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Des personnes debout regardent le ciel en portant des lunettes d'éclipse, tandis que des personnes dans la foule tiennent des appareils photo.
Des personnes munies d'appareils photo parmi les spectateurs d'une éclipse solaire partielle dans la ville de Yanguan, à Haining, en Chine, en 2009. (AP Photo/Eugene Hoshiko)

Photographier l’éclipse solaire, un rappel du sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que nous

Si vous faites partie des millions de personnes qui souhaitent voir l’éclipse solaire totale du 8 avril, il y a de fortes chances que vous preniez des photos de votre expérience.

Et, comme beaucoup d’autres avant vous, vous trouverez peut-être que ces photos ne sont pas à la hauteur de vos attentes, de vos expériences et de vos souvenirs de l’éclipse.

Nous vous proposons quelques conseils techniques pour la photographie d’éclipses. Nous nous demandons aussi pourquoi nous sommes si nombreux à vouloir photographier ce type de moments collectifs d’émerveillement et d’étonnement, en réfléchissant au contexte plus large de la culture visuelle autour des éclipses solaires à travers l’histoire.

Défis techniques et sécuritaires

Des personnes prennent des photos à travers des lunettes spéciales lors d’une éclipse solaire partielle à Bucarest, en Roumanie, le 25 octobre 2022. (AP Photo/Vadim Ghirda)

Photographier une éclipse solaire présente quelques défis techniques et de sécurité. Vous pouvez vous préparer, notamment en vous assurant que votre appareil photo (même les téléphones intelligents !) est équipé d’un filtre solaire. Il est également important de vous familiariser avec votre appareil photo et de vous entraîner à l’utiliser dans différentes conditions de luminosité avant l’éclipse.

Les changements de qualité de la lumière seront rapides et drastiques, c’est pourquoi il sera important de se familiariser avec l’ouverture et la vitesse d’obturation le jour J. Un trépied permet de réduire le flou lorsqu’une exposition plus longue est nécessaire. S’il y a des nuages, il est toujours important d’être prudent et de porter des lunettes de protection. La capacité à capturer une image dépendra de l’étendue de la couverture nuageuse. L’expérience visuelle sera différente, mais le ciel s’assombrira toujours, créant des changements dans la couleur et la façon dont la lumière passe à travers les nuages.

Il existe également des façons plus créatives d’envisager la capture de l’expérience, notamment la fabrication d’un projecteur à sténopé.

Ce dispositif simple peut être fabriqué à partir d’une boîte en carton et permet à la fois de regarder en toute sécurité et d’obtenir des images intéressantes.

Des personnes utilisent de vieilles boîtes à bière configurées comme des visionneuses d’éclipse solaire (projecteurs à sténopé) pour regarder l’éclipse solaire depuis le mont Seymour à North Vancouver, en Colombie-Britannique, en août 2017. La Presse canadienne/Jonathan Hayward

Premières photographies d’éclipses

Si vos photographies ne sont pas conformes à vos attentes, vous n’êtes pas seuls. En 1842, le physicien italien Gian Alessandro Majocchi a tenté de photographier l’éclipse solaire totale qui a eu lieu en juillet de cette année-là. Les documents qui subsistent indiquent qu’il n’a eu qu’un succès partiel : les images de son daguerréotype — une des premières techniques de photographie inventées par Louis-Jacques-Mandé Daguerre en 1839, c onsistant à traiter une plaque de cuivre recouverte d’argent avec des produits chimiques sensibles à la lumière — sont perdues.

Majocchi a pu prendre quelques photos avant et après les moments de l’éclipse totale.

Un rappel des sentiments d’émerveillement et de partage

Au-delà des aspects techniques, une photographie réussie de l’éclipse constitue un rappel durable des sentiments d’émerveillement et de faire partie de quelque chose de plus grand que nous.

C’est le genre d’événement qui rassemble les gens. L’expérience partagée se poursuit longtemps après la fin de l’éclipse grâce aux photographies qui servent de marqueurs de mémoire et de preuve tangible que vous étiez là pour assister à l’éclipse. Et même si beaucoup d’entre nous finissent par avoir des photos similaires, il y a quelque chose de significatif dans le fait qu’autant de personnes prennent des photos du même événement.

Des tentes sous un ciel gris et une personne avec un appareil photo tandis qu’une autre personne est allongée sur le sol
Une personne regarde à travers une caméra dans un camping temporaire sur Amami Oshima, au Japon, en juillet 2009, alors que des passionnés se sont rassemblés sur l’île méridionale pour assister à une éclipse solaire totale. (AP Photo/Koji Sasahara)

Par exemple, prendre des photos d’événements peut augmenter le plaisir que l’on en retire, comme l’ont montré les recherches conduites par Kristin Diehl, professeure de marketing, et ses collègues.

