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Observatoires des métiers, observatoires des conditions de travail… à quoi ça sert ?

Les travaux des observatoires ne se limitent pas à la réalisation d’études ou à la production de données. Nico El Nino / Shutterstock

Depuis les années 1980, les entreprises françaises créent des observatoires pour étudier des thématiques diverses. Observatoires sociaux, observatoires des métiers ou encore des conditions de travail sont des lieux de production d’enquêtes et/ou d’outils. Généralement rattachée à la direction des ressources humaines, celle-ci peut s’appuyer sur les travaux d’un observatoire pour réfléchir sur sa politique.

Mais quels sont l’apport et le fonctionnement concret d’un observatoire ? Avant de répondre à cette question, il est nécessaire d’expliquer ce flou autour de ces dispositifs.

Tout d’abord, l’une des raisons est l’opacité des observatoires. Le plus souvent dans de grandes organisations pour avoir les moyens de réaliser leurs travaux, les observatoires traitent des sujets et des données sensibles. Il est donc assez difficile d’approcher ces dispositifs pour les étudier, le manque de travaux en sciences de gestion sur ce sujet en est la preuve.

De plus, il existe une grande variété d’observatoires. Leur fonctionnement diffère selon le contexte et les besoins des organisations et ne permet pas de cerner précisément leur périmètre d’actions.

Une nouvelle forme de dialogue social

Les observatoires impliquent divers acteurs selon les thèmes abordés (direction, syndicats, médecins, consultants, chercheurs, etc.). Chacun de ces acteurs apporte son expertise, voire dans certains cas, participe d’une manière concrète à la réalisation des études.

Dans le cadre d’un dialogue social, les observatoires peuvent être paritaires, à l’image de l’observatoire de la qualité de vie au travail de la SNCF ou l’observatoire des métiers du Crédit Mutuel. L’intérêt réside alors dans le fait de réunir les partenaires sociaux dans une nouvelle configuration échappant aux difficultés rencontrées dans les instances classiques.

Le fonctionnement des observatoires échappe notamment aux rapports de forces entre la direction et les organisations syndicales. Fizkes/Shutterstock

En effet, les représentants de la direction et des organisations syndicales se retrouvent d’une certaine manière dans une autre configuration du dialogue social avec des débats plus apaisés et constructifs par la présence d’experts externes et autour de données issues d’études. Un contexte bien différent des instances habituelles (CHSCT, Comité d’entreprise ou désormais le Comité social économique) au sein desquelles les rapports de forces et les intérêts de la direction et des représentants des organisations syndicales influencent les débats.

Les observatoires ne se limitent pas à la réalisation d’études ou à la production de données. Ils peuvent également participer à la transformation des organisations et proposer de nouvelles situations de travail.

Par exemple, l’observatoire du Crédit Agricole se présente comme un « laboratoire de la qualité de vie au travail ». Il lance des appels à projets aux caisses régionales de l’établissement pour expérimenter de nouvelles situations de travail et bénéficier d’un retour d’expérience concret afin d’engager de potentielles transformations dans l’organisation du travail.

Fragilité et obsolescence

Ce type de dispositif comporte des limites pouvant conduire à leur obsolescence dans certaines situations. Pour leur création et leur fonctionnement, les observatoires ne dépendent d’aucune obligation légale. Cela constitue une fragilité dans le sens où l’existence de ces dispositifs est conditionnée par la politique des acteurs en place et les transformations de l’organisation d’une entreprise.

En outre, les observatoires n’ont pas de pouvoir de décision. Il est donc difficile de déterminer l’importance de leurs travaux dans les décisions prises par les acteurs. Pour ces raisons, le positionnement des observatoires dans les organisations est toujours ambigu accentuant le flou autour de ces dispositifs.

Dans notre thèse, nous avons voulu répondre à la question suivante : « dans quelles conditions les observatoires peuvent se maintenir dans une organisation ? ».

Les observatoires ne sont soumis à une aucune obligation légale et n’ont pas de pouvoir décisionnaire. Dragon Images/Shutterstock

Pour cela, nous avons étudié un observatoire des métiers présent dans un organisme de recherche depuis plus de vingt-quatre ans. À travers une trentaine d’entretiens et une documentation riche, nous avons retracé la trajectoire de ce dispositif au sein de l’organisme. Le but était de comprendre comment il a pu échapper à cette fragilité intrinsèque et ce risque d’obsolescence propres aux observatoires.

Adaptation au contexte

Nous avons identifié trois séquences de la trajectoire de cet observatoire. Chaque séquence montre que le dispositif a évolué en fonction du contexte externe (montée en puissance du nouveau management public, évolutions législatives…) et interne (changements de la politique RH, départs/arrivées d’acteurs influant sur son fonctionnement…).

Il est passé d’un dispositif produisant principalement un répertoire des métiers à travers des études qualitatives (séquence 1), à un service réalisant le bilan social et des études statistiques (séquence 2), pour finir en un observatoire cumulant ses différentes missions tout en accompagnant et conseillant les agents concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de l’organisme (séquence 3).

Pour le cas de cet observatoire, notre thèse montre que pour se maintenir il a dû s’adapter au contexte et aux besoins des acteurs. Il n’a pas pu se contenter de sa fonction principale « d’observation » et de réaliser des études longues, risquant d’être en décalage avec les besoins de l’organisation et d’être à terme moins utile pour une politique RH.


Zilacene Dekli est l’auteur de la thèse intitulée « Le processus de légitimation intraorganisationnelle d’un dispositif de gestion à l’épreuve des logiques institutionnelles : le cas d’un observatoire des métiers dans un organisme public de recherche » sous la direction d’Ariel Mendez, professeure des Universités (Aix-Marseille Université).

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