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Photomicrographie d'une lésion MS démyélinisante. La coloration immunohistochimique du CD68 met en évidence de nombreux macrophages (marron). Marvin 101/Wikimedia, CC BY-SA

Qu’est-ce que la sclérose en plaques ?

La sclérose en plaque est une maladie inflammatoire du système nerveux central qui touche plus de 2,3 millions de personnes dans le monde, dont 400 000 en Europe et plus de 110 000 en France. Il s’agit d’une maladie auto-immune : le système de défense immunitaire, censé protéger l’organisme contre l’intrusion d’agents pathogènes, s’attaque à lui.

La sclérose en plaques (parfois abrégée en « SEP ») se caractérise par la dégradation de la gaine de myéline qui recouvre les prolongements – ou axones – des neurones du système nerveux central (cerveau, moelle épinière, nerfs optiques). Cette gaine est attaquée par les cellules immunitaires, qui la considèrent comme un corps étranger. Ce qui in fine, peut conduire à la destruction des neurones eux-mêmes.

Alors que se profile la Journée mondiale de la sclérose en plaques, le 30 mai, que sait-on de cette maladie, et comment est-elle prise en charge ?

Une maladie qui existe sous plusieurs formes

En fonction de l’importance des lésions et de leur localisation, les symptômes de la sclérose en plaque peuvent varier beaucoup, allant de sensations désagréables dans une partie du corps jusqu’à des troubles cognitifs. Il peut s’agir de troubles moteurs liés à une faiblesse musculaire, ou de troubles de la sensibilité, de symptômes visuels, de troubles de l’équilibre, de troubles urinaires ou sexuels, associés à une fatigue extrême et inhabituelle, de troubles de la mémoire, de la concentration, ou encore d’épisodes dépressifs.

Selon la progression de ces symptômes, on distingue différentes formes de sclérose en plaque. La maladie peut en effet évoluer par poussées (forme rémittente) ou bien s’installer de manière lente et continue (forme progressive). La forme progressive peut par ailleurs se révéler « primaire » (si la SEP est d’emblée progressive, ce qui concerne 15 % des cas et constitue une forme de plus mauvais pronostique) ou « secondaire » (dans ce cas, la SEP devient progressive après avoir été rémittente, ce qui correspond à 85 % des cas).

Cette maladie, on l’a dit, vient d’une réaction anormale du système de défense immunitaire. Celui-ci, qui s’appuie normalement sur des cellules situées principalement dans le sang et circulant dans l’organisme est constitué de deux composantes, l’une innée, l’autre adaptative.

L’immunité innée et l’immunité adaptative au banc des accusés

C’est généralement au système immunitaire adaptatif que l’on pense lorsqu’on évoque les réactions de défense de l’organisme. Il comprend deux grandes catégories de globules blancs : à savoir, des lymphocytes B notamment producteurs d’anticorps, et des lymphocytes T eux-mêmes scindés en différents types et responsables de l’immunité cellulaire. Toutes ces cellules sont capables de reconnaître des intrus par des marqueurs portant le nom d’antigènes, ce qui leur permet ensuite de les attaquer. Cette reconnaissance est le fruit d’un apprentissage, au fur et à mesure des rencontres avec ces marqueurs.

Le système immunitaire inné, lui, est présent et fonctionnel dès la naissance, avant même que l’organisme n’ait été en contact avec des antigènes. Il a un double rôle de surveillance et de protection, et s’appuie lui aussi sur de nombreuses cellules : les monocytes, les cellules dendritiques, les neutrophiles, etc. Une population de cellules immunitaires spécifique se trouve aussi dans le système nerveux central, la microglie.

Toutes ces cellules sont capables de détecter des antigènes, puis de détruire les envahisseurs qui les portent et/ou de recruter des globules blancs du système immunitaire adaptatif en leur présentant les antigènes, pour une action plus ciblée. Les systèmes immunitaires inné et adaptatif se complètent, le premier étant nécessaire à l’activation du second. Quelles sont leurs implications respectives dans la sclérose en plaques ?

Dans les années 1970, des lymphocytes T et B ont été découverts dans le cerveau et la moelle épinière de patients atteints de SEP. Après avoir franchit la barrière hémato-encéphalique, sorte de « filtre » protégeant le cerveau des agents ou substances pathogènes circulant dans le sang, ces globules blancs détruisent la gaine de myéline et, ce faisant, bloquent l’influx nerveux. Étant donné que, pour être en mesure d’agir, ces lymphocytes doivent se faire présenter les antigènes de leurs cibles par des cellules du système immunitaire inné, on peut en déduire que la composante innée du système immunitaire est impliquée en amont de leur intervention. Suspectée pour la première fois durant la seconde moitié des années 1980, et désormais clairement démontrée, cette implication du système immunitaire innée dans la SEP reste cependant encore mal comprise aujourd’hui.

