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une ancienne carrière où des restes de Néandertal auraient été trouvés au 19e siècle
Pour trouver des restes de Néandertal ici, vous commenceriez où ? Léa Beaumont, Fourni par l'auteur

Une chasse au trésor pour retrouver des restes de Néandertal dans le Bassin parisien

Vous rêvez de creuser au hasard au fond d’un jardin et de faire une découverte archéologique, ou de trouver un trésor grâce à un manuscrit laissé par des ancêtres ? Moi aussi.

Mais lorsqu’une équipe de géologues et d’archéologues s’est penchée sur des archives de Alexandre Leymerie de 1846, d’Eugène Belgrand de 1869, et un inventaire de Fliche de 1884, qui décrivent des restes d’hommes de Néandertal dans le Bassin parisien – alors que lesdits restes ont disparu – les choses se sont corsées.

L’équipe est donc partie à la chasse au trésor dans la région désignée par les archives. C’est non loin de Provins, que les archives mènent. Si le nom du village d’où ils proviennent, Resson, a été mentionné dans les archives, la carrière n’avait pas été précisément localisée. Il a donc fallu chercher une ancienne carrière dont le profil semble correspondre à la coupe géologique crayonnée par J.-P. Michel en 1967.

Après quelques missions de repérage, l’équipe a retrouvé une carrière de tuf creusée sur 10 mètres de haut, large d’une vingtaine de mètres, correspondant à ces indications. Elle a pu confirmer que cette ancienne carrière d’exploitation de tuf est riche en ossements de grands mammifères (mammouth, cerf…), en coquilles de mollusques et en restes végétaux – une partie de ces restes de mollusques et de végétaux exhumés par Belgrand, Fliche, Leymerie et de Mortillet à la fin du XIXe siècle est bien présente au Musée d’histoire naturelle de Troyes.

Les restes paléontologiques de mollusques présents dans le tuf ont permis d’estimer l’âge du site à il a environ 125 000 ans. Cette période géologique appelée l’Éemien fut une période chaude, assez similaire à la nôtre, à laquelle vivaient en Europe les hommes de Néandertal.

Si l’âge des roches correspond bien à la période où ont vécu les Néandertaliens, il est plus délicat de trouver des outils en silex de type moustérien et des restes humains mentionnés dans les archives et les synthèses de Fliche.

Heureusement, il est possible d’affiner la zone de recherche grâce à la géologie.

Le tuf, une roche d’eau

En effet, le tuf est une roche calcaire qui se dépose dans les cours d’eau : si des Néandertaliens ont bien occupé le site, il est peu probable qu’ils y aient vécu au moment du développement du tuf, puisqu’avoir les pieds dans l’eau n’est pas vraiment un lieu d’occupation confortable ou pratique. Mon rôle a été de guider mes collègues archéologues vers des niveaux dans la roche où il est plus plausible de trouver des restes de Néandertal… une telle découverte permettrait de mieux comprendre les populations de Néandertal, leur mode de vie et l’environnement dans lequel ils ont vécu.

Nous avons remarqué au sein du tuf certaines couches géologiques un peu différentes, des niveaux « gris », qui sont très riches en matière organique et sont généralement signe de périodes d’assèchement. Ce serait donc plutôt dans ces couches-ci qu’il faudrait chercher les restes archéologiques.

Pour en être sûr, nous avons coupé de très fines tranches de roches dans ces niveaux gris, des lames minces, que nous avons observées au microscope pour révéler en détail leur contenu minéralogique et paléontologique. Celles-ci servent à déterminer quel était l’environnement à cette époque et s’il était gorgé d’eau ou accessible à pied sec, ce qui aurait permis aux Néandertaliens d’occuper le site.

Dans certaines d’entre elles, nous avons retrouvé des « granules de vers de terre », qui sont de petites sphères en calcite, qui attestent de périodes d’assèchement permettant le développement de « petits » sols (car l’épaisseur du sol « fossile » est petite, 5 à 10 centimètres environ), qui auraient donc accueilli des vers de terre.

Nous pensons que c’est dans ces niveaux à granules de vers de terre qu’il faut chercher pour trouver des preuves de la présence de Néandertal. Les recherches sont encore en cours !

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