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Tous hacktivistes

Un monde libre dans des démocraties barbares ? Cherchez l’erreur !

No war. LuisMiguelMunilla/flickr, CC BY-ND

Les démocraties libérales : l’image d’Épinal

Comme le rappelle Jean‑Pierre Cometti :

« Nos démocraties – celles qui ont hérité de la pensée libérale leurs idéaux de liberté et d’égalité – ont intégré le principe des droits formellement reconnus dans leurs constitutions ; elles ont opté pour des institutions dont le fonctionnement n’est pas forcément semblable, mais qui mérite ce nom en ce sens qu’elles font du citoyen de l’individu citoyen la pierre de touche de leur légitimité et de leur fonctionnement. Le principe des élections et de la représentativité en est l’expression. »

Une description très agréable à lire n’est-ce pas ?

Comment ne pas tomber sous le charme de cette image d’Épinal ? C’est tentant… à condition de passer sous silence quelques dérives de sens pour ce qui concerne les mots utilisés et d’être pleinement convaincu de la réelle représentativité du peuple par des élus immaculés.

Dans les faits, une fois les élections passées, une fois en poste, le carriérisme politique de certains donne parfois au citoyen le droit de douter du strict respect de ce descriptif idyllique et de l’importance qui est accordée son avis.

Le sentiment que le politique agit au nom de ses intérêts propres en prétendant agir au nom du peuple est un sentiment qui se développe chez le citoyen. Lorsque vous tendez l’oreille, il ne tarit jamais d’éloges (sic) sur les écarts abyssaux entre les discours électoraux sucrés et les actes et pratiques qui lui laissent un goût amer !

Nous, Français, sommes peut-être un peuple d’incorrigibles « râleurs », personnellement ça ne me dérange pas, je l’assume. Mais expliquer cette perception par notre légendaire caractère ne serait-ce pas un peu court ? Le nombre d’affaires concernant les représentants du peuple (ne serait-ce qu’en France) ne se compte pas sur les doigts de deux mains eussiez-vous cent doigts à chacune d’entre elles. Les trahisons du mandat qui leur a été confié ne sont pas quantitativement à la marge, tant s’en faut ! « Le pouvoir sans abus perd le charme » écrivait Paul Valéry. Nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui, visiblement, n’auraient pas une seule seconde l’idée de le contredire !

Les droits de l’homme ne font plus recette

Comme je l’ai déjà évoqué, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale les droits de l’homme ont été un point d’ancrage démocratique jusqu’à en devenir, dans les régimes démocratiques, une politique.

Après notre désastre en humanité, quoi de plus éclairant pour le monde redevenu libre de la folie que ce phare fièrement dressé devant tous les abus persistants !

  • Haro sur les dictatures et les régimes autoritaires !

  • Haro sur tout pays bafouant d’une quelconque façon les droits de l’homme, ce porte-drapeau d’une humanité collective enfin retrouvée et liguée contre toutes les inhumanités !

Quoi de plus rassurant pour le citoyen et la citoyenne que cette garantie qui lui était faite que de ne plus jamais laisser le bateau démocratique s’échouer sur les rochers de l’oppression, de l’injustice, de l’abus de pouvoir, de la violence de l’état, de la chute en folie.

C’est ainsi que durant de trop courtes décennies, les droits de l’homme ont été une politique censée cohabiter d’avec un libéralisme qui ne dit pas son nom parce qu’il n’en est pas un. C’était comme s’il y avait alors un monde scindé en deux : d’un côté les parangons de vertu, arc-boutés contre les autres : les monstres.

Ban human rights now ! driusan/Flickr

Dérive en barbarie…

Le bateau a dérivé ! Observons le projet de loi asile-immigration du gouvernement d’Emmanuel Macron… qu’en dire ? Ce projet est bel et bien d’un autre siècle ! Certes le contexte est différent et trente-neuf ans se sont écoulés, mais n’est-il pas à des milliers d’encablures de l’opération de 1979 « Un bateau pour le Vietnam » ? Aujourd’hui, et peut-être de façon encore plus douloureuse à vivre en France au regard de notre histoire et de nos idéaux, la politisation des droits de l’homme n’est plus !

Comme le politique ne peut pas dire de but en blanc « les droits de l’homme, on s’en moque ! », il est plus acceptable (une fois une énième ignominie contre les hommes portée à connaissance) de créer des commissions d’enquête qui… enquêtent, de prendre des résolutions à l’ONU, de décider de sanctions… Avec la question récurrente d’efficacité qui se pose. C’est une question centrale que l’organisation s’est posée et qu’elle se pose toujours.

