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Primaire de la droite : les candidats entre faibles conflits et gros consensus

Les candidats à la primaire du parti Les Républicains pour l'élection présidentielle de 2022 avant le débat télévisé du 14 novembre 2021.
Les candidats à la primaire du parti Les Républicains pour l'élection présidentielle de 2022 avant le débat télévisé du 14 novembre 2021. Thomas Samson / AFP

« Penser c’est juger », écrit Kant dans ses Prolégomènes de 1783. D’autre part, participer c’est prendre parti. Il se pourrait bien que ces deux assertions représentent une grande partie de ce qui forme les débats politiques. Le jugement est, en effet, inhérent à toute expression politique ce qui la rend toujours interprétable dans un sens favorable ou défavorable et permet ainsi la prise de parti.

C’est l’aspect conflictuel du débat politique qui en fait le versant verbal du combat politique. Mais débattre c’est aussi rechercher le consensus à travers des arguments qui peuvent être développés de façon rationnelle de telle sorte qu’un débat politique apparaît toujours comme le modèle de la joute politique où le consensus et le conflit sont toujours en tension.

À cet égard, comment se sont présentés les deux débats organisés par Les Républicains des 8 et 14 novembre 2021 pour éclairer le vote des adhérents qui conduit à l’investiture de leur candidat à l’élection présidentielle de 2022 ? Quels sont les enjeux fondamentaux autour desquels ont tourné ces débats ?

Le consensus et les petites différences des candidats à la primaire

Incontestablement, l’enjeu stratégique principal a consisté à négocier la part du consensus et la part des différences que pouvait exprimer chaque candidat. Globalement, le premier débat du 8 novembre sur LCI a été davantage inspiré par le souci du rassemblement (culminant chez Michel Barnier mais nettement affaibli dans le deuxième) que l’expression des différences. La situation électorale telle que la révèlent les sondages d’intention de vote fait apparaître la nécessité pour les cinq candidats d’apparaître sinon totalement unis du moins très proche les uns des autres dans leur positionnement politique.

Le deuxième débat s’est tenu le 14 novembre sur BFMTV et RMC. Il était décisif pour une raison strictement électorale à court terme car il constituait l’une des dernières occasions pour les cinq candidats de dynamiser à leur profit respectif la campagne d’adhésion des militants de LR qui s’achèvera le 16 novembre. En effet, le nombre de nouveaux adhérents à LR enregistrés à la suite des deux débats du 8 et du 14 novembre constitue l’un des indicateurs les plus évidents du succès ou de l’échec de ces débats télévisés. Il faudra donc surveiller cet indicateur pour évaluer l’impact de ces débats.

Tableau de décompte des temps de parole des candidats à la primaire de la droite
Au cours des deux débats, les différences entre les candidats sont apparues comme mineurs. Bertrand Guay/AFP

Le besoin du consensus est rappelé par le thème de la « famille politique » largement repris par tous les prétendants tout au long du débat. Les thèmes spécifiques sur lesquels vient s’investir ce souci de l’apparente unité sont multiples.

L’évocation des questions soulevées par le pouvoir d’achat et la dette sont l’occasion d’une ode à la « valeur travail ». La préférence pour l’énergie nucléaire, le durcissement très net concernant la réduction de l’immigration et l’expulsion des clandestins, l’augmentation des dépenses régaliennes et le retour de l’ordre et de la sécurité ou la France dans le monde avec le maintien au Sahel, tous les thèmes ont donné lieu à une offre de tonalité très unanime et droitière.

Les différences apparaissent mineures tant elles sont éparses à travers les deux débats et ne constituent pas de foyer d’agrégation. Si l’on s’attarde quelques instants sur les propos des uns et des autres, nous avons par exemple Valérie Pécresse qui reproche à Michel Barnier « de ne pas avoir dit comment il finançait ses mesures ». « Attention de ne pas trop promettre » rétorque-t-il ensuite à la Présidente de la région Île-de-France à propos des suppressions d’emplois publics. Philippe Juvin finit par avouer « moi, je n’ai jamais quitté ma famille politique », ce qui n’a pas du plaire ni à Xavier Bertrand ni à Valérie Pécresse. Michel Barnier rejette la prime d’activité suggérée par Xavier Bertrand comme forme d’assistanat inopportun de l’État.

Ces divergences ne donnent pas cependant l’impression d’une animosité comparable à celle qui s’était exprimée entre les sept candidats de la primaire de la droite et du centre lors de leur premier débat du 13 octobre 2016 où de multiples attaques ad hominem avaient été lancées.

Prégnance des questions identitaires et d’immigration

Le tropisme identitaire marque très fortement le premier débat et encore plus le deuxième où les questions de l’immigration et de l’intégration tiennent une place de choix puisqu’elles inspirent des propositions consensuelles (renforcement général des mesures de lutte contre l’immigration clandestine) aussi bien que particulières (moratoire de Barnier, critiqué par Pécresse pour son inefficacité face à l’immigration zéro, proximité idéologique de Ciotti avec Zemmour en qui il refuse de voir un adversaire contrairement à ses concurrents, prise de position de Ciotti en faveur de la préférence nationale et son refus du regroupement familial).

L’obsession sécuritaire est aussi très sensible à travers les deux débats successifs. Quant au contenu de ces débats, on pourra s’étonner de voir les quatre thèmes sélectionnés économie, immigration, sécurité, place de la France dans le monde. Réplique exacte du premier débat avec le seul changement de leur ordre de traitement. Il serait important de savoir si la domination de ces thèmes dans l’ensemble est à imputer aux journalistes ou si elle traduit le souci des candidats de se conformer aux attentes réputées droitières des adhérents de LR qui vont voter le 4 décembre pour désigner le candidat de la droite dite républicaine.

Cette domination a été interprétée comme le signal d’une orientation « à droite, toute » pour reprendre le commentaire du quotidien « Le Monde » concernant la fermeté des propositions communes, pour l’essentiel, des prétendants. On peut s’étonner que les quatre thèmes sélectionnés ne constituent qu’une faible partie de la Charte des principes fondamentaux des Républicains adoptée en octobre 2019. La laïcité, en particulier, qui y figurait a ainsi disparu des enjeux électoraux des candidats à l’investiture.

Tous contre Macron

Le thème le plus rassembleur est dans aucun doute la condamnation unanime de la présidence d’Emmanuel Macron pour toutes ses décisions : le laxisme à l’égard de l’immigration et la défense de la sécurité publique, l’augmentation de la dépense publique (« Il a cramé la caisse » selon Pécresse qui préconise la suppression de 200000 emplois publics), la gestion critiquable de la crise sanitaire de la Covid, le déclassement de la France au plan international comme le montre l’affaire humiliante des sous-marins australiens, le désintérêt pour le referendum néo-calédonien et le maintien de la France dans le pacifique.

Bref, Macron est désigné comme la cible principale des Républicains. De pouvoir d’achat, de politique industrielle, d’environnement ou de fiscalité, il a été aussi question mais de façon très tardive et fugace au point que ces thèmes n’ont pas permis de repérer des différences profondes de projet entre les candidats.

Sachant que l’essentiel des effets produits sur le public par ce type de débat tient aux commentaires et aux verdicts, politiques et médiatiques, qui s’en suivent, on se contentera de pointer que la droite républicaine a assumé sans détour ses valeurs et sa prétention consensuelle et déterminée à mettre en œuvre une politique marquée par la fermeté des mesures de nature à davantage satisfaire ses militants que l’ensemble des électeurs français.

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