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Vivre ensemble dans un monde transformé par les technologies

Ultraconnecté ou ultradéconnecté ? Shane Rounce/Unsplash, CC BY-SA

Le livre Future Politics : Living Together in a World Transformed by Tech de Jamie Susskind, ou comment aborder la vie dans un mode transformé par la technique. Un livre passionnant qui pose un nombre certain de questions. Parmi celles-ci :

  • Comment la technologie, digitale ou intelligence artificielle (AI) transforme-t-elle notre vie quotidienne ?

  • Comment cette technologie peut-elle être utilisée par les grands groupes (les GAFA chez nous ou les BATX en Chine) ?

  • Quels sont les implications sur les notions de démocratie, de répartition des ressources et richesses, sur le pouvoir en général ?

  • Comment la pensée politique passée peut-elle nous renseigner sur celle du futur ?

Une tyrannie de la technologie ?

Jamie Susskind est un avocat anglais, tout d’abord diplômé de Harvard, il continue vers l’histoire et la politique au prestigieux Magdalen College à Oxford. Il entre au barreau en 2013.

Dans son livre, il met en garde contre une possible tyrannie de la technologie, qui changerait notre futur, non plus en monde orwellien, mais kafkaïen, passant rapidement du totalitarisme à l’absurde. Imagine-t-on un monde dans lequel le système de reconnaissance faciale, comme cela se pratique déjà en Chine, ne vous reconnaisse pas ou pire, vous confonde avec un autre individu. Ou de façon plus arbitraire, qu’un algorithme vous interdise de voyager parce que votre nom a une connotation raciale prononcée.

Si le grand débat du XXe siècle a été de savoir à quel point le marché contrôlait notre vie quotidienne, l’auteur suggère que pour le XXIe siècle, ce sera de savoir jusqu’à quel point notre vie quotidienne sera contrôlée et dirigée par le numérique.

« On ne peut pas se permettre de devenir le terrain de jeu d’un pouvoir étranger, toujours sujet à des décisions prises pour nous par des entités et des systèmes hors de notre contrôle. »

Cette notion de scrutation (scrutability) ouvre une ère de pénétration dans notre for intérieur bien plus inquiétante que la seule surveillance continue, qui prend alors un air de technique démodée. Susskind en fait une sorte de nouveau contrat social ou plutôt de « contrat numérique » (data deal). Ce contrat est encore insoupçonné par la plupart d’entre nous, mais entraîne un déséquilibre de pouvoir entre ceux qui pourvoient l’information (vous ou moi) et ceux qui en bénéficient (la société et l’état). Il cite en particulier les travaux de Tom Wu, juriste américain de Columbia University. C’est l’inventeur du concept de « neutralité du réseau » (net neutrality).

Il exclut, en principe, toute discrimination positive ou négative à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau.

« Les consommateurs, globalement se contentent de supporter un soupçon de totalitarisme par commodité. »

Le futur digital est politique

Partant de considérations générales sur la façon dont les sociétés se sont organisées depuis l’antiquité, Susskind montre très vite, et ce dès le premier chapitre, le degré de sophistication auquel sont arrivés les systèmes digitaux et numériques. Point n’est besoin de citer les inconvénients des soi-disants « assistants personnels » développés par Google ou Amazon, qui en réalité collectent de façon inconsciente les données sur la vie privée des gens. Susskind met d’ailleurs en garde contre l’utilisation de ces données et leurs possibles implications politiques.

Il met en garde contre une « stable et très large capacité à faire faire aux autres des choses qu’ils n’auraient pas faites autrement, ou de ne pas faire des choses qu’ils auraient spontanément effectuées ».

Couverture du livre amie Susskind

Il cite de nombreux exemples, tels ceux cités plus haut de reconnaissance faciale, ou ceux des véhicules autonomes. En effet, en admettant que ces derniers puissent sauver des vies, mais en condamner d’autres,comment réaliser ce choix ? Il met surtout en garde contre « la capacité de contrôler avec chaque fois plus de précision, ce que l’on sait, ce que l’on ressent, ce que l’on veut, et donc ce que l’on fait ». Et surtout, « quel espoir il y aura t-il pour les gens ordinaires dans leur possibilité de partager les pouvoirs qui les gouvernent ? »

En conclusion, Susskind prétend que « the digital is political » (le futur digital est politique), pour en finir avec l’idée que le futur est entièrement technologique. Il prétend que le débat majeur de notre époque « n’est pas combien de notre vie collective devrait être déterminée par l’état et que devrait être laissé au marché et à la société civile », mais plutôt « combien de notre vie collective devrait être dirigée et contrôlée par les systèmes digitaux – et en quels termes. »

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