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Avec le printemps, l’automne est une saison où les tiques sont les plus actives. Dieter Schütz/pixelio.de

Tiques : l’impossible cartographie de la maladie de Lyme

La maladie de Lyme (ou borréliose) est une maladie infectieuse liée à présence de la bactérie Borrelia. Elle se transmet aux oiseaux, aux mammifères sauvages ou domestiques et à l’être humain par des morsures de certaines tiques, acariens porteurs sains de la maladie.

Les tiques sont présentes dans les forêts et les pâtures ; s’il en existe plusieurs espèces en France, seul Ixodes ricinus est capable de transmettre la borréliose.

On estime à 27 000 le nombre de nouvelles personnes touchées chaque année dans l’Hexagone par cette maladie (65 000 en Europe). Encore mal diagnostiquée dans notre pays et considérée comme une maladie rare, cette affection s’exprime par diverses manifestations dermatologiques, neurologiques, articulaires, et plus rarement cardiaques ou ophtalmiques plus ou moins graves (voir à ce sujet l’étude menée sur plus de 1 000 cas par le CNR entre 2006 et 2009).

Surtout en forêt

La cartographie de la borréliose est donc étroitement liée à celle de la population des tiques Ixodes, elle-même liée à celle de la faune sauvage et surtout des rongeurs. Il faut également considérer les données climatiques (températures et humidité notamment) pour rendre compte de la densité plus ou moins forte de ces acariens et des risques d’être piqué et contaminé. En Europe, on estime qu’en moyenne 13,7 % des tiques seraient contaminées, avec de fortes variations d’une région à l’autre.

Ixodes ricinus est présent sur tout le territoire français, à l’exception du pourtour méditerranéen, essentiellement dans les forêts, plus que dans les espaces ouverts comme les prairies. Les facteurs influençant leur densité sont l’hygrométrie, la température (entre 7 et 25 °C), la présence de végétaux et la diversité animale. Dans l’Hexagone, leur période d’activité s’étend de mai à octobre, avec un dynamisme plus faible en été.

Les tiques ont développé des systèmes pour détecter la présence d’un hôte (gaz carbonique, vibrations, température), et se postent à l’affût au sommet d’une brindille pour s’attacher à leur proie afin d’effectuer leur repas sanguin.

Les seniors… et les enfants

Les forestiers et les chasseurs sont les principaux groupes à risque. Les adultes de 50-65 ans sont principalement concernés, car ils fréquentent davantage les milieux forestiers. Les 5-9 ans constituent une nouvelle cible : les habitations récemment construites à proximité des forêts induisent un risque inédit pour ces enfants non avertis et qui, devenant autonomes pour la toilette, échappent à l’inspection quotidienne de leurs parents.

Des données expérimentales européennes et cliniques ont montré que le risque de transmission de la borréliose est réel dès 24 heures d’attachement. Il est maximal à partir de 72 heures de fixation de la tique. À noter que ces données ont été observées pour Ixodes scapularis, une tique présente sur le continent nord-américain.

Les régions de l’Est sont les plus touchées

Pour la période allant de 2009-2011, l’estimation annuelle de l’incidence nationale de la borréliose de Lyme était en moyenne de 43 cas pour 100 000 habitants (soit 27 000 cas par an) ; ce chiffre est demeuré stable au cours des trois années. Le nombre moyen d’hospitalisations par an est estimé à 1,5/100 000, soit environ 1000 cas annuels en France.

Il existe des disparités régionales importantes : plus de 100 cas/100 000 pour l’Alsace et la Meuse, 50-100/100 000 pour la Champagne-Ardenne, l’Auvergne, la Franche-Comté, le Limousin, la région Rhône-Alpes, moins de 50/100 000 pour le Centre, la Basse-Normandie et l’Aquitaine.

Estimation de l’incidence annuelle moyenne de la borréliose de Lyme par région, France, 2009-2011. Réseau Sentinelles, Author provided

Cette disparité est liée au climat qui varie selon les régions, à la présence plus ou moins importante de milieu boisé et au mode de vie des habitants. Il faut également souligner que le Réseau Sentinelles – qui récolte les données – est plus ou moins bien renseigné d’une région à l’autre.

Une étude réalisée par l’Institut Pasteur de Paris indique d’autre part que 12,4 % des nymphes sont infectées par les borrélies dans les forêts de Fontainebleau et Rambouillet. D’autres travaux épidémiologiques, toujours conduits par l’Institut Pasteur, sur 211 forestiers (une population à fort risque de contamination) d’Île-de-France indique une séroprévalence de 15,2 %. C’est-à-dire qu’environ 15 % de ces travailleurs ont été en contact avec les borrélies et possèdent des anticorps dirigés contre cette bactérie. Aucune forme clinique visible de la maladie n’a été observée durant l’étude.

Des chiffres à prendre avec des pincettes

Il existe, si l’on compare à ce qui se fait chez nos voisins européens ou nord-américains, peu d’études épidémiologiques en France sur la maladie de Lyme. Les seules informations disponibles ont été obtenues par le Réseau Sentinelles et le Cire puis mises en ligne par l’InVS.

Des données, collectées entre 2009 et 2011 par le Réseau Sentinelles et diffusées par l’InVS, ont ainsi permis de calculer une incidence moyenne par région (voir la carte ci-dessus).

Estimation des incidences départementales, France, 2000-2012. Réseau Sentinelles et études InVS/Cire, Author provided

Ces chiffres sont cependant à prendre avec prudence. Prenons un exemple : en Lorraine, l’incidence (c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas par an) serait de 23/100 000 habitants, soit une estimation de 540 personnes contaminées chaque année en Lorraine. Mais le rapport du HCSP indique pour sa part que les départements lorrains comme la Meuse et les Vosges seraient fortement impactés, avec des incidences de l’ordre de 200/100 000 habitants, représentant pour ces deux départements (sur les quatre que compte la région), environ 1 130 personnes contaminées par an.

Les estimations à notre disposition montrent une grande hétérogénéité et ne peuvent donc donner qu’une idée de la contamination.

Ces données régionales – calculées à partir d’un nombre de cas officiels enregistrés chez des médecins du Réseau Sentinelles – sont aujourd’hui contestées. Car les cas positifs ont été identifiés avec des tests diagnostics critiqués par le corps médical, qui s’accorde à dire que ces derniers ne sont pas assez sensibles pour détecter tous les malades.

En attendant de nouvelles études

Le risque d’être contaminé par la maladie de Lyme après une morsure de tique infectée est, au vu des données disponibles, très difficile à établir pour l’instant. On l’a vu, il est également très variable d’une région à l’autre, les données climatiques, géographiques et sociétales devant être prises en compte dans l’évaluation.

Des études demandées par l’ARS dans les différentes régions françaises, et en Alsace plus particulièrement, devraient permettre dans les mois à venir de mieux cartographier la maladie de Lyme.

Les outils utilisés pour qualifier un cas de positif (qui se basent sur une réponse immunitaire du malade) ne permettent pas de détecter les formes chroniques de la maladie, lorsque le système immunitaire est lui-même diminué. Les avancées et les connaissances sur Lyme ne seront ainsi obtenues que lorsque les médecins disposeront de méthodes de détection correcte, comme le souligne Christian Perronne.

En attendant ces nécessaires avancées, des outils de prévention ont été mis en place par l’ARS pour informer au mieux la population et tenter de limiter les risques de contamination.

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