Pour le politique les déclarations sont alors de sorties par tout moyen. Twitter est alors particulièrement prisé. Les leaders politiques y vont de leurs phrases et mots marronniers. Il est important de placer au plus vite : « acte ignoble », « inacceptable », « monstrueux », « abominable », « odieux »… dans les 280 caractères disponibles. Sans mettre en doute la sincérité du propos des auteurs et leur émoi, ce sont des mots usés jusqu’à la corde, des mots qui n’arrêtent rien !

Puis, en attendant pire, la grande marche mondiale qui piétine les droits humains continue gaillardement sa route !

Le terrorisme est-il un partenaire du capitalisme ?

Les droits de l’homme ne seraient-ils pas devenus une entrave aux ambitions économiques et à la soif de pouvoir de cyniques ? C’est un peu comme s’il fallait mieux (en off) intégrer la violence comme un partenaire à part entière d’un capitalisme en difficulté. Le terrorisme, les guerres, ne sont-ils pas des leviers extrêmement puissants aptes à soutenir une économie nationale ? Qui plus est, pour ce qui est du terrorisme, n’est-ce pas un levier extraordinairement pratique pour la mise en place d’un contrôle social outrancier avec son lot de lois et d’outils mis au service d’une promesse de sécurité ?

Toutes les époques, toutes les gouvernances ont eu besoin d’un ennemi à présenter au peuple pour s’ériger en protecteur, asseoir sa légitimité, voire parfois pour l’asservir. Nos dérives françaises post-attentats en matière législatives présentent un risque majeur : celui de doter petit pas à petit pas l’exécutif de moyens lui permettant de se maintenir au pouvoir de façon coercitive et illégitime. Nulle démocratie n’est à l’abri d’un exécutif élu démocratiquement qui dérape.

CheriePriest/Flickr

Quand bien même le politique est disqualifié et discrédité en tant que garant de notre conscience morale collective. Il ne s’agit pas, dans mon propos de faire preuve d’un angélisme béat. Il n’est pas question de ne pas parler à des ennemis de la condition humaine, ni de refuser d’entretenir des relations avec ces derniers, mais il ne s’agit pas pour autant de fermer les yeux sur des pratiques moyenâgeuses pour s’assurer de leur bonne grâce financière ! Il y a, dans cette attitude taiseuse opportuniste et mercantile, une ligne rouge qui est franchie ! Il y a aussi une « marche arrière toute » salvatrice qui est à portée d’une volonté politique implacable !

Les « démocraties libérales barbares »

De compromission en compromission n’assisterions-nous pas à la naissance de démocraties libérales barbares ? Serions-nous condamnés à force d’habituation à une désindividuation collective et à finir par accepter en silence et trouver normal de vivre dans des « démocraties » qui :

  • Renient les principes qui les fondent.

  • Abaissent jour après jour, contrat après contrat, leur niveau d’exigence en matière d’humanité.

  • Se font les complices de la régression des droits de l’homme, de la diminution de la liberté des citoyens… et, de fait, des assistants zélés de l’obscurantisme !

« Quand on dîne avec le diable, l’histoire en est témoin, c’est indéniablement le peuple qui en paye l’addition avec sa liberté ! »

Si même la France et ses représentants ne souhaitent pas donner de leçon sur le sujet des droits de l’homme, ne serait-ce pas en partie, parce qu’au regard de ses propres et récentes pratiques, elle n’est plus la mieux placée pour en donner ?

Le politique dans nos démocraties modernes ne peut plus prétendre avoir pour point de repère moral les droits de l’homme. Les droits de l’homme tout comme la liberté et l’égalité, sont progressivement devenues de simples variables d’ajustement au seul service d’intérêts géopolitico-économique.

Les droits de l’homme n’en demeurent pas moins la ligne rouge au-delà de laquelle la conscience humaine s’égare. C’est particulièrement sur ce terrain, celui d’une conscience mondiale collective qui ne transige pas, que l’Hacktivisme trouve sa place. Il a vocation à reprendre un flambeau qui a été laissé à terre par des démocraties libérales en pleine errance.

Pensez-vous que le « monde libre » (si nous voulons qu’il garde du sens) survivrait à la naissance de démocraties libérales barbares ?

À suivre

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