Favoriser l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, c’est l’un des objectifs affichés par la loi « Avenir professionnel », qui entre en vigueur en 2020. Les entreprises sont toujours tenues d’embaucher 6 % de travailleurs bénéficiant de la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), faute de quoi elles s’exposent à des sanctions financières. Mais les modes de calcul et de déclaration de ces travailleurs évoluent, notamment en étendant l’obligation aux PME comptant moins de 20 salariés et en incluant tous les types d’emploi, même les stages.
Dans ce contexte, les étudiants concernés ont-ils intérêt à révéler leur situation à de potentiels employeurs ? C'est une question que l'on peut se poser à l'occasion de la 23ᵉ édition de la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées.
Parmi les demandeurs d’emploi, si 25 % ont un niveau supérieur au bac, ce taux recule à 11 % chez ceux qui bénéficient de la RQTH. Cette pénurie de compétences est souvent pointée par les entreprises qui peinent à atteindre les quotas réglementaires : les candidats peuvent donc supposer qu’elle joue en leur faveur.
Mais la lourdeur des démarches administratives peut dissuader certains jeunes de les entreprendre, surtout dans le cas d’un stage court. En effet, il faut parfois compter des délais de plus de six mois pour obtenir la RQTH.
Surtout, il y a le poids des préjugés. Dans une société qui valorise la compétition et la performance, les étudiants peuvent hésiter à révéler un handicap dit « invisible », comme une maladie chronique ou un trouble psychique. Et les statistiques actuelles éveillent des craintes : le taux de chômage des personnes en situation de handicap s’élève à 19 % contre 10 % pour les personnes valides. Un phénomène causé par des difficultés d’accès comme des discriminations.
Risque de stigmatisation
L’existence d’un quota de 6 % de travailleurs handicapés est largement pris en compte par les étudiants et les jeunes diplômés lorsqu’ils se demandent s’ils vont ou non révéler leur handicap.
S’ils le font, c’est avant tout pour obtenir des aménagements au quotidien : aménagements horaires, aide à la communication, matériel adapté. Mais ils utilisent aussi cette révélation comme un argument lors de leurs négociations avec l’entreprise. À compétences égales, révéler un handicap peut donner un petit coup de pouce aux jeunes diplômés, notamment dans des secteurs perçus comme concurrentiels. Cependant, la crainte d’être recruté « pour un statut et non pas pour ses compétences » demeure l’un des fils conducteurs de la prise de décision.
Pour faire la part des choses, les jeunes diplômés n’hésitent pas à auditer les pratiques de l’entreprise, et ce en amont de leur recrutement, afin de vérifier que les actions affichées sur les supports institutionnels reflètent une réelle volonté d’intégration. « Le handicap, c’est souvent un objet de marketing », observe l’une des personnes que j’ai interviewées lors de ma thèse.
La facilité à déclarer un handicap et en faire un outil de négociation dépend également de sa nature. Les jeunes diplômés sont bien conscients que certains handicaps jugés comme « moins sévères », « plus prévisibles » ou simplement plus « classiques » sont plus faciles à mettre sur un CV que les autres. Ils reconnaissent alors l’existence de discriminations entre types de handicaps. Les maladies chroniques font partie des handicaps les plus délicats à révéler : leur évolution, difficile à prévoir, peut effrayer certains employeurs.
Compétences nouvelles
De manière globale lorsque les jeunes diplômés font le choix de révéler leur handicap, ils vont alors adopter des stratégies opposées. Certains auront une approche plutôt normalisante, consistant à montrer que, malgré le handicap, ils sont en capacité de fonctionner comme une personne valide. Ils entendent compenser par eux-mêmes leurs potentielles lacunes ou difficultés en faisant plus d’heures par exemple, plutôt qu’en demandant un aménagement.
D’autres, au contraire, insistent sur cette différence, en montrant en quoi le handicap leur a permis de fonctionner autrement. L’un de nos interviewés souligne notamment les compétences relationnelles acquises grâce à son handicap. Et il a réadapté d’ailleurs son projet professionnel en fonction de cette facilité au dialogue.
La manière de révéler le handicap n’est pas sans conséquence. La normalisation conduit parfois la personne handicapée à sous-estimer la nécessité d’obtenir des aménagements et ainsi à sur-compenser par elle-même le handicap en dégradant sa santé.
A contrario, en essayant de valoriser son handicap, un candidat peut, à tort ou à raison, donner l’impression à l’employeur qu’il souhaite être recruté grâce à ce statut. Cette dernière attitude peut être mal perçue par l’entreprise.
Accompagnement sur-mesure
Les futurs diplômés peuvent solliciter plusieurs ressources pour être accompagnés dans leur réflexion, comme les réseaux d’étudiants déjà passés par les mêmes étapes. Outre les intermédiaires de l’emploi spécialisés, les étudiants peuvent aussi se tourner vers les missions « handicap » des universités.
Néanmoins, au-delà de toutes les informations disponibles, la révélation est une décision propre à chaque individu et à chaque situation. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision en la matière, c’est aussi le résultat d’un nécessaire cheminement identitaire. On ne va pas révéler une identité dans laquelle on ne se reconnaît pas !
Durant la transition entre les études et le monde professionnel, les futurs diplômés vont effectuer de nombreuses immersions en entreprise, pendant lesquelles la révélation peut être testée (ou pas). C’est en quelque sorte une phase probatoire qui les aide à trouver la bonne posture.
Révéler un handicap dans une entreprise ne marque pas la personne pour toute sa carrière. Rien n’empêche de ne plus le faire en accédant à un deuxième emploi, si la première expérience ne s’est pas bien passée ou si le salarié ne ressent plus le besoin d’accompagnements spécifiques.