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Les paillis de plastique sont très utilisés, y compris en agriculture biologique, pour réchauffer le sol et accélérer la croissance des plants tout en limitant la croissance des mauvaises herbes. ARMEND NIMANI / AFP

Peut-on se passer de plastique en agriculture ?

En novembre 2023, les Nations unies se sont réunies pour élaborer un traité international sur la pollution plastique, avec un instrument qui se veut juridiquement contraignant. Un effort pour l’instant en forme de coup d’épée dans l’eau, puisque les discussions n’ont pas abouti.

Les discussions se poursuivront en avril 2024 sur un projet de texte révisé. Sans surprise, les exportateurs de pétrole, qui sert de base à la fabrication des plastiques, ne sont pas favorables à une réduction de la production de plastique. Au vu de la quantité de secteurs économiques qui dépendent du plastique, l’inertie est grande.


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Le problème de pollution posé par le plastique est bien connu. Il s’agit du troisième matériau de synthèse le plus produit après le ciment et l’acier. Entre 1950 et 2017, la production de plastique neuf a atteint 9 200 millions de tonnes et pourrait atteindre 34 milliards de tonnes en 2050.

Ce qui n’empêche guère l’insolent succès du plastique. Notamment en agriculture, où le matériau est notamment prisé pour le paillage des cultures. L’enjeu : contrôler la température du sol et le rayonnement solaire, limiter l’évaporation d’eau et empêcher le développement des mauvaises herbes (ou adventices). Des alternatives biodégradables existent, mais elles ne sont pas dénuées d’inconvénients…


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Bienvenue dans le « plasticocène »

Pour qualifier l’omniprésence du plastique, certains parlent de « plasticocène », sur le modèle de la construction du mot anthropocène. Sur tout le plastique produit depuis 1950, seuls 24 % sont encore en usage, 8 % ont été recyclés, et plus de la moitié (58 %) a été jetée (décharges ou autres) dans l’environnement.

Production globale de plastique depuis 1950. GRID-Arendal/UNEP (2021)

En bout de course, le plastique s’accumule l’environnement : dans les sols et dans les systèmes aquatiques. L’image du « continent de plastique » illustre bien le phénomène. À l’échelle macroscopique ou microscopique, les plastiques créent des risques pour de nombreux organismes et écosystèmes terrestres et marins.


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Le plastique en agriculture, à la fois bénédiction et malédiction

Le plastique possède de nombreux atouts : robuste, flexible, léger et bon marché. Une bénédiction pour l’industrie et les consommateurs, mais une malédiction pour l’environnement. Dans la production agricole, le paillage plastique permet de protéger les récoltes et d’augmenter les rendements de production.

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Grâce au « mulch » (paillis) de plastique, les agriculteurs peuvent prolonger la période de récolte et réduire les pertes. De quoi mieux contrôler l’humidité du sol, empêcher le développement des mauvaises herbes, limiter le recours aux pesticides, aux engrais, diminuer les besoins d’eau et même protéger le sol de l’érosion.

Paillage plastique pour protéger des champs de Maïs en Belgique. Gilles San Martin/Flickr, CC BY-NC-SA

De ce point de vue, l’application de paillis plastique contribue donc à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources… Mais ce dernier présente aussi des aspects négatifs.

D’abord parce que le plastique est produit à partir de pétrole, et que son usage en agriculture n’est pas très esthétique dans le paysage. La couverture du sol modifie aussi les écosystèmes de la flore et de la faune. Mais aussi parce que des fragments de plastique et de microplastique vont se retrouver dans les sols, pouvant être lessivés jusque dans les écosystèmes aquatiques.

Il est donc essentiel de trouver des alternatives moins problématiques. Mais toutes les options ne sont pas des compromis acceptables.

Des alternatives biodégradables parfois pires

L’industrie tente généralement de résoudre le problème de la pollution plastique agricole en utilisant des paillages plastiques biodégradables. Ces derniers ont toutefois plusieurs inconvénients : moins solides, ils peuvent libérer davantage de matière plastique dans le sol.

L’utilisation de paillage en plastiques biodégradables suggère une production agricole durable. Mais leur biodégradabilité et les émissions de plastique qu’ils entraînent dans l’environnement constituent des sujets de préoccupation.

Pour être qualifié de plastique biodégradable, un matériau doit pouvoir être transformé en CO2, eau et biomasse par des micro-organismes en moins de 24 mois. Cette aptitude à la dégradation est généralement vérifiée en laboratoire dans des conditions contrôlées.

Le problème ? C’est qu’il n’y a pas assez de preuves pour s’assurer que cela fonctionne aussi bien dans le vrai sol sans impacter négativement son écosystème… Si les plastiques biodégradables ne le sont pas suffisamment, alors ils peuvent s’accumuler dans le sol. Des recherches supplémentaires sont donc requises avant d’affirmer que les paillis plastiques biodégradables constituent une alternative intéressante aux paillis plastiques non biodégradables.

Dans certains cas, des alternatives comme le paillage végétal) peuvent être intéressantes, mais elles sont généralement moins efficaces contre la prolifération des mauvaises herbes et pour conserver la chaleur au sol. De nouvelles technologies (par exemple, le paillis de cellulose ou les films de paillis liquides) sont également en cours de développement. Mais pour l’instant, ces options restent moins intéressantes que les paillis en plastique.

Des pistes pour améliorer les paillages plastiques

Les scientifiques travaillent au développement de matériaux nouveaux qui combineraient les avantages des plastiques les plus robustes, tout en pouvant se dégrader rapidement dans l’environnement. Or, il est difficile de combiner les deux caractéristiques. Pour l’heure, cela nécessite des technologies sophistiquées et des coûts de production encore très élevés.

L’augmentation de la stabilité et de la résistance à la traction du paillage plastique est une autre stratégie pour réduire ses émissions de plastique dans l’environnement. Pour cela, on peut soit améliorer la structure chimique du film plastique, soit tout simplement en augmenter l’épaisseur. C’est ce que montre une étude récente que j’ai menée, qui s’intéressait à la situation en Allemagne.

En effet, on observe que des films de paillage épais, de l’ordre de 50 micromètres d’épaisseur, libèrent moins de plastique dans l’environnement que des films plus fins. Remplacer un film de paillage plastique de 20 micromètres d’épaisseur par un film de 30 ou 40 micromètres peut ainsi réduire les émissions de plastique.

Cependant, l’augmentation de cette épaisseur entraîne des coûts plus élevés et une augmentation des quantités de plastique totales étendues dans les champs. Des systèmes efficaces de recyclage des films de paillage usagés peuvent permettre de lutter contre l’augmentation des déchets plastiques. Une initiative existe déjà en Allemagne pour recycler les films de paillage usagés.

En fin de compte, le statut de bénédiction ou de malédiction du plastique en agriculture va surtout dépendre de la façon dont il est utilisé, dont il est éliminé et dont il est recyclé. Un concept qui n’est pas très nouveau.


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