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Suppression des sacs plastiques, E. Leclerc tire son épingle du jeu

Les sacs plastiques à usage unique seront interdits en France à partir du 1er juillet 2016. Une décision pour laquelle les supermarchés E. Leclerc avaient déjà opté il y a vingt ans.

En s’appuyant sur le slogan « Le sac E. Leclerc, une exception qui devrait être la règle », le grand distributeur a été la première enseigne à proposer un sac de caisse réutilisable et recyclable. Pour 15 centimes d’euros, les clients se sont vus proposer d’acheter un sac de caisse garanti à vie. Malgré l’absence de réactions de ses concurrents plusieurs années durant, l’enseigne n’a jamais perçu son innovation comme une erreur stratégique.

Un positionnement écologique précoce

L’enseigne fait figure de précurseur de la distribution moderne, en misant sur les prix bas, les économies d’échelle et en traitant directement avec ses fournisseurs. Condamnée à plusieurs reprises pour ses pratiques abusives, la marque se défend toutefois d’agir en faveur des « petites gens » et contre la « vie chère », multipliant les actions de communication en ce sens (baisse du prix des livres de 20 %, baisse du prix de l’essence, baisse du prix de l’or de moitié avec le Manège à bijoux). Son engagement écologique s’inscrit dans cette lignée.

En 1959, dix ans après sa création, la marque s’est imposée comme la championne de la lutte contre « la vie chère » (vidéo INA).

Depuis vingt ans, l’entreprise a ainsi développé de nombreuses initiatives complémentaires : la création de gammes de produits verts, un affichage du bilan carbone des produits sur l’emballage, le développement de solutions d’efficacité énergétique telle que la mise en place de panneaux solaires sur les parkings des magasins, une démarche de certification « haute qualité environnementale » pour ses locaux, une démarche d’éco-conception et réduction des emballages des produits, une prime énergie, une opération zéro prospectus, plus récemment un l’engagement en faveur d’une huile de palme durable…

Ces actions se sont accompagnées de grandes campagnes de communication visant à renforcer ce positionnement de « pionnier dans le développement durable » ; en apposant, entre autres, le logo « approuvé conso responsable » et en créant des événements populaires du type « Nettoyons la nature » qui visent à transmettre et à fédérer les consommateurs autour de ce positionnement. Les slogans de ses campagnes publicitaires sont à cet égard éloquents, à l’image du « Sans vous, la nature a perdu d’avance ».

Bien que certaines pratiques aient été clairement attribuées à du greenwashing, l’enseigne réussit toutefois à convaincre les clients qu’elle est plus vertueuse que ses concurrents en termes de respect de l’environnement.

En mai 1995, les centres Leclerc lancent le sac consigné et réutilisable (vidéo INA).

Une recherche inductive sur la stratégie d’E. Leclerc parue en 2005 proposait déjà de faire le point sur les impacts de ce choix pendant les dix premières années. L’étude montrait que ce positionnement de pionnier dans le développement durable n’était pas déterminant dans le choix des clients en termes d’achats à l’époque, les clients choisissant l’enseigne sur des critères de proximité (cité par 67 % des clients) et de prix bas (45,6 %) loin devant le critère des valeurs (1,9 %).

Toutefois, ce positionnement était favorable en termes d’image de l’enseigne, cette dernière étant clairement perçue comme plus respectueuse de l’environnement que ses concurrents (pour plus de 70 % des clients). Enfin, ce positionnement permettait une satisfaction accrue des clients vis-à-vis de l’enseigne et une meilleure efficacité des outils de communication la vantant. En particulier, la communication autour de la suppression des sacs plastiques s’avérait la plus efficace pour l’enseigne (99,1 % de notoriété pour cette opération).

Une vidéo de sensibilisation de la pollution des eaux par les plastiques (réalisée en 2014 par www.septiemecontinent.com).

Évolution des mentalités

Depuis dix ans, la part des consommateurs soucieux de l’impact environnemental de leur consommation s’est accrue, la réglementation a évolué – voir à ce propos l’obligation de rendre un rapport de développement durable pour les entreprises de plus de 500 salariés –, et le succès de films comme Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent témoigne d’une évolution dans les attentes et les mentalités.

Les enseignes de grande distribution l’ont compris et ont lancé des initiatives visant à séduire ce segment grandissant de la population, à l’instar de Carrefour Planet qui vise à réduire de 30 % la consommation énergétique des grandes surfaces du groupe ou de l’étiquetage environnemental sur les produits chez Casino.

L’opération « sacs de caisse » d’E. Leclerc n’est aujourd’hui plus spectaculaire, mais elle aura donné un avantage de premier entrant à l’enseigne, avec des retombées bénéfiques en termes d’image.

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