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Santé mentale au travail : des troubles fréquents, mais encore mal considérés

Les entreprises restent peu préparées pour gérer la détresse mentale de leurs employés. Nattakorn_Maneerat / Shutterstock

Dans un environnement moderne qui place le bien-être des salariés au cœur de ses préoccupations, les troubles mentaux restent encore un tabou au sein des entreprises. Pourtant, dans le monde, de plus en plus de personnes font face à ces difficultés.

Aux États-Unis, on estime qu’un adulte sur 5 souffre de problèmes mentaux au cours d’une année et une personne sur 4 au Royaume-Uni. En Angleterre, 1 personne sur 6 déclare en souffrir régulièrement au cours d’une semaine. Et selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les femmes sont particulièrement exposées, avec des taux plus élevés de troubles mentaux comme la dépression, l’anxiété, etc.

En 2017, l’OMS estimait que ces troubles psychiques coûtaient à l’économie mondiale 1000 milliards de dollars de perte de productivité chaque année.

La recherche européenne, par la contribution de l’Union européenne au consortium World Mental Health Surveys Initiative (EU-WMH), montre que les employés souffrant de problèmes mentaux déclarent en moyenne 3,1 jours d’absentéisme par mois, contre 1 jour par mois pour des employés lambda.

La santé mentale affecte l’efficacité d’un employé sur son lieu de travail. À Audencia, nous avons analysé 257 réponses à une enquête pour comprendre comment les personnes touchées font face dans leur emploi. Plus spécifiquement, nous avons examiné comment les personnes prennent soin de leur santé mentale pendant leur temps de travail et si cela affecte leur productivité.

Travailler comme si de rien n’était

D’abord, les symptômes fluctuent : un jour donné, une personne est pleinement fonctionnelle et le lendemain, il peut être difficile pour elle de sortir du lit. Bien que nos participants travaillent dans divers secteurs (la santé, la vente au détail, l’hôtellerie, l’administration, le service à la clientèle ou l’éducation), des tendances émergent dans leur manière de faire face.

Certains se tournent vers la toxicomanie et l’automutilation pour soulager les tensions. D’autres tentent de cacher leurs symptômes au travail, le résultat final entraînant pourtant plus de fatigue et de stress. Ils reconnaissent être distraits dans leurs fonctions.

Quelques personnes se forcent à travailler quand elles ne se sentent pas bien, même lorsqu’elles estiment devoir prendre un congé. En revanche, pour d’autres, le travail est salvateur. Il permet de se déconnecter de leurs problèmes en se concentrant sur leurs tâches, pour tenir toute la journée. Il peut même les aider à surmonter leurs difficultés sur une période.

Mais les participants admettent qu’au fil du temps, tous réalisent qu’ils doivent prendre soin d’eux plutôt que d’ignorer leurs symptômes : continuer à travailler affecte négativement leurs performances au travail à terme.

Leur santé mentale a un impact important sur la qualité de leur activité, le rythme avec lequel ils effectuent leurs tâches et le nombre d’erreurs commises. Ils connaissent également de grandes baisses d’énergie, entraînant d’après eux plus de lenteur.

Des techniques de contournement

Toutefois, certaines stratégies permettent aux participants de réussir à allier les exigences de leur emploi et leur bien-être. Il y a ceux qui acceptent leur condition plutôt que de la combattre.

Pour d’autres, des conseils avisés et un suivi médical ont un effet positif sur leur efficacité au travail. Les activités de pleine conscience (le yoga, la méditation) aident aussi à réguler certains symptômes. Désamorcer des situations en utilisant l’humour est une autre technique pour maintenir une bonne relation avec ses collègues tout en donnant des indications de sa santé.

Enfin, il reste la stratégie de compensation : compenser une perte de qualité ou de réactivité au travail lors de certains épisodes difficiles en travaillant plus durant les périodes où ils se sentent en meilleure forme.

Les individus touchés peuvent aussi réguler ou réduire leurs symptômes si, au sein de leurs entreprises, ils se sentent écoutés et soutenus. Par exemple, si leurs employeurs leur permettent de prendre des congés ou recevoir un traitement adapté.

Malheureusement, de nombreux employés souffrants n’osent pas en parler. Et la réalité, beaucoup d’entreprises n’y sont pas préparées ou ne proposent pas d’aménagement des tâches pour aider leurs salariés à répondre à leurs exigences professionnelles.

Il devient donc urgent d’organiser une plus grande sensibilisation à l’ensemble des souffrances psychiques, qui ne se voient pas forcément. Une communication transparente et un soutien managérial s’avèrent essentiels pour améliorer la vie professionnelle et l’inclusion de ces personnes plus vulnérables.


L’article complet a été publié dans Employee Relations sous le nom « Coping with mental health conditions at work and its impact on self-perceived job performance », coécrit avec Sarah Richard (Professeure associée, EM Strasbourg) et François Grima (maître de conférences, Université Paris 12).

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