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Pourquoi les « entreprises où il fait bon travailler » surperforment en temps de crise

Les entreprises qui se distinguent en matière de qualité de vie au travail enregistrent notamment de meilleures performances en bourse. Dotshock / Shutterstock

En France comme aux États-Unis, la recherche en sciences de gestion observe que les entreprises du classement réalisé par Great Place to Work, qui distingue les entreprises les plus investies dans la qualité de vie au travail (QVT), surperforment en période de crise.

Une étude le révélait déjà en 2016 en comparant un portefeuille d’actions d’entreprises classées au palmarès Great Place to Work aux États-Unis à deux indices :

  • le Standard & Poors 500, indice de référence qui regroupe les 500 plus grosses entreprises américaines et 80 % de la capitalisation aux États-Unis ;

  • le Center for Research in Security Prices, indice qui regroupe les principaux indices boursiers américains (Nasdaq, NYSE, etc.).

Évolution d’un portefeuille d’actions d’entreprises « Best Workplaces » (GPW) comparé à l’indicateur S&P 500 ainsi qu’au CRSP, un indicateur élargi (incluant le New York Stock Exchange, Nasdaq, et American Stock Exchange). Extrait de « Great Places to Work : Resilience in Times of Crisis », Carvalho & Areal (2015)

Dans le graphique, « bull » désigne une période de croissance économique et « bear » une période de crise. Il matérialise le constat fait par les chercheurs, à savoir que les entreprises Great Place to Work ont mieux résisté aux deux crises (2001 et 2008) que la moyenne.

L’étude va plus loin : en scindant le classement en deux, les chercheurs observent que si les 50 dernières entreprises du classement (qui en compte 100), ne voient pas leur performance se détériorer, celles du top 50 se distinguent par une surperformance boursière annuelle de 6 %.

En France aussi, les « entreprises où il fait bon travailler » semblent observer une performance au-dessus de la moyenne – bien que ce classement fasse parfois l’objet de débats.

Les travaux de recherche scientifique financés par Great Place to Work France, en collaboration avec le laboratoire du CERGAM d’Aix-Marseille Université, testent actuellement la résilience de ces entreprises lors de la crise de la dette dans la zone euro en 2010–2011 avec celle du marché.

Le constat est le même : l’écart semble se creuser entre les great places to work et leurs concurrentes sur la base de la rentabilité rapportée aux avoirs de l’entreprise : entre 4 % et 8 % en période de crise.

Investir sur la confiance

En utilisant le questionnaire Trust Index, ces travaux de recherche observent que les entreprises classées au palmarès génèrent un actif intangible : la confiance que les salariés ont envers leur management, source d’avantage concurrentiel.

En effet, la confiance est la dimension la plus difficile à maintenir à long terme. Dès lors que la crise impacte fortement la rentabilité d’une entreprise, tous les accords intangibles, ces contrats dits « psychologiques », volent en éclat.

Les cinq dimensions du questionnaire anonyme Trust Index, qui évaluent la perception des salariés de leur travail et son environnement (collègues, management). Trust Index

Imaginez, si votre manager vous annonce que l’entreprise est incapable de payer une prime promise, votre réaction sera très différente si vous avez confiance en votre manager, ou non.

Toutefois, si la situation financière de l’entreprise se dégrade au point d’engager un plan social, le fait d’être une great place to work permettra de limiter les dommages collatéraux. Cela a été souligné dans le cadre d’une étude publiée dans l’Academy of Management Journal.

Dans cette étude, il est observé que plusieurs pratiques managériales portées par Great Place to Work diminuent les effets collatéraux d’un plan social : le taux de départ volontaire chez les rescapés du licenciement économique diminue de 81 % dans les great places to work.

Par ailleurs, dans les organisations qui ont décidé de faire un investissement sur la confiance, qui représente un investissement à long terme, les collaborateurs ont une capacité à sortir de leur rôle prescrit, de ce qui est indiqué dans leur contrat écrit : c’est pour cela qu’elles sont plus résilientes.

À travers la confiance, elles réussissent à créer ce que l’on appelle un « comportement de citoyenneté et d’innovation organisationnel ». En d’autres termes, si l’entreprise est en difficulté, ses collaborateurs ne vont pas faire le minimum requis : ils vont au contraire redoubler d’efforts et surtout d’inventivité, ils vont faire plus en quantité et en qualité, un don de soi.

Adam Grant, chercheur en psychologie des organisations souligne ce mécanisme dans son ouvrage Donner et prendre. Les collaborateurs « donnent » pour le collectif, dans le but de créer du lien social, facteur de confiance et in fine de résilience.

Miser sur la mission d’entreprise

De manière générale, des travaux effectués à l’Université Harvard puis en France, montrent l’importance chez les great places to work de bien communiquer sur un projet commun qui dépasse la maximisation du profit, la mission de l’organisation.

La clarté de la communication managériale est clé pour faire vivre le collectif. Au-delà de l’alignement au sein de l’équipe de direction, la perception des managers intermédiaires est primordiale, car ce sont eux qui assurent le lien entre la vision de la direction qui fait face aux difficultés financières et sa mise en place dans toute l’organisation.

Cette vision doit permettre au management intermédiaire d’être convaincu du sens de son travail et de comprendre clairement comment atteindre ses objectifs. En complément, la direction ne doit pas déroger à cette vision puisqu’elle représente un engagement collectif : c’est de cette manière qu’elle sera jugée fiable et inspirera confiance.

Les managers intermédiaires seront alors à même de transmettre cette vision et de mettre en place un nouveau contrat psychologique auprès des collaborateurs.

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