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Une jeune femme est allongée dans son lit et semble peiner à trouver le sommeil.
Plus les perturbations du sommeil et du rythme circadien sont importantes, plus l’humeur est dégradée. Ground Picture/ Shutterstock

Troubles du sommeil et du rythme circadien : les risques pour notre santé mentale

Chacune des cellules de notre corps possède un rythme circadien. Véritables horloges biologiques, ces rythmes suivent durée à peu près équivalente à 24 heures (circadien vient du latin circa, autour, et dies, jour). Ils sont critiques pour notre santé et notre bien-être : ils influent par exemples sur le cycle veille/sommeil, ou sur la régulation hormonale.

Lorsque notre mode de vie ne correspond pas à l’alternance jour/nuit, notre rythme circadien peut se trouver perturbé. C’est par exemple le cas lorsque nous sommes soumis au décalage horaire, ou lorsque nous travaillons de nuit. Divers facteurs comme le vieillissement, la génétique ou certaines maladies (telles que les maladies auto-immunes et la maladie d’Alzheimer) ont également pu être associées à des perturbations à long terme du rythme circadien.

La qualité du sommeil et les perturbations du rythme circadien peuvent aussi être de bons prédicteurs du déclenchement ou de la rechute de certains troubles psychiques, notamment la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires et la schizophrénie. Plus les perturbations du sommeil et du rythme circadien d’une personne sont sévères, plus son humeur se dégrade, ce qui aggrave le risque de rechute et compromet l’efficacité de ses traitements médicaux.

Si ce lien entre perturbation du rythme circadien et troubles psychiques est bien établi, les raisons pour lesquelles il existe demeurent encore largement méconnues. Les recherches que je mène avec mes collègues visent à mieux les comprendre.

Des perturbations associées à des troubles mentaux

Nos travaux nous ont non seulement permis de découvrir que les perturbations du sommeil et du rythme circadien semblent déclencher ou aggraver divers troubles mentaux (dont les troubles bipolaires et la dépression), mais aussi d’identifier certains des mécanismes biologiques spécifiques sous-tendant ce lien.

Pour y parvenir à les mettre en évidence, nous avons passé en revue toutes les recherches publiées au cours des dix dernières années sur des troubles mentaux tels que la dépression, l’anxiété et la psychose. Nous avons principalement concentré nos efforts sur les adolescents et les jeunes adultes.

Nous avons constaté que la majorité des jeunes chez lesquels un trouble de santé mentale avait été diagnostiqué étaient également sujets à des problèmes de sommeil, tels qu’insomnies (difficultés à s’endormir et à rester endormi), syndrome de retard de phase du sommeil et diminution de la vigilance diurne. Nous avons également découvert qu’un tiers des personnes atteintes de trouble bipolaire (et d’autres troubles mentaux) avaient un rythme circadien perturbé, ce qui se traduit par un coucher et un lever plus tardifs que la normale.

Parmi les mécanismes qui pourraient expliquer le lien entre ces problèmes de sommeil et les troubles de santé mentale figure une vulnérabilité accrue, au niveau génétique ou moléculaire, face aux perturbations du rythme circadien.

Nous avons également constaté que l’activité cérébrale de certaines des personnes qui ont participé aux travaux que nous avons analysés a pu se trouver modifiée. En cause, des perturbations de voies de signalisation chimique pouvant affecter le sommeil et l’humeur. Au-delà de ces problèmes, d’autres facteurs peuvent aussi entraîner des troubles du sommeil et du rythme circadien. C’est par exemple le cas lorsque l’on est exposé de façon inappropriée à la lumière (quand on ne reçoit pas suffisamment de lumière naturelle pendant la journée, ou au contraire lorsque l’on est exposé à un excès de lumière artificielle la nuit), ou lorsque l’on mange trop tard le soir, ou pendant la nuit.

Un jeune homme utilise son ordinateur portable la nuit, assis sur son lit
L’excès de lumière artificielle la nuit pourrait être l’un des mécanismes à l’origine de la perturbation du rythme circadien ». junpinzon/Shutterstock

Il est important de souligner que la plupart des études menées jusqu’à ce jour se sont uniquement intéressées soit aux effets du sommeil sur l’humeur, soit aux effets de la perturbation circadienne sur l’humeur. Ces deux aspects n’ont été que très rarement étudiés conjointement. En effet, il est plus fréquent (et plus simple) d’évaluer la qualité du sommeil que celle des rythmes circadiens. Les futurs travaux de recherche devront se pencher sur cette question, qui constitue l’une des principales limitations des études actuellement disponibles.

L’adolescence, une période à risque

À l’heure actuelle, l’Organisation mondiale de la Santé considère qu’un jeune sur sept âgé de dix à dix-neuf ans dans le monde est confronté à un trouble mental. Chez les adolescents, la dépression et l’anxiété figurent parmi les principales causes de maladie et d’invalidité. Par ailleurs, chez les 15-29 ans, le suicide est la quatrième cause de décès. Ne pas prendre en charge les troubles mentaux à l’adolescence peut entraîner leur persistance à l’âge adulte.

L’adolescence est une période durant laquelle les individus sont particulièrement vulnérables au risque de développer des troubles mentaux. C’est aussi la période à laquelle leur sommeil et leurs rythmes circadiens changent. Sous l’effet des modifications qui se produisent à la puberté, le rythme circadien des adolescents se modifie et leur endormissement devient plus tardif, ce qui a tendance à les amener à se coucher plus tard. Mais ils doivent néanmoins toujours se lever aussi tôt pour aller à l’école, au collège ou au lycée… Par conséquent, leur durée de sommeil s’avère souvent plus courte que requise, ce qui peut aggraver leur santé mentale.


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Nos travaux soulignent l’importance de prêter attention aux perturbations du rythme circadien chez les jeunes, surtout en ce qui concerne le risque de survenue de certains troubles psychiques. Ils révèlent qu’il est aussi nécessaire, lorsque quelqu’un est confronté à des problèmes de santé mentale, de prendre en compte les problèmes de sommeil et de rythme circadien auxquels il pourrait être exposé. S’occuper de ces questions pourrait constituer un moyen d’améliorer la santé psychique et la qualité de vie des personnes concernées.

Mieux prendre en charge les troubles du rythme circadien

À l’heure actuelle, la prise en charge des problèmes de sommeil (comme l’insomnie) repose sur les thérapies cognitivo-comportementales et la restriction du temps passé au lit (afin de ramener le temps passé au lit à une durée plus proche de la durée réelle du sommeil). Ces approches visent à améliorer la qualité du sommeil, cependant elles n’abordent pas directement d’éventuels problèmes dus à la perturbation du rythme circadien.

Notre revue de littérature suggère que d’autres approches pourraient s’avérer utiles pour améliorer l’humeur et la qualité du sommeil, tout en alignant aussi les rythmes circadiens. Parmi celles-ci, citons l’exposition à la lumière naturelle (et la réduction de l’exposition à la lumière nocturne), l’attention portée à l’horaire de prise de certains médicaments, ainsi que de meilleures habitudes alimentaires et la pratique d’une activité physique pendant la journée. D’autres recherches seront cependant nécessaires pour déterminer les avantages concrets de chacune de ces interventions en conditions réelles…

This article was originally published in English

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