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Les mains d'une personne âgée en train de prendre des médicaments dans un boîtier
En vieillissant, on risque davantage de développer des maladies chroniques qui nécessiteront la prise de plusieurs médicaments, traitant différents problèmes. C'est ce qu'on nomme la polypharmacie. (Shutterstock)

Prendre trop de médicaments peut présenter des risques pour la santé. Voici comment les éviter

On a tous cette image en tête : celle d’un proche, souvent âgé, qui manipule une volumineuse boîte de rangement de médicaments, triés par jour de la semaine. Et on se dit : est-ce trop ? Comment interagissent tous ces comprimés ?

Le fait est qu’en vieillissant, on risque davantage de développer des maladies chroniques qui nécessiteront la prise de plusieurs médicaments, traitant différents problèmes. C’est ce qu’on nomme la polypharmacie. Elle s’applique lorsqu’une personne consomme cinq médicaments ou plus, mais il existe toutes sortes de définitions avec différents seuils (par exemple, 4, 10 ou 15 médicaments).

Je suis pharmacienne et pharmacoépidémiologiste, et je m’intéresse à la polypharmacie et à ses impacts dans la population. Mon équipe, de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval et moi-même, concentrons nos recherches sur l’usage approprié de médicaments chez les aînés. Nous avons publié cette étude sur les perceptions des aînés de grand âge, des proches aidants et des cliniciens sur l’usage des médicaments chez les personnes âgées.

La polypharmacie chez les aînés

Chez les aînés, la polypharmacie est très fréquente. En 2021, un quart des personnes âgées au Canada se sont vus prescrire plus de dix classes différentes de médicaments. Au Québec, les personnes de plus de 65 ans ont utilisé en moyenne 8,7 médicaments différents en 2016, dernière année disponible pour les statistiques.

Est-ce bien de prendre autant de médicaments ?

Selon notre étude, la vaste majorité des aînés et des proches aidants seraient prêts à arrêter un ou plusieurs médicaments si le médecin disait que c’était possible, même si la plupart sont satisfaits des traitements, ont confiance en leurs médecins et estiment qu’ils les soignent du mieux qu’ils peuvent.

Dans la majorité des cas, les prescripteurs agissent pour le bien de la personne qu’ils traitent. Les médicaments ont des impacts positifs pour la santé, et peuvent être essentiels dans plusieurs des cas. Mais si le traitement de chacune des maladies est souvent adéquat, c’est l’ensemble qui peut parfois être problématique.

Les risques de la polypharmacie : 5 éléments à prendre en considération

Lorsqu’on évalue les polypharmacies, on constate que la qualité des traitements est souvent compromise quand il y a beaucoup de médicaments.

  1. Les interactions médicamenteuses : la polypharmacie augmente le risque que les médicaments interagissent entre eux, ce qui peut engendrer des effets indésirables ou réduire l’efficacité des traitements.

  2. Un médicament qui a des effets positifs sur une maladie peut avoir des effets négatifs sur une autre : que faire quand une personne présente les deux maladies ?

  3. Plus le nombre de médicaments augmente, plus grand est le risque d’effets indésirables : pour une personne âgée, on constate une augmentation des risques de confusion ou de chutes, par exemple, ce qui n’est pas anodin.

  4. Plus une personne prend de médicaments, plus elle est susceptible d’avoir un médicament potentiellement inapproprié. Ces médicaments apportent en général plus de risques que de bénéfices chez les aînés. Par exemple, les benzodiazépines, des médicaments pour l’anxiété ou pour dormir, sont la classe la plus fréquemment utilisée. On souhaite réduire leur usage au maximum pour éviter de causer des impacts négatifs, comme la confusion, les risques de chutes et d’accidents d’automobile, sans oublier les risques de dépendance et de décès.

  5. Enfin, la polypharmacie est associée à différents effets néfastes sur la santé, comme une augmentation de la fragilité, des hospitalisations et des visites à l’urgence.Toutefois, les études menées jusqu’à présent n’ont pas toujours bien réussi à isoler l’effet propre à la polypharmacie. Comme elle est plus fréquente chez les personnes atteintes de plusieurs maladies, celles-ci peuvent aussi avoir leur part dans les risques observés.

Par ailleurs, la polypharmacie est une combinaison de médicaments. Il y en a presque autant qu’il y a de personnes. Les risques de ces différentes combinaisons peuvent varier. Par exemple, ceux associés à une combinaison de cinq médicaments potentiellement inappropriés seraient sûrement différents de ceux de médicaments pour l’hypertension artérielle et de suppléments de vitamines.

La polypharmacie est donc complexe. Nos études tentent d’utiliser l’intelligence artificielle pour gérer cette complexité et identifier les combinaisons associées à des impacts négatifs. Il y a encore beaucoup à apprendre sur la polypharmacie et ses impacts sur la santé.

Trois conseils pour éviter les risques de la polypharmacie

Quelles sont nos options comme patient ou comme proche ?

  1. Posez des questions : quand un nouveau traitement est prescrit, à vous ou votre proche, soyez curieux. Quels sont les bénéfices à tirer du médicament ? Quels sont les effets secondaires possibles ? Est-ce que ceci correspond bien à mes objectifs de traitement et mes valeurs ? Combien de temps ce traitement devrait-il durer ? Y a-t-il des circonstances où il faudrait considérer le cesser ?
Une femme en sarrau présente des médicaments à une femme âgée, de dos
Il ne faut pas hésiter à poser des questions à son médecin sur les risques et bénéfices de chaque médicament prescrit. (Shutterstock)
  1. Faites une mise à jour régulière des médicaments : assurez-vous qu’ils ont tous leur utilité. Y a-t-il encore des bénéfices ? Est-ce qu’il y a des effets indésirables ? Est-ce qu’il y a des interactions entre les médicaments ? Un autre traitement serait-il mieux ? Faudrait-il réduire la dose ?

  2. Pensez à la déprescription : il s’agit d’une pratique clinique de plus en plus courante qui consiste à cesser ou réduire la dose d’un médicament inapproprié de manière concertée avec les professionnels de la santé. C’est un processus de décision partagée entre le patient, l’entourage et les professionnels de la santé. Le réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription est un leader mondial dans cette pratique. Il recense plusieurs outils pour les patients et les cliniciens. On peut les consulter sur le site web et s’abonner à l’infolettre si on le souhaite.

Des bénéfices plus grands que ses risques

Les médicaments sont une ressource fort utile pour rester en santé. Il est fréquent que l’on doive en consommer plusieurs avec l’âge, mais on ne doit pas le voir comme une fatalité.

Chaque médicament que l’on prend doit avoir des bénéfices directs ou à venir plus grands que les risques. Tout comme pour bien d’autres sujets, le dicton « la modération a bien meilleur goût » s’applique souvent à la polypharmacie.

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