Nous avons récemment mis en évidence que, chez la souris, l’entrée des monocytes dans la moelle épinière se fait avant celle des lymphocytes. Cette observation, bien que devant être confirmée chez l’être humain, nous conduit à penser que ces cellules sont les premières à pénétrer dans le système nerveux central.

Reste à comprendre les liens de causalité existant entre les différents éléments connus de la SEP : activation des cellules immunitaire, entrée dans le SNC, destruction de la myéline, etc. Une fois dans le système nerveux central, les monocytes peuvent en effet donner différents types de cellules, comme les macrophages et les cellules dendritiques. Leurs fonctions sont mal connues, mais on les sait potentiellement délétères pour le tissu nerveux, et on pourrait imaginer de les cibler pour traiter la maladie…

Traiter les symptômes, ralentir la progression

Pour l’heure, il n’existe aucun traitement permettant de guérir de la SEP. La prise en charge thérapeutique repose sur deux approches.

L’une consiste à atténuer les symptômes, avec des médicaments qui ne sont pas spécifiques à la SEP : des analgésiques pour calmer la douleur, des antidépresseurs en cas de dépression, ou des corticoïdes pour diminuer ponctuellement l’intensité d’une poussée inflammatoire.

L’autre approche, qui s’adresse aux formes rémittentes, c’est-à-dire aux poussées inflammatoires, vise à freiner la progression de la maladie, grâce à des médicaments ciblant le système immunitaire : il s’agit de l’empêcher de s’attaquer à la gaine de myéline et aux neurones.

Les premières molécules développées à cette fin cherchaient logiquement à interdire l’entrée des lymphocytes B et T dans le système nerveux central. Ces médicaments ont contribué à réduire les symptômes de la SEP, en espaçant les rechutes et en atténuant leur intensité. Il s’agit par exemple des immunomodulateurs interféron β et acétate de glatiramère. Proposés aux patients en première intention car généralement bien supportés, ils diminuent d’environ 30 % la fréquence des poussées et d’environ 60 % le nombre de nouvelles lésions visibles à l’IRM. Pour les formes plus sévères ou ne répondant pas aux premiers traitements proposés, on dispose d’immunosuppresseurs comme le natalizumab, qui réduit la fréquence des poussées d’environ 60 % et le nombre de nouvelles lésions à l’IRM d’environ 90 %.

Un certain nombre d’immunomodulateurs et immunosuppresseurs sont aujourd’hui disponibles sur le marché : fingolimod, diméthyl fumarate, teriflunomide, alemtuzumab, ocrelizumab, cladribine, etc. Le choix de l’un ou l’autre revient au médecin, au regard du dossier médical de son patient. Malheureusement, ces traitements peuvent être assortis d’effets secondaires trop importants, ou bien se révéler inefficaces, notamment pour les formes progressives de SEP.

S’attaquer au système immunitaire inné

La sclérose en plaque peut encore se manifester alors même que les lymphocytes T et B sont bloqués par des médicaments, ce qui renforce l’idée d’une action du système immunitaire inné en amont. Pour l’heure, un seul traitement la prend en partie pour cible, mais il est très aggressif : il ne s’agit ni plus ni moins que de détruire tout le système immunitaire par chimiothérapie, avant d’en rétablir un autre par le biais d’une greffe de moelle osseuse.

Il est encore trop tôt pour conclure sur les bénéfices à long terme d’un tel traitement. Mais au vu des suivis les plus longs (5 à 10 ans), les résultats sont encourageants. La progression de la maladie est en effet considérablement ralentie : elle n’a continué d’évoluer que chez 23 % des patients, 74 % s’étant stabilisés ou améliorés.

Il n’est pas impossible que le succès de ce protocole soit dû à sa double action sur les systèmes immunitaires inné et adaptatif. Reste que son côté radical limite le champ de son utilisation : il faut peser le pour et le contre, mettre en balance l’amélioration de la qualité de vie espérée avec les risques et effets secondaires encourus par la chimiothérapie, et enfin tenir compte des réponses du malade à d’autres prises en charge.

Il reste beaucoup à faire pour mieux comprendre les causes de la SEP. Les scientifiques ont notamment mis en évidence l’existence d’une prédisposition génétique, même si chacun des gènes impliqués n’ait qu’un faible effet sur le risque de développer la maladie. Ils ont aussi longuement suivi la piste d’une potentielle origine infectieuse de la maladie, mais jusqu’ici aucune preuve concluante n’a été découverte. Le rôle du tabagisme est aussi suspecté, tout comme le manque de vitamine D pendant l’enfance, mais les liens avec le système immunitaire doivent encore être éclaircis.

Enfin, même si les mécanismes sous-jacents demeurent inconnus, un nombre croissant d’études met en avant les bénéfices d’une bonne hygiène de vie, basée sur une alimentation saine et équilibrée, une activité physique suffisante, etc. Chacune de ces avancées permet d’ajouter une pièce au puzzle, avec l’espoir d’améliorer toujours davantage la prise en charge des patients.

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