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Un porte-parole pour l’Élysée, arme de guerre médiatique

Les voeux du président, le 31 décembre 2015. Matthieu Alexandre/AFP

Depuis 2012, la communication de l’Élysée a été l’objet de nombreuses critiques et les journalistes fustigent régulièrement, en dépit des profonds renouvellements opérés depuis avril 2014, le « manque de communication » ou les « couacs » du chef de l’État et de son entourage.

Depuis les attentats de janvier, et surtout ceux de novembre, ce dernier a raréfié sa parole afin de renforcer sa stature présidentielle et de se consacrer entièrement à sa relation personnelle avec les Français, par le biais de ses déplacements réguliers en province. Mais cette disparition des écrans – le Président n’est plus intervenu dans une émission depuis Le Supplément de Canal+ en avril dernier – commence à se faire sentir et à provoquer des réactions.

L’absence complète de parole présidentielle, en particulier sur des questions aussi tendues que la déchéance de nationalité n’est pas sans conséquence, y compris sur son image personnelle. Le Président, qui avait déjà beaucoup souffert du livre de Valérie Trierweiler le dépeignant comme un individu cynique, risque à nouveau de pâtir d’une distance qui lui serait assignée par son absence.

Parer le risque de surexposition

Pour compenser ce risque, l’idée pourrait être de créer un(e) porte-parole du Président. L’idée n’est pas neuve et a d’ailleurs fait ses preuves par le passé. Aux États-Unis, c’est une institution depuis l’entre-deux-guerres. En France, le procédé a été inauguré par Valéry Giscard d’Estaing qui souhaitait justement rénover et moderniser – et ce avec succès jusqu’au début de l’année 1981 – la communication présidentielle. Xavier Gouyou-Beauchamps, Jean-Philippe Lecat, puis Pierre Hunt (tous des proches du Président) se succédèrent à la fonction.

Sous François Mitterrand, c’est Michel Vauzelle qui occupa cette tache avant d’être remplacé par Michèle Gendreau-Massaloux au moment de la cohabitation. Dans les deux cas, le porte-parolat fut une arme décisive dans la guerre médiatique que se livraient les membres de la majorité entre eux (UDF-RPR sous Giscard) et la nouvelle majorité et le Président en place, durant la cohabitation.

Ce procédé permet également un commentaire quotidien de l’actualité – ce que ne peut se permettre de faire le chef de l’État, au risque de tomber dans les excès de la surexposition dont avait souffert Nicolas Sarkozy. François Hollande pourrait ainsi clairement se consacrer uniquement à la gestion de la place de la France dans le monde et au dialogue personnel qu’il noue avec les Français lors de ses déplacements ou visites sur le terrain.

Cette gestion de l’actualité au quotidien est sans doute ce dont pâtit le plus François Hollande depuis le début de son quinquennat. En se refusant à intégrer l’accélération de la temporalité politique, créée notamment par les chaînes d’information en continu et Internet, il subit les événements bien plus qu’il ne gère l’agenda politique. Or, on sait depuis les travaux de McCombs et Shaw (1972) que la gestion du temps et des thématiques qui gouvernent l’actualité est un élément décisif tant de la popularité que de l’efficacité du message. L’affaire Léonarda avait ainsi montré ce problème au grand jour avec un Président contraint de réagir, et subissant une riposte négative immédiate, contribuant à le décrédibiliser.

Le modèle américain

Cette nouvelle institution s’inscrirait dans la stratégie de reconquête des médias amorcée depuis 2014. En 2012, afin de se différencier de son prédécesseur c’est un dessaisissement des médias qui avait été choisi. Le compte Twitter avait été mis en veille – alors que le Président était de loin le plus populaire sur ce réseau social – et avait privilégié les formes classiques de la communication notamment audiovisuelle : intervention aux JT de 20 heures et conférences de presse. Après un net renforcement du pôle web depuis 2014, et notamment de la communication via les réseaux sociaux, le Président compterait un atout supplémentaire dans la guerre médiatique qui s’annonce. D’autant que la primaire de la droite, comme celle du PS en son temps, va contribuer à un affaiblissement de la visibilité du Président.

L’ex-porte-parole du président Sarkozy, David Martinon, ici en 2008. Wikimédias, CC BY

Mais le choix de la personne pour ce poste est décisif. Nicolas Sarkozy avait en effet choisi, lui aussi, d’employer cette méthode au début de son quinquennat, voulant copier le modèle américain. Mais le bien peu charismatique David Martinon, choisit par la suite de se présenter aux élections municipales à Neuilly, puis après un revers fut nommé envoyé comme consul à Los Angeles, et la fonction ne fut pas reconduite.

Le poste nécessite ainsi de réelles compétences de « communicant ». Le porte-parole doit être une personnalité politique aguerrie à la prise de parole et à même de faire la pédagogie du dessein présidentiel au grand public. Le choix d’une figure peu connue du public permettrait également de ne pas parasiter le message avec des interrogations autour de son « avenir », son plan de carrière ou sa stratégie personnelle. Féminiser la fonction permettrait enfin de l’adapter aux attentes de la société moderne, comme l’avait bien compris François Mitterrand lui-même, tout en comblant partiellement le vide laissé par le départ de Christiane Taubira.

Une arme nouvelle, donc, et non négligeable qui pourrait jouer un rôle décisif face aux échéances futures.

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