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Pour une véritable politique publique du sport

Salle du gym. Sport et Citoyenneté

A la sortie d’une conférence sur l’emploi dans les associations sportives – regroupant des représentants du mouvement olympique, de l’État, d’associations d’aide à l’emploi dans le sport et d’élus de collectivités – je m’interroge quant aux contours d’une future politique publique en matière de sport.

Mon interrogation, qui est en fait une inquiétude, augmente lorsque j’imagine le prochain Président de la République, quel que soit son bord politique, traiter de cette question…

Quel grand projet pour le sport ?

En France, il manque encore dans ce domaine un projet de grande envergure, une vision de long terme. Une véritable politique publique mettrait en place un investissement massif d’argent public, avec une stratégie et un projet comprenant des objectifs, des évaluations, portée – rêvons un peu – par un « leader » décisionnaire qui veillerait aux répercussions concrètes d’une telle politique. En ces termes, le dispositif parait simple et pourtant il n’existe pas encore, par manque de volonté politique et/ou de moyens.

Afin de répondre à ce déficit, notre politique publique devrait comprendre, au même titre que nos voisins européens, la notion d’efficience, c’est-à-dire une recherche constante de pragmatisme pour une utilisation efficace et exemplaire de l’argent public. Sans cela, notre système de gouvernance du sport, par ailleurs très complexe, ne pourra s’améliorer, se moderniser, se mettre en phase avec la société.

Et ce, d’autant plus que le manque de traçabilité des dépenses publiques sportives qui en découle détourne les investisseurs privés des projets publics, à l’instar, encore une fois, d’autres pays européens. Ce sont ces modèles de développement économique, totalement bouleversés, qui font que les pouvoirs publics et le monde économique n’ont pas encore trouvé – ou ont perdu ? – la bonne manière de travailler ensemble.

La scission est simple, lorsque les collectivités ont pour objectif de veiller à la santé et au bien-être des citoyens, sans pour autant avoir les finances nécessaires pour suivre et maintenir l’attractivité de leur territoire, les entreprises, elles, entrent dans un marché mondialisé où leur implantation territoriale ne constitue pas toujours un élément de compétitivité.

A quelques mois des prochaines échéances électorales nationales, il me semble que notre politique publique sportive doit être un élément central de l’agenda politique. Pour cela, le lien entre le sport et la politique ne doit pas, ne doit plus, se résumer à la simple remise de médailles en période glorieuse, d’autant plus si c’est aux seules fins d’un self marketing ou d’une communication personnelle.

Prenons deux exemples, celui du bénévolat et celui de la promotion de la citoyenneté par le sport.

Relancer et soutenir le bénévolat

Le monde sportif – on le voit bien lorsque l’on va sur le terrain – est aux abois. Plusieurs indicateurs nous confirment cette tendance. A commencer par le nombre de bénévoles qui diminue, certes pas considérablement mais on déplore une baisse de l’engagement en 2016 (-2,2 % du nombre de bénévoles sportifs en France). Pourtant, l’emploi associatif sportif est structuré à l’origine par le bénévolat puisque c’est un de ses fondamentaux.

Malheureusement, aujourd’hui, parce qu’il devient extrêmement technique, que les responsabilités y sont de plus en plus fortes, les bénévoles sont esseulés. Si on ajoute à ce retrait la diversification de la demande sportive – loisir, détente, santé, bien-être – et l’augmentation des emplois du secteur, on aboutit à une situation où les bénévoles sont à un degré de saturation important. Ils ne sont pas aidés à appréhender l’évolution générale de la société qui tend vers plus de technologies, d’instantanéité. Ils ont parfois du mal à se professionnaliser, à récolter des subventions pour leurs clubs et associations, à faire face à un manque cruel de reconnaissance à tous les niveaux.

Pour les renforcer et leur apporter du soutien, la vague portée par la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pourrait être un levier pour notamment leur accorder un véritable statut et apporter des réponses à ces problématiques grandissantes. Mais ces questions, largement abordées lors des ateliers de réflexion pour décider de l’opportunité d’une candidature française devront être traitées au-delà des jeux politiciens. Bien heureusement certains acteurs publics tels que la Maire de Paris et la Présidente de la Région Ile de France semblent avoir compris ces enjeux et ces problématiques, et le prochain Ministre des Sports devra impérativement s’inscrire dans ce courant.

Le sport citoyen, ciment social

Par ailleurs, le sport est l’un des principaux lieux de citoyenneté active de notre société. Il est un ciment social parce qu’il est un vecteur d’éducation (à l’école comme dans les clubs), il est créateur de lien social, d’engagement dans la cité, de volontariat, de bien-être. Il permet l’apprentissage de règles et de valeurs dès le plus jeune âge…

Tous ces effets, tous ces impacts ont vocation à être protégés et soulignent l’évidence, la nécessité, de créer des synergies entre tous les acteurs concernés, dans le cadre de politiques publiques locales avec des directives nationales claires. Écoles, collectivités publiques, établissements médico-sociaux, maisons de retraite… tous sont concernés par le sport et l’activité physique, tous doivent pouvoir travailler ensemble autour de l’objectif du bien commun.

