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Maîtriser la consommation d’électricité s’impose comme une priorité pour le prochain gouvernement. Shutterstock

Quelles priorités en matière d’énergie pour le prochain quinquennat ?

Dans le cadre des négociations climatiques conduites lors de la COP21 en 2015, la France s’est engagée à réduire de 40 % d’ici à 2030 ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990.

Si les candidats à la présidentielle 2017 s’accordent sur l’importance de lutter contre le changement climatique, une question essentielle demeure : sur quelles sources d’énergie la France devrait-elle miser à l’avenir : le nucléaire ou les renouvelables (ENR) – et dans quelles proportions ?

À l’heure actuelle, avec une production d’électricité couverte à 72 % par le nucléaire, cette énergie reste encore très majoritaire et les renouvelables arrivent loin derrière, avec seulement 18 %. Cependant, la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte prévoit de porter la part de ces énergies à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité pour 2025.

Les propositions des candidats

Si l’on regarde les propositions des principaux candidats, tous souhaitent voir la part des énergies renouvelables dans le bouquet électrique français augmenter, mais dans des proportions très différentes. Le rôle du nucléaire reste lui controversé et les candidats ont des opinions diamétralement opposées.

François Fillon et Marine Le Pen remettent ainsi en cause l’ambition du gouvernement socialiste de faire baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique ; ils proposent au contraire d’investir et de développer cette énergie. Tous deux ont une vision centralisée du futur secteur électrique.

Pour Jean-Luc Mélenchon, la France doit suivre l’exemple de son voisin outre-Rhin et sortir complètement du nucléaire. Il imagine un secteur électrique dont la production serait décentralisée et entre les mains des citoyens. Hamon le rejoint sur ce point en souhaitant « favoriser une production décentralisée et citoyenne ». Ce dernier, tout comme Macron, demeure en revanche plus pragmatique sur l’avenir du nucléaire en France et propose de maintenir le cap actuellement défini par la loi.

Analyse des programmes des candidats à la lumière des travaux menés dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique. P.Criqui/M.Colombier, CC BY-NC-ND

Baisser la part du nucléaire, pas une priorité

Que nous dit la confrontation entre ces visions portées par les candidats et celles des experts français du secteur de l’énergie ?

Le Baromètre du marché de l’énergie conduit par Grenoble École de Management a interrogé (de façon anonyme) une centaine de spécialistes sur ce que devraient être les priorités de la politique énergétique des cinq prochaines années.

De manière assez surprenante, seul un tiers des experts pensent que baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique français devrait être une priorité.

Ceci indique qu’ils sont nombreux à douter de la faisabilité de réduire rapidement la part du nucléaire au profit des énergies renouvelables. À ce jour, seule Fessenheim, la plus vieille centrale de France, devrait être démantelée.

Une industrie plongée dans l’incertitude

Il faut également souligner que seuls 14 % des experts interrogés pensent qu’améliorer la compétitivité du secteur nucléaire français devrait être une priorité.

Après des décennies de suprématie pour cette énergie, son futur en France et à l’étranger semble plus incertain que jamais. Malgré la construction future d’Hinkley Point C – un projet mené conjointement par EDF et l’entreprise d’État chinoise GCN – qui a obtenu le feu vert du gouvernement britannique en 2016, des problèmes techniques ont retardé la construction des EPR de Flamenville et d’Olkiluoto en Finlande.

De même, des anomalies détectées dans certaines cuves ont récemment causé un arrêt temporaire d’un tiers de la capacité nucléaire dans l’Hexagone et les gouvernements français et américain ont ouvert des investigations sur près d’une décennie de falsification de documents relatifs à la qualité des pièces produites par la forge Areva du Creusot.

Enfin, il est prévu qu’EDF rachète Areva NP afin de venir en aide à ce dernier, actuellement en proie à d’importantes difficultés financières dues à une accumulation de mauvais choix stratégiques et à un marché du nucléaire en berne. Areva n’est d’ailleurs pas le seul fabricant de technologies nucléaires en difficulté. Toshiba, l’un des principaux conglomérats japonais et propriétaire du développeur nucléaire Westinghouse basé aux États-Unis, vient en effet de se retirer de tous nouveaux projets nucléaires en dehors du Japon suite à de mauvais résultats financiers.

Une transition amorcée

L’industrie du nucléaire est victime d’un effet ciseau. D’un côté les demandes en termes de sécurité sont de plus en plus exigeantes, ce qui augmente le coût de construction des centrales. De l’autre, la baisse du prix des hydrocarbures, notamment des hydrocarbures non-conventionnels comme le gaz de schiste, ont fait baisser les prix de gros de l’électricité.

RTE

Il devient ainsi de plus en plus difficile pour les propriétaires de centrales nucléaires de récupérer les coûts fixes de leur investissement. En même temps, le coût des énergies renouvelables, des technologies du smart-grid et des technologies de stockage a fortement chuté ces dernières années. Prenons l’exemple des batteries au lithium, élément-clé de la diffusion massive de l’énergie solaire résidentielle et des voitures électriques : leur prix, bien qu’encore élevé, a baissé de 14 % par an entre 2007 et 2014.

Il est fort probable que la transition d’un marché de niche vers un marché grand public ait lieu plus rapidement que ce que les énergéticiens historiques, les politiques et les citoyens pensent.

Gérer la consommation, la priorité

Le défi majeur de cette transition sera d’intégrer les énergies renouvelables intermittentes comme l’éolien et le solaire dans le système électrique et de couvrir la demande en électricité, même lorsqu’il fait nuit ou que le vent ne souffle pas.

En France, avec une habitation sur trois équipée de chauffage électrique, il est nécessaire de gérer le pic des demandes pendant les froides journées d’hiver. Cette année, par exemple, la consommation a enregistré une pointe le 20 janvier à 94,2 GW, ce qui représente la pointe la plus élevée depuis février 2012.

Cumulé à l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires pour cause de maintenance ou de test commandé par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) afin de vérifier la résistance de certain matériaux suite aux anomalies détectées dans les cuves fabriquées dans l’usine Areva du Creusot, il aura fallu que RTE, la filiale d’EDF en charge des transports d’électricité, redouble d’imagination pour éviter de recourir massivement à des coupures localisées d’électricité.

L’une des stratégies pour limiter les pics de consommation consiste à faire baisser la demande en électricité des ménages. Contrairement au nucléaire, l’opinion des spécialistes sur l’importance de mettre en place une politique favorisant l’efficacité énergétique est sans équivoque : près de trois experts sur quatre pensent que l’efficacité énergétique devrait être une priorité de la politique française lors du prochain quinquennat.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est l’une des rares thématiques sur laquelle Fillon, Hamon, Le Pen, Macron et Mélenchon se rejoignent.

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