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Entraînement de Julia Samuelson (Athlète internationale Suèdoise sur 3000m steeple et Renaud Clerc (athlète handisport 738 sur 1500m) en 2021 à la Réunion
Entraînement de Julia Samuelson (athlète internationale Suédoise sur 3 000m steeple) et Renaud Clerc (athlète handisport 738 sur 1 500m) en 2021 à la Réunion. Julien Garvi/WK.vision, Fourni par l'auteur

Stress, fatigue, récupération : comment enchaîner les courses aux JO 2024 ?

Les Jeux olympiques de Paris approchent à grands pas, et avec eux, de nouveaux défis se profilent pour les athlètes de haut niveau. Parmi les disciplines récentes, le relai 4x400 mètres mixte attire particulièrement l’attention en raison de son caractère novateur. Cette discipline qui a fait sa première apparition en 2017 avant d’être officialisée lors des Championnats du monde 2019 à Doha est la seule discipline de l’athlétisme qui oppose à la fois des athlètes masculins et féminins. En plus de ce côté innovant, elle donne la possibilité de remporter une médaille de plus, surtout que l’Équipe de France s’est classée quatrième durant la dernière édition des Championnats du monde à Budapest l’été dernier.

Pour un athlète, spécialiste de cette distance, il va devoir courir sa course de séries, sa demi-finale voire sa finale en individuel, puis ensuite enchaîner avec les tours qualificatifs et les finales des relais 4x400 et 4x400 mixte. Cela représente entre cinq et sept courses en une semaine, le tout dans un contexte de compétition internationale intense. Pour les sportifs, cela représente un défi physique et mental considérable.

Face à cette réalité, la Fédération française d’athlétisme (FFA) a décidé de prendre les devants en lançant un projet de recherche visant à optimiser la performance et la récupération des athlètes engagés dans de telles épreuves. La FFA a donc lancé une thèse, dont je suis le doctorant référent, destinée à avancer ce travail de recherche ainsi que d’accompagner les athlètes membres de l’Équipe de France dans l’optimisation de leur performance.

Le paradoxe du coureur de 400 mètres

Le paradoxe entre les connaissances scientifiques et l’expérience des athlètes constitue le point de départ de cette initiative. En effet, si la littérature scientifique, notamment grâce aux travaux de Robert Robergs et de notre équipe de recherche dirigée par le Pr Claire Thomas et le Dr Christine Hanon (2019), souligne la capacité du corps à revenir à un état basal après un exercice intense en moins d’une heure et demie, les sportifs eux-mêmes éprouvent des difficultés à maintenir leur niveau de performance sur plusieurs jours consécutifs.

Test VO2max réalisé sur Maéva Danois (athlète international sur 3000m steeple) à l’INSEP. Julien Garvi/WK.vision, Fourni par l'auteur

En d’autres termes, les biomarqueurs témoins de la fatigue à l’issue d’une course à haute intensité, tels que la concentration en lactate ou en bicarbonate sanguin, le pH sanguin ou la force des muscles extenseurs de la hanche, reviennent à leurs valeurs initiales, mesurées en amont de l’effort, moins de 90 minutes après l’arrêt de l’exercice.

Difficilement objectivable en raison des multiples facteurs qui peuvent influencer la performance, le récent parcours de Thomas Jordier (athlète membre de l’Équipe de France) lors des derniers championnats d’Europe de 2022 à Munich peut témoigner de cette difficulté à reproduire une performance de haut niveau durant l’ensemble d’une compétition. En effet, ce dernier qui s’est illustré lors des séries puis des demi-finales en battant son record personnel s’est trouvé en difficulté lors de la finale et n’a pu pleinement s’exprimer en raison de son engagement maximal lors des tours qualitatifs précédents.

Les premières étapes du projet ont consisté à évaluer la capacité des athlètes à enchaîner plusieurs courses de 400 mètres à leur meilleur niveau. Nos résultats publiés en 2024 et en cours de publication ont démontré que les sportifs étaient capables de reproduire trois courses successives avec 24 heures de repos, simulant ainsi une série, une demi-finale et une finale, sans perte significative de performance. Ainsi, les difficultés rencontrées ne semblent pas être liées à une incapacité physiologique, mais plutôt à un stress systémique.