Un des points problématiques est que les services déconcentrés en matière sportive pâtissent, comme d’autres secteurs, du « millefeuille administratif ». C’est un sujet à mettre à l’ordre du jour du prochain Ministre des sports ou Président de la République afin de résoudre cette source de complexité et de gaspillage.

On y retrouve des fonctionnaires de l’État qui sont, certes, compétents, mais qui se cantonnent parfois à la simple réalisation de leurs tâches. Tâches qui elles-mêmes sont, à leur décharge, peu claires voire même inutiles. Alors est-ce leur rôle d’aller au-delà ? La question s’impose.

Ils aiment ce secteur sans pour autant oser aller plus loin que leurs prérogatives. Le partenariat avec les associations sportives ou œuvrant dans le secteur sportif pourrait être rénové, élargi – sans tomber dans le travers comptable d’une substitution des associations aux administrations.

À titre d’exemple, un investissement structuré par des guides de simplification permettrait d’en faciliter le financement (notamment issu de subventions européennes). Un accompagnement plus poussé, davantage centré sur les compétences que sur les relations amicales ou les intérêts personnels, s’avèrerait lui aussi salutaire. Les fonctionnaires de l’État sont des forces vives nécessaires à la construction d’une citoyenneté active !

Nous avons la chance, il faut le reconnaître, de travailler dans un secteur qui a une puissance médiatique, sociale et économique immense mais hélas sous-évaluée et sous-utilisée. Arrêtons les guerres de chapelle pour se centrer sur l’intérêt général.

Les premiers à devoir impulser un tel changement sont, sans aucun doute, les acteurs publics, quels qu’ils soient et à tous les niveaux de la gouvernance. Il y a maintenant suffisamment de données, de travaux scientifiques, de recommandations pour démontrer que le sport n’est plus un sujet secondaire. Les reproches ne doivent plus concerner les bénévoles, le mouvement sportif et les élus de la nation volontaires, mais bien ceux qui ne changent pas un cadre légal rigide et complexe, qui n’ont pas le courage d’aller au-delà de leur feuille de route ou qui sont tout simplement rétifs au changement, y compris démocratique – ainsi du scandale du cumul des mandats dans les fédérations qui obère tous les efforts de représentativité et de diversité.

Sans un tel effort, la crise dans laquelle nous sommes entraînera encore davantage un déficit de citoyenneté dans un secteur d’activité qui pourtant attire encore énormément les jeunes, qui n’est pas en crise économique, et qui à force d’être méprisé risque de s’organiser autour d’une certaine « ubérisation »…

L’impulsion publique

Si les villes sont des lieux privilégiés, si elles ont parfois un fort potentiel et un fort dynamisme, cela ne doit en aucun cas les amener à être modestes, mais plutôt à tendre vers un développement encore plus grand. Il s’agit d’aller vers un nivellement vers le haut, vers un cercle vertueux, vers « la clause de la ville ou de la nation la plus favorisée ». Ce nivellement vers le haut ne dépend que de la volonté des acteurs qui régissent et organisent le sport français, des convictions qu’ils portent dans leurs projets et du suivi qu’ils leur donnent.

La candidature de Paris pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et les élections présidentielles et législatives de 2017, sont alors autant d’opportunités d’influencer positivement notre système, de tendre vers une organisation plus viable, mais aussi de mettre en place des outils permettant une bonne compréhension économique et sociétale d’une activité en très forte croissance.

Si les politiques choisissent l’immobilisme face à de telles thématiques ils seront rapidement dépassés par les ambitions de leurs citoyens. Il y a en effet en Europe 35 millions de bénévoles actifs dans le sport, qui sont des citoyens honnêtes et engagés, mais qui ont impérativement besoin de soutien et de reconnaissance.

Et, pour revenir à cette conférence qui m’a donné l’envie d’écrire ces quelques lignes, lorsque j’entends les appels au secours des acteurs de terrain, qui font le sport, vers nos décideurs et qu’en réponse il y a de la volonté mais une impuissance dans le meilleur des cas, et, au pire, une suspicion d’incompétence et de mauvaise gestion, je me dis qu’il y a un vrai problème et qu’il ne faut plus se taire. Les associations sont dirigées par des citoyens, pour la plupart irréprochables et bénévoles, qui paient leurs impôts au titre de leurs associations et à titre personnel, sans justement voir ce retour d’argent public qui n’est plus assez injecté dans le sport que nous aimons tous.

Tout n’est pas noir, heureusement, la valorisation de l’engagement des bénévoles dans la loi Égalité et citoyenneté va dans le bon sens mais faisons le pari d’aller encore plus loin… Nous souhaitons tous le changement, l’évolution, des décideurs publics courageux et ce n’est pas le dynamisme porté par le sport qui viendra restreindre nos ambitions. Car si le prochain gouvernement ne veut pas d’une politique publique du sport ambitieuse il sera alors vraiment temps de confier l’intégralité de ce secteur exceptionnel, mais sous utilisé, à un autre acteur…

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