La photographie nous permet de conserver des souvenirs, de les partager avec d’autres et de revivre ces moments à l’avenir. Ce qui fait qu’une image se distingue des millions d’autres partagées chaque jour sur les médias sociaux tient souvent à une combinaison de facteurs : son impact visuel, l’histoire qu’elle raconte et la résonance émotionnelle qu’elle peut susciter chez les personnes qui la regardent. En d’autres termes, une grande partie de ce que nous partageons concerne l’expérience au sens large.

Une preuve d’une expérience vécue et une connexion dans le temps

Les photographies répondent également depuis longtemps à un besoin profond de preuve de l’expérience vécue — « nous y étions ». Qu’il s’agisse d’une image floue de la Joconde prise par un téléphone portable ou d’un cliché de l’éclipse, ces images servent de rappels tangibles de nos expériences. Elles valident nos souvenirs, ancrent les histoires que nous racontons et nous permettent de partager ces moments avec d’autres.

Des personnes regardent le ciel, beaucoup portent des lunettes
Des observateurs regardent une éclipse de soleil depuis le pont supérieur de l’Empire State Building à New York, le 31 août 1932. (AP Photo/File)

Regarder des images de personnes observant une éclipse à d’autres époques peut également offrir un sentiment partagé de connexion à travers le temps. Il s’agit d’un phénomène qui nous dépasse et ces images nous relient aux expériences des générations précédentes.

Les photographies scientifiques d’une éclipse, comme celles que Thomas Smillie a réalisées pour le Smithsonian en 1900, ont pu être saluées comme des avancées technologiques. Pourtant, les photographies de personnes rassemblées, qui s’arrêtent un instant et regardent le ciel ont quelque chose de particulièrement fascinant.

Les photographies donnent des indications partielles

Un daguerréotype d’une éclipse solaire pris le 28 juillet 1851 est la première photographie réussie connue de la couronne solaire. Cette image a été réalisée à l’Observatoire royal prussien de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie) par Johann Julius Friedrich Berkowski à l’aide d’un télescope. L’exposition de 84 secondes a permis de capturer l’instant de manière particulièrement détaillée.

En 1890, le American Journal of Photography écrivait : « la photographie n’a probablement pas été aussi utile dans aucun autre domaine scientifique, et certainement dans aucune branche de la science astronomique, que dans l’étude des éclipses solaires ».

Comme le notent les rédacteurs, la photographie peut certainement façonner notre compréhension du monde, contribuer à créer de nouvelles connaissances et fournir des indications précieuses sur la nature de l’univers.

Personnes regardant le ciel avec des lunettes d’éclipse
Des centaines de personnes se rassemblent au mont Tolmie pour admirer l’éclipse solaire partielle à Victoria, en Colombie-Britannique, en août 2017. La Presse canadienne/Chad Hipolito

Mais il y a aussi une limite à ce que la photographie peut faire. L’expérience d’une éclipse solaire va au-delà du visible : les températures chutent, le comportement des animaux non humains peut soudainement changer et de nombreuses personnes font état de réactions émotionnelles ou spirituelles inattendues.

De nombreuses réponses visuelles et artistiques

En outre, il existe une longue tradition d’enregistrement des éclipses sur différents supports visuels. Par exemple, la dynastie Shang en Chine fournit un enregistrement visuel des éclipses solaires par le biais d’une écriture ancienne gravée sur des os d’oracle.

Un tableau de 1610 de Peter Paul Rubens, intitulé « L’élévation de la croix », illustre la longue et complexe histoire des liens entre des phénomènes tels que les éclipses et les croyances religieuses. Au début du XXe siècle, le peintre américain Howard Russell Butler a réalisé une série de peintures dans lesquelles il se concentrait sur les aspects de l’éclipse qu’il était difficile de saisir avec la photographie en noir et blanc — la qualité changeante de la lumière et des couleurs du ciel.

La vidéo accompagnant Black Star de David Bowie (2016) s’ouvre sur une éclipse solaire totale.

Vidéo de la chanson « Black Star » de David Bowie.

Il s’agit d’une imagerie visuelle évocatrice, qui complète les thèmes de la chanson relatifs à la mortalité, tout en faisant un clin d’œil aux interprétations anciennes de l’éclipse, comme symbole d’un malheur imminent. Ce symbolisme était d’autant plus poignant qu’il s’agissait du titre du dernier album studio de Bowie.

Ces types de réponses artistiques aux événements célestes mettent en avant l’interprétation personnelle et les réactions émotionnelles qu’ils suscitent. Elles mettent également en évidence et reflètent les significations sociales, culturelles et spirituelles associées à une éclipse solaire.

This article was originally published in English

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