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Pourquoi apprendre à expliquer son travail de thèse en trois minutes

Événement « Ma Thèse en 180 secondes » 2017. Le Dôme via Visualhunt.com, CC BY-NC-SA

L’entretien d’embauche est un exercice qui concernera un grand nombre de nos doctorants. Ils ont suivi pour la plupart des formations qui les préparent à l’écriture d’un CV, d’une lettre de motivations, ils savent parfois établir un bilan de compétences. Mais peu en définitive sont capables de valoriser leur travail sous la forme d’une brève présentation de leur travail qui, au-delà du sujet lui-même, permet de révéler à l’employeur des capacités de synthèse, de mise à distance, d’esprit critique.

Parler à des non-initiés

Le doctorant devra apprendre à présenter en quelques secondes son travail avec l’objectif de démontrer que les connaissances et compétences acquises pendant ces trois ans peuvent être mises au service d’un questionnement différent.

Ce travail de vulgarisation est complexe et nécessite de s’être préparé : il ne s’agit pas de « professer » ou de montrer l’étendue de son savoir. On s’adresse ici à une personne qui ne possède sûrement pas les mêmes codes que nous, mais qui est cependant curieuse d’apprendre.

Plus largement, savoir expliquer à un public de non-initiés son travail de thèse facilite et ouvre le dialogue avec ses proches, sa famille, avec ses amis. On se souvient peut-être du film On connaît la chanson, et de l’intérêt vague (source de petite déprime) que l’entourage du personnage joué par Agnès Jaoui porte à son travail de thèse (« Les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru »).

La «thèse sur rien»

L’idée est qu’un doctorant sachant s’exprimer sera mieux écouté. Il éveillera naturellement une curiosité qui en retour lui donnera de la confiance, de l’estime de soi et de son travail, bref de la motivation.

Expliquer son travail, ça s’apprend

Apprendre à exprimer simplement et rapidement le contexte et les grandes problématiques de son travail de thèse nécessite une réflexion en amont qui obligera le doctorant à ralentir quelques instants sa course laborieuse, à lever un peu le nez du guidon. Il s’agira ici de s’extraire des préoccupations techniques de son travail, une tâche qui occupe en général son quotidien professionnel, mais dont la plupart des non-spécialistes se désintéressent, à juste titre.

Quel est le contexte général de mon travail ? Dans quelle histoire passée et actuelle des sciences, des techniques, des arts et des hommes s’inscrit-il ? Quel est l’enjeu de ce travail pour la société ? Pour répondre à ces questions, il faut accepter de sortir de son paradigme disciplinaire et thématique. Cet effort n’est pas inné, il s’apprend. Il faut s’exercer au regard de l’autre pour atteindre un niveau raisonnable de réflexivité, et finalement mieux comprendre ce que l’on fait et dans quel cadre.

Il faut transmettre à nos doctorants l’idée qu’un bon vulgarisateur est un bon chercheur. Le physicien Richard Feynman, par exemple, prix Nobel en 1965 pour sa contribution majeure dans le développement de l’électrodynamique quantique, était aussi très bien connu pour refuser toute invitation à des séminaires et colloques de recherche, focalisant son effort de transmission au profit du « grand public », lors de conférences destinées à des non-spécialistes ou de livres passionnants, pleins d’humour, magnifiquement écrits.

Une citation de Richard Feynman. tlwmdbt/Visual Hunt, CC BY

Par ailleurs, cette capacité à présenter son activité de recherche permet de mieux situer son travail lors d’une introduction à un article scientifique, une demande de financement, une présentation lors d’une conférence. C’est aussi un outil qui facilite l’échange interdisciplinaire entre collègues.

Enfin, il faut souligner qu’un exercice de ce type permet de rappeler aux doctorants de nos laboratoires et instituts que l’exercice de la diffusion des connaissances scientifiques, et plus précisément ici celui de leur travail de recherche, est une des missions statutaires de l’Université française.

Pour une généralisation de MT180s !

Ce concours est une manifestation qui attire un grand public et qui est largement médiatisé. C’est une vitrine, un des outils efficaces que les universitaires ont à leur disposition pour faire connaître aux plus grands nombres les enjeux et problématiques actuels des travaux de recherche (représentés ici par des jeunes qui attirent peut-être plus naturellement l’attention et la sympathie qu’un chercheur confirmé).

Mathieu Buonafine, 1erprix du jury, finale nationale 2016 de MT180s.

Cette réussite peut être généralisée à un plus grand nombre de doctorants (tous ?), en privilégiant l’aspect formation. L’idée ici serait, dans un premier temps, de s’extraire des contraintes imposées par la forte exposition publique du concours MT180s (prestation filmée et enregistrée en direct devant un public).

Cela étant, si elles ne visent pas nécessairement une participation à MT180s, les trois ou quatre séances d’information et d’exercices pourraient bien sûr aider ceux qui souhaiteront s’inscrire et représenter leur communauté de recherche.

Voici comment pourrait s’organiser une telle formation :

Séance 1 : Information (cf texte présent pour les objectifs, fonctionnement de MT180s, répondre aux questions et aux inquiétudes, etc.).

Séance 2 : Préparation à l’exercice de présentation (rencontres avec des anciens candidats de MT180s et/ou avec des comédiens professionnels, conseils sur comment présenter, le langage corporel, les écueils à éviter, le travail personnel à fournir, et visionnages vidéo).

Séance 3 : Travail sur sa présentation en autonomie, par binôme constitué par des doctorants de domaines le plus éloignés possible.

Séance 4 : Oral (auto- et interévaluation uniquement).

Ce genre d’approche aidera nos doctorants, au-delà d’un simple exercice, à éviter le syndrome (légèrement déprimant) de « la thèse sur rien ».

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