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Quel avenir pour les droites populistes dans le monde de l’après-Covid ?

Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement National, en chemin pour débattre d'un projet de loi visant a lutte contre l'islamisme radical, le 6 octobre. Ludovic MARIN / AFP

En dépit d’inquiétudes croissantes face aux conséquences économiques de la pandémie de coronavirus, la crise sanitaire ne semble pas alimenter pour l’heure le soutien aux partis de droite populiste tels que le Rassemblement national de Marine Le Pen en France, la Ligue italienne ou l’AfD en Allemagne.

Outre-Atlantique, la défaite de Donald Trump à l’élection présidentielle, malgré un nombre record de suffrages, a attesté de l’impact politique de la gestion de la crise sanitaire, en particulier dans l’électorat modéré. Au Royaume-Uni, Boris Johnson paie lui aussi le prix politique de son inaction face à la pandémie.

Un nouveau « cycle » de déclin des droites populistes ?

Si ces partis semblent aujourd’hui à la peine face à la pandémie, un nouveau « cycle » politique marqué par le déclin des acteurs populistes paraît cependant encore très hypothétique. Pour plusieurs raisons.

Le succès de ces mouvements s’inscrit tout d’abord dans des transformations profondes des sociétés contemporaines, en réponse aux changements politiques, économiques et culturels qui ont affecté les régimes démocratiques depuis plusieurs décennies. Or ces facteurs structurels ne sont pas amenés à disparaître avec le coronavirus. Bien au contraire.

L’impact de la crise sanitaire devrait se faire sentir au travers de ses répercussions économiques, avec pour effet d’attiser les anxiétés et les insécurités qui alimentent traditionnellement le vote populiste.

Dans les grandes démocraties occidentales comme la France ou les États-Unis, la crise sanitaire touche principalement les groupes sociaux les plus vulnérables, dans les couches populaires, qui constituent traditionnellement le gros des troupes des droites populistes.

Sous les effets de la pandémie, les inégalités socio-économiques en particulier devraient continuer de se renforcer et ces groupes plus exposés pourraient bien être de nouveau tentés à l’avenir de se tourner vers ce type de partis.

L’impact économique de la pandémie a de surcroît le potentiel déstabiliser des classes moyennes déjà très fragilisées par la crise de 2008. Une enquête récente du Pew Research Center montre à cet égard des niveaux d’inquiétudes économiques supérieurs à ceux de 2008 dans la plupart des grandes nations occidentales.

Le populisme ou la « performance » des crises

La chaîne causale qui permet de relier la pandémie au populisme est complexe : l’histoire récente du populisme montre toutefois comment ces acteurs « performent » et médiatisent les crises en dirigeant les frustrations et les colères vers les élites politiques. Dans sa version nationaliste de droite, le populisme articule en outre les peurs économiques avec le ressentiment à l’encontre des immigrés.

Si, pour l’instant, les enjeux de santé publique semblent encore l’emporter sur les questions économiques, en France ou aux États-Unis par exemple, une fois l’urgence sanitaire passée, la réalité économique pourrait ouvrir la voie aux populistes pour exploiter une crise d’ampleur probablement historique.

Heinz-Christian Strache Autriche
Heinz-Christian Strache, ex-vice-chancelier et ancien chef de file du parti d’extrême droite FPOe, actuel leader de l’Alliance pour l’Autriche, pose avec des partisans à Vienne le 3 octobre 2020. Alex Halada/AFP

L’existence d’une profonde défiance politico-institutionnelle dans nombre de nations occidentales offre en la matière un terreau particulièrement fertile à la critique des élites et à l’instrumentalisation des effets économiques de la pandémie par les entrepreneurs populistes.

À plus longue échéance, on ne peut occulter par ailleurs les effets potentiels de la pandémie sur les migrations internationales. Les estimations du PNUD anticipent une baisse historique de l’indice de développement humain dans le monde pour la première fois depuis sa création en 1990.

Associée aux effets du changement climatique, une telle explosion de la pauvreté est de nature à intensifier les flux migratoires et remettre de ce fait l’immigration au cœur de l’agenda politique, au profit des droites populistes. Au plus fort de la crise des réfugiés de 2015, ces dernières avaient su exploiter les inquiétudes liées à l’immigration et avaient enregistré des résultats à la hausse dans la plupart des pays européens, y compris dans l’ancien bloc soviétique.

Enfin, troisième et dernier motif de prudence, les effets de la crise sanitaire pourraient aussi se faire sentir à plus long terme dans la légitimation de certains des thèmes fétiches des nationaux-populistes.

À l’image du cas français, les inquiétudes relatives à la pandémie ont attisé la demande de protection, de sécurité et de leadership fort.

Le danger de la rhétorique autoritaire

La crise a conduit de nombreux gouvernements occidentaux à des mesures de restriction des libertés. Si le risque d’érosion des principes démocratiques demeure somme toute très limité, la zeitgeist sécuritaire qui s’impose peut en revanche venir nourrir, elle, la rhétorique autoritaire des droites populistes.

À cela s’ajoute la menace du terrorisme islamiste telle que réactivée par les attentats récents en France ou en Autriche. La menace terroriste constitue indéniablement un autre phénomène porteur pour les droites populistes, que ces dernières tentent depuis de nombreuses années de relier à l’immigration et à l’arrivée des réfugiés.

Giorgia Meloni et son allié Matteo Salvini, manifestation Italie
La cheffe de file des Frères d’Italie Giorgia Meloni et son allié Matteo Salvini, leader de la Ligue, lors d’une manifestation à Rome le 19 octobre 2019. Tiziana Fabi/AFP

En cela, les enjeux de la pandémie de coronavirus Covid-19 résonnent avec la question fondamentale des frontières et de la protection des intérêts nationaux. Derrière la crise sanitaire se dessine aussi en filigrane le clivage entre « société ouverte » et « société fermée », structurant de nombre de systèmes politiques contemporains. En France, les deux dernières vagues du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF ont illustré un mouvement net de repli national au sein de l’opinion à l’égard de l’ouverture de la France sur le monde à l’occasion de la crise sanitaire.

L’après-Covid risque fort d’être marqué par le retour imposé des frontières et de la souveraineté, au profit de l’idéologie nationaliste des droites populistes.

Le retour des intérêts nationaux

Aux États-Unis, la présidence Biden n’annonce pas de rupture forte sur la question du protectionnisme économique et du libre-échange. En Europe, le difficile déploiement du plan de relance européen témoigne de la prévalence des intérêts nationaux et de la fragilité de la solidarité européenne.

Un éventuel échec de l’Union européenne à apporter une réponse efficiente aux enjeux socio-économiques de la crise sanitaire permettrait à des mouvements tels que le RN ou la Ligue de Matteo Salvini de réactiver un discours eurosceptique qu’ils avaient pour beaucoup d’entre eux stratégiquement tempéré lors des élections européennes de 2019.

Et donner finalement raison aux leaders populistes qui, à l’image de Giorgia Meloni, fondatrice des Frères d’Italie, ou Marine Le Pen, proclament que « le monde de demain sera celui du retour des frontières ». En l’occurrence, il pourrait surtout marquer le retour des populistes de droite…

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