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Des personnes marchent le long d'un canal partiellement gelé sous un ciel ensoleillé.
La patinoire du canal Rideau, à Ottawa, est fermée, le 17 février 2024. Ouverte fin janvier, le temps doux et la pluie verglaçante l'ont obligée à fermer quatre jours plus tard. La Presse canadienne/Justin Tang

Réchauffement planétaire : l’hiver canadien n’est plus ce qu’il était

Au terme d’un autre hiver particulièrement doux, la population canadienne constate une fois de plus à quel point le réchauffement planétaire a transformé le climat hivernal du pays.

D’un océan à l’autre, les températures clémentes sont venues bousculer les activités hivernales. De la fonte des châteaux de glace au Carnaval de Québec à l’insuffisance du couvert neigeux dans les stations de ski de l’Ouest canadien, aucune région du pays ne semble échapper au phénomène.

Toutefois, le changement le plus universellement perceptible sera probablement la précarité de la saison du patinage sur glace.

Pour la deuxième année consécutive, la patinoire du canal Rideau à Ottawa était fermée en plein cœur de la saison du patinage. En 2022-2023, elle est restée fermée tout l’hiver pour la première fois de son histoire. Cette année, un tronçon a été brièvement accessible en janvier, mais la persistance des températures douces en a forcé la fermeture après seulement quatre jours. À Montréal, moins de 40 % des patinoires extérieures municipales étaient ouvertes à la mi-février. Le fameux étang du parc Lafontaine n’a pas été ouvert au patinage de la saison.

Rien qui incite à l’optimisme, donc. Cette nouvelle réalité témoigne de notre inaction devant la crise climatique, dont la disparition graduelle du patinage extérieur est en voie de devenir la plus récente manifestation.


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Sur une glace mince

Il y a plus de 10 ans, notre groupe de recherche publiait sa première analyse de l’effet des hivers de plus en plus doux sur le patinage extérieur au Canada : dès 2005, on observait que la saison de patinage commençait de plus en plus tard et durait de moins en moins longtemps, et ce, un peu partout au pays.

Un reportage de CBC sur la gestion de la patinoire du canal Rideau en 2023.

Même son de cloche dans certaines publications subséquentes du projet RinkWatch, qui ont fait état du raccourcissement de la saison et de la détérioration de la qualité de la glace au fil des ans dans de nombreuses villes canadiennes.

À Ottawa, le nombre de jours de patinage sur le canal Rideau diminue depuis 20 ans. Au cours de cette période, la saison de patinage type s’est écourtée et a été amputée de près de 40 %, une tendance directement liée à la hausse des températures hivernales.

Avancer dans la mauvaise direction

Les progrès dans l’atténuation des risques climatiques restent beaucoup trop lents.

Les émissions mondiales de CO2 ont atteint un sommet inégalé en 2023, et les températures moyennes dépassent maintenant de 1,3 °C celles de l’ère préindustrielle. À ce rythme, nous franchirons le seuil de 1,5 °C — la limite inférieure de la fourchette cible de température établie dans le cadre de l’Accord de Paris — dans moins de sept ans.

Dans un article de 2012, nous avons avancé que, d’ici la moitié du siècle, il pourrait ne plus y avoir de journées propices à l’arrosage des patinoires dans la plupart des régions du sud du Canada. Dans une analyse plus récente des patinoires extérieures de Montréal, nous avons émis l’hypothèse qu’il sera impossible d’y pratiquer le patinage dès 2070.

Graphique montrant le nombre de jours de patinage sur le canal Rideau au fil du temps
La diminution du nombre de jours de patinage sur le canal Rideau à Ottawa est un effet direct du réchauffement climatique. (Mitchell Dickau), Author provided (no reuse)

En rétrospective, ces prévisions, comme d’autres du même ordre, étaient peut-être trop optimistes. Dans une étude concernant les jours de patinage sur le canal Rideau publiée en 2015, les auteurs parlaient du patinage extérieur comme d’une activité en déclin, mais qui persisterait jusqu’à la fin du siècle, même si les émissions de CO2 restent élevées. Vu les deux dernières saisons, force est de constater que les choses se sont dégradées beaucoup plus rapidement que prévu.

En 2023, les températures ont été les plus élevées jamais enregistrées à l’échelle mondiale. C’était aussi le cas en décembre 2023 et en janvier 2024. Depuis 1950, les hivers canadiens ont gagné plus de 3 °C, une hausse environ trois fois plus rapide que le réchauffement planétaire sur la même période.

Il faut au moins trois journées très froides de suite pour créer la base de glace d’une patinoire extérieure, suivies d’une période de froid assez longue pour que la surface reste en bon état. Déjà que les patinoires tolèrent mal des températures supérieures au point de congélation, quand la pluie se met de la partie, le résultat est souvent catastrophique.

Graphique montrant les températures moyennes enregistrées de 1880 à 2024
Températures mensuelles anormales de 1850 à 2024. L’année 2023 est la plus chaude jamais enregistrée, tout comme l’hiver 2023-2024. La tendance à la hausse observée en hiver menace de plus en plus la viabilité du patinage extérieur au Canada. (Mitchell Dickau), Author provided (no reuse)

Il suffit de quelques degrés de plus en janvier et en février pour rendre une patinoire hors d’usage. Comme les hivers se réchauffent, les municipalités auront de plus en plus de mal à justifier les ressources consacrées à la préparation et à l’entretien des patinoires extérieures.

Une transition brutale vers une nouvelle réalité changeante

Plus les années passent sans que nous arrivions à atténuer véritablement les effets des changements climatiques, plus il est difficile d’imaginer la présence de nombreuses patinoires extérieures sans le recours à la réfrigération artificielle. Si les autres activités hivernales subissent aussi les contrecoups des conditions de neige capricieuses, le patinage extérieur risque d’être la première victime du réchauffement climatique.

C’est bien connu, Wayne Gretzky a appris à patiner et à jouer au hockey dans les années 1960 à Brantford, en Ontario, sur une patinoire extérieure aménagée par son père. Or, elle est maintenant presque révolue l’époque où on pouvait année après année s’adonner au patinage extérieur dans le sud de l’Ontario. Et, en raison du réchauffement planétaire, il devient de plus en plus utopique de penser que les jeunes d’aujourd’hui et de demain pourront encore suivre les traces de « La Merveille ».

Cette réalité est une injustice pour bon nombre de ces jeunes, mais aussi une menace à l’existence même d’une activité emblématique de l’hiver canadien.

Pour préserver ce qu’il reste de la culture du patinage hivernal au Canada, nous devons redoubler d’efforts afin de réduire nos émissions de CO2 et de stabiliser les températures à l’échelle mondiale, faute de quoi les images qu’évoquent les paroles de la chanson « River » de Joni Mitchell, « une rivière où je pourrais filer, patins aux pieds », relèveront bientôt de la fiction ou du folklore.

This article was originally published in English

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