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 esports gaming event. Big illuminated main stage and screen and a fan with a hands raised at arena.
Aujourd’hui, l’industrie du sport électronique représente plusieurs milliards de dollars à l’échelle mondiale. (Shutterstock)

Voici pourquoi les jeux vidéo compétitifs doivent être pris plus au sérieux

Jouer à des jeux vidéo de manière compétitive, est-ce vraiment sérieux ?

Cette question ne se pose pas pour les milliers d’adeptes du jeu League of Legends qui ont convergé en Corée du Sud en octobre dernier pour assister aux championnats du monde (Worlds 23) de ce jeu ultra populaire. Le grand prix ? Un montant de 2 225 000 $ US.

Nous sommes spécialistes en droit des jeux vidéo. Cet événement, encore très méconnu du grand public, est l’occasion pour nous de montrer pourquoi les jeux vidéo compétitifs devraient être pris plus au sérieux.

Le sport électronique, un phénomène social, culturel et économique mondial

La notoriété des ligues de sports nord-américaines telles que la NHL ou la NFL n’est plus à faire. Ni celle des grandes compétitions sportives traditionnelles comme la coupe du monde de football ou les Jeux olympiques. Or, on ne peut en dire autant des compétitions de jeux vidéo. Et pourtant, il existe tout un monde de compétitions professionnelles dans l’univers des jeux vidéo qui, tout comme dans les sports traditionnels, possède des ligues, des compétitions internationales bien établies, son lot d’athlètes célèbres et ses hordes d’admirateurs. C’est ce qu’on appelle des sports électroniques, ou esports.

Les sports électroniques peuvent être décrits aussi simplement que des jeux vidéo qui sont pratiqués dans un environnement compétitif.

Bien qu’il ne bénéficie pas toujours du même niveau de reconnaissance que son homologue sportif traditionnel, le sport électronique est un secteur qui s’est largement développé ces 10 dernières années et qui attire régulièrement des millions de téléspectateurs simultanés.

Une très grande variété de jeux sont aujourd’hui pratiqués de manière compétitive. Dans les jeux comme League of Legends ou Dota, deux équipes de joueurs s’affrontent dans des arènes de combat en ligne multijoueurs (MOBA). Ces jeux d’action-stratégie s’apparentent à des jeux d’échecs survitaminés dans lesquels l’objectif est de détruire la base adverse.

Il existe également de nombreux jeux de tir à la première personne comme Valorant, CSGO, Overwatch ou encore Fortnite, qui sont très populaires.

Bref, dans le domaine du sport électronique, il y en a pour tous les goûts, y compris pour celles et ceux qui préfèrent la pratique (virtuelle !) des sports traditionnels.

Un secteur en plein essor

En termes d’audience et de popularité, le esport est un secteur qui, au cours des 10 dernières années, a commencé à dépasser les sports traditionnels. La pandémie de Covid-19 a contribué à ce phénomène.

Le esport a également vu l’émergence de superstars de renommée internationale telles que Faker, un athlète souvent considéré comme le plus grand joueur de League of Legends de tous les temps en raison de son succès compétitif massif et constant au cours de la dernière décennie.

Aujourd’hui, l’industrie du esport représente plusieurs milliards de dollars à l’échelle mondiale.

Dès lors, le esport sera-t-il un jour reconnu au même titre que les sports traditionnels, voire organisés lors d’événements tels que les Jeux olympiques ?

On peut le penser, dans la mesure où cette pratique se démocratise et s’est vue ajouter au programme de grandes compétitions régionales et internationales récemment. Présents dans le cadre d’évènements de démonstration aux Jeux asiatiques depuis 2018, plusieurs jeux ont rejoint le programme officiel lors des Jeux asiatiques de 2023 organisés à Hangzhou en Chine. À cette occasion, la Corée du Sud a remporté la médaille d’or dans la compétition de League of Legends, ce qui a permis à Faker d’obtenir une rare exemption du service militaire obligatoire sud-coréen. Cette dérogation démontre la reconnaissance dont jouissent aujourd’hui les athlètes de esports dans certains pays.

En ce qui concerne l’inclusion des esports dans les Jeux olympiques, les jeux vidéo ont été inclus dans le cadre du Olympic e-sport Series en 2023. Un évènement organisé par le comité international olympique (CIO).

Ce comité, qui cherche régulièrement à rajeunir l’image des Jeux olympiques et à attirer de nouveaux publics, a par ailleurs engagé des réflexions sur la création de Jeux olympiques d’esports.

Des opportunités de carrières, mais peu d’infrastructures de soutien

Tout comme les sports traditionnels, l’opportunité de s’impliquer dans le sport électronique n’est pas réservée qu’aux joueurs professionnels qui compétitionnent sur la scène.

Comme pour tout événement compétitif, une équipe professionnelle de gestion et de soutien sont des éléments essentiels pour obtenir les meilleures performances.

Le développement des sports électroniques ouvre ainsi un vaste champ de possibilités de carrières pour les amateurs de jeux : organisateurs et gestionnaires d’événements, journalistes, nutritionnistes consultants en préparation mentale, physiothérapeutes et même avocats pour organiser les relations entre tous ces acteurs.

Cependant, malgré la popularité et l’immense potentiel des sports électroniques, le développement d’infrastructures et de programmes demeure très insuffisant au Canada. Ce manque est surtout flagrant au sein des institutions d’éducation, lieux qui comptent pourtant de nombreux jeunes amateurs de sport électronique.

Idéalement, les infrastructures adaptées aux sports électroniques devraient inclure des ordinateurs performants, une salle dédiée aux sports électroniques, une équipe de soutien, des compétitions intercollégiales et, surtout, une atmosphère qui promeut l’inclusion et la participation de tous dans les sports électroniques.

Certaines institutions postsecondaires ont tout de même créé des espaces dédiés aux esports sur leur campus. Ces espaces contribuent au recrutement des étudiants. C’est le cas par exemple du St. Clair College en Ontario qui a créé, en 2022, un espace flambant neuf et à la pointe de la technologie – avec un budget de 23 millions de dollars.

De son côté, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a investi $100,000$ en équipement pour créer un salon dédié aux sports électroniques.

D’autres organisations, comme la Fédération ontarienne des associations scolaires de sports électroniques (FOASSE), vise à promouvoir activement l’intégration d’un programme de esports dans le curriculum scolaire.

Dans un futur proche, si ces efforts s’amplifient, nous pouvons imaginer que les jeunes amateurs de esports auront la chance de jumeler leurs passions pour les jeux vidéo avec une carrière professionnelle – qu’il s’agisse de la compétition de haut niveau ou toute autre carrière dans le champ des jeux vidéo.

La santé des pratiquants

Au-delà de la croissance et de la popularité fulgurante du secteur ces dernières années, tout n’est pas rose au royaume du esport.

D’une part, le quotidien des athlètes professionnels du esport n’est pas de tout repos. En effet, leur emploi du temps est particulièrement chargé et ils passent une grande partie de leur journée à s’entraîner ou à produire du contenu en ligne.

Les saisons sont particulièrement éprouvantes et les carrières des joueurs peuvent être, sauf exception, très courtes. Ces dernières années, de plus en plus de joueurs se sont ouverts à propos de leurs problèmes de santé mentale. D’autres ont tout simplement disparu des radars, après avoir fait une percée tonitruante sur la scène professionnelle.

Des recherches et du soutien en lien avec les conditions de travail des athlètes sont nécessaires afin de s’assurer qu’ils ne mettent pas en danger leur santé et qu’ils ne soient pas exploités par les équipes et les ligues professionnelles.

Prévention et traitement des phénomènes de dépendance

La pratique du esport peut également entraîner chez les joueurs professionnels, les aspirants athlètes ou le grand public, des effets délétères découlant d’un temps de jeu et/ou de dépenses excessifs.