Lutter contre le stress des athlètes

Une attention particulière a été portée au suivi du système nerveux autonome, considéré comme un indicateur clé du stress psychophysiologique des athlètes. En analysant des biomarqueurs tels que la variabilité de la fréquence cardiaque, le suivi du sommeil et les concentrations hormonales, notre équipe de recherche a observé des perturbations importantes, notamment lors des jours de compétition.

Ainsi, nous avons pu établir à partir de l’analyse de l’activité parasympathique, de la durée du sommeil, de la concentration salivaire en testostérone, en cortisol ou d’hormone témoins du système inflammatoire à l’image de IL1-Béta, des profils d’athlètes pouvant régir indifféremment face à la compétition. Plus précisément, certains athlètes sont stressés durant les phases qualificatives dans la perspective de ne pas se qualifier en finale, à l’inverse certains sont particulièrement stressés lors de la finale de peur de réaliser une contre-performance, alors que d’autres parviennent à bien réguler leur stress durant l’ensemble de la compétition.

Prise de la lactatémie durant une séance spécifique de 1500m réalisé sur Mehdi Belhadj athlète international Français sur 3000m steeple) lors d’un stage d’entraînement en 2022 à Potchefstroom en Afrique du Sud. Julien Garvi/WK.vision

Il est intéressant de noter que l’exercice à haute intensité entraîne une altération du système nerveux autonome (SNA), avec une diminution de l’activité parasympathique et une augmentation de l’activité orthosympathique, ce qui peut avoir un impact sur le sommeil et la récupération des athlètes. De façon plus imagée, le SNA est un système qui régule les grandes fonctions involontaires de notre organisme (digestion, respiration…).

Ce dernier est contrôlé par une pédale d’accélérateur (l’activité orthosympathique) qui augmente l’activité du SNA et une pédale de frein (l’activité parasympathique) qui ralentit l’activité du SNA. De ce fait, lors d’un effort la pédale d’accélérateur prend le dessus ce qui induit un retrait de la pédale de frein. Une fois que l’arrêt de l’exercice subvient, la pédale de frein mets un certain temps avant de reprendre le contrôle pouvant ainsi parfois influencer certaines fonctions de l’organisme par exemple la récupération au travers du sommeil.

Des stratégies très concrètes

Dans le but de réguler le système nerveux autonome et d’améliorer la récupération, la pratique de la cohérence cardiaque a été intégrée dans le programme d’entraînement des athlètes. Cette technique de respiration contrôlée, qui vise à respirer à hauteur de six cycles par minutes durant cinq minutes et à le faire trois fois par jour, s’est révélée prometteuse pour rétablir l’équilibre du système nerveux et favoriser un sommeil de meilleure qualité.

Parallèlement, des stratégies nutritionnelles ont été développées pour optimiser directement la performance des athlètes sur 400 mètres. En privilégiant une alimentation alcalinisante à base de végétaux (pomme de terre, légumineuse, légumes…) et une hydratation riche en bicarbonate (comme l’eau Saint Yorre par exemple, nous avons observé une amélioration significative de la performance, notamment lors de la phase finale de la course.

Ce projet de recherche mené par la FFA a permis de mettre en place des outils concrets pour faciliter l’enchaînement des performances en compétition. Concrètement, les stratégies nutritionnelles mises en place améliorent la performance en retardant les effets de l’acidose métabolique, ce qui permet aux athlètes de moins ralentir durant la fin de leurs courses. Enfin, la cohérence cardiaque permet de réduire le délai d’endormissement et d’augmenter le sommeil lent profond ce qui permet d’améliorer le sommeil et d’optimiser la récupération.

En combinant la régulation du système nerveux autonome, une meilleure gestion du sommeil et des stratégies nutritionnelles adaptées, les athlètes français sont désormais mieux armés pour relever les défis des championnats internationaux, et notamment des Jeux olympiques de Paris.

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