ou non de déchirures. Un modèle prédictif, basé sur l’analyse de ces données, sera ensuite réalisé afin d’estimer le risque de déchirure à partir de mesures faites en salle d’accouchement.

Ce projet fait l’objet d’une demande de financement EIC Pathfinder auprès du programme européen pour la recherche et l’innovation.

En conclusion, de belles innovations sont en perspectives afin d’améliorer le bien-être des femmes via la diminution des dysfonctions du plancher pelvien. Il est également intéressant de noter que 16 % des hommes sont aussi touchés par ces dysfonctions. Ainsi, le développement de technologies nouvelles de suivi pourra profiter à une grande partie de la population, pour un impact sur la santé globale.

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