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Les démarches RSE poussent les salariés à s'engager en faveur de l'environnement ou de la société d'abord pour des raisons morales. Shutterstock

Pour les salariés, la RSE est aussi une affaire de morale

La responsabilité sociétale et environnementale (RSE) des entreprises est devenue un impératif tant éthique que stratégique. En témoigne leur participation à l’élaboration des Objectifs de développement durable définis par l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations unies et leur engagement croissant à réduire leurs émissions directes de gaz à effet de serre. De plus en plus d’entreprises contribuent pleinement à la lutte contre le réchauffement climatique en développant des stratégies environnementales dont les objectifs vont au-delà des attentes légales et font écho aux préoccupations croissantes de la société.

En réfléchissant ainsi, les entreprises s’engagent aussi pour améliorer leur réputation. La société civile comme les candidats à l’emploi ont tendance à avoir une meilleure opinion et à mieux juger les entreprises qui font des efforts en matière de RSE. Les études en sciences de gestion et en psychologie appliquée montrent également que ces démarches sont une source de fierté et d’identification pour les salariés, lesquels se montrent alors plus impliqués, satisfaits, performants et créatifs dans leur travail.

Nous avons, pour notre part, récemment examiné les sentiments moraux que les salariés peuvent ressentir face aux pratiques de RSE de leur employeur, en particulier l’émotion d’élévation morale.

Pas que des explications égocentrées

Nos deux études quantitatives valident l’argument théorique selon lequel les salariés s’intéressent à la RSE pour des raisons morales. Le fait d’être témoin des démarches de leur employeur, notamment sur le plan environnemental, conduit les salariés à ressentir une émotion positive suscitée par l’observation d’une action vertueuse dont ils ne sont pas les bénéficiaires.

Les salariés interrogés ont ressenti autant d’élévation morale que de fierté à l’égard des actions pro-environnementales de leur employeur, telles que la lutte contre le réchauffement climatique, l’investissement dans les technologies propres et les énergies renouvelables, ou le respect et la promotion de la biodiversité. Ils se déclarent « inspirés », « touchés », et « émus » par ces actions. Cependant, seul le sentiment d’élévation morale, et non le sentiment de fierté, s’est ensuite traduit par un engagement des salariés à adopter une conduite pro-environnementale.

La majorité des travaux de recherche étudiaient jusqu’alors les raisons instrumentales et relationnelles qui sous-tendent la perception et l’intérêt des salariés pour la RSE de leur employeur. L’explication instrumentale est fondée sur le besoin des salariés d’avoir un certain sentiment de contrôle vis-à-vis de leur entreprise : les salariés apprécient la RSE de leur employeur parce qu’ils s’attendent à être traités de la même manière que les acteurs visés par ces démarches, notamment avec respect, attention et bienveillance.


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L’explication relationnelle trouve quant à elle son fondement dans le besoin d’appartenance des salariés et dans leur volonté de se construire une identité positive. En contribuant en partie à la réputation et au prestige de l’entreprise, la RSE tend à accroître le sentiment de fierté, d’appartenance et, en fin de compte, d’identification des salariés à l’entreprise.

Au-delà de ces explications égocentrées, nous montrons que l’émotion d’élévation morale suscitée par les démarches environnementales de leur employeur conduit les salariés à davantage vouloir participer, sur une base volontaire, aux pratiques et initiatives de leur entreprise en matière de responsabilité environnementale, alimentant ainsi un cercle vertueux. Ils sont ainsi plus nombreux à affirmer leur volonté de mener des initiatives environnementales, de se porter volontaires pour des projets écologiques et de promouvoir le respect de l’environnement auprès de leurs collègues.

Le phénomène est identique à celui, bien connu, qui consiste à vouloir répliquer une bonne action dont on a été témoin : tenir la porte dans le métro après qu’on nous l’a tenu par exemple, du fait précisément de l’émotion morale induite par cette bonne action. La sociobiologie, mais aussi la théorie de la justice déontique, expliquent cela par notre évolution en tant qu’espèce sociale et coopérative, qui nous amène à apprécier ce qui est juste et bon en vertu de principes moraux, et pas seulement pour satisfaire des intérêts égoïstes.

Attention à l’hypocrisie

Nos résultats soulignent un autre point essentiel : les motivations de l’entreprise en matière de RSE doivent être perçues comme sincères et désintéressées afin de susciter chez les salariés un sentiment d’élévation morale et, partant, des comportements allant dans la même direction. En effet, plus les salariés identifiaient leur employeur comme un membre à part entière de la communauté, soucieux de véritablement contribuer au bien de la société et de promouvoir une cause importante, plus ils ressentaient de l’élévation morale, et inversement.

Autrement dit, comme le montrent aussi d’autres études, si les pratiques de RSE sont perçues comme intéressées, c’est-à-dire considérées avant tout comme une opération de communication, ou, pire, comme insincères, voire hypocrites, comme dans le cas du « greenwashing », l’entreprise risque de susciter au mieux l’indifférence, sinon la colère et l’indignation morale. Cela peut ensuite concrètement se traduire par un « bouche-à-oreille » négatif et des accusations d’irresponsabilité sociale qui peuvent être reprises par les médias et la société civile. Cela a un impact sur les ventes, ainsi que sur le cours de l’action lorsque l’entreprise est cotée en bourse.

Les pratiques RSE doivent donc être en phase avec l’identité même de l’entreprise pour susciter des émotions morales positives. Une identité « d’entreprise citoyenne », accordant une importance sincère et majeure à son affiliation à un groupe, à une cause ou à une communauté plus large, sera plus en phase avec la réalisation des pratiques de RSE. Ainsi, c’est l’adéquation entre l’identité de l’entreprise et ses pratiques RSE, en d’autres mots, l’authenticité de ces pratiques, qui renforcera les sentiments moraux à l’égard des actions de l’entreprise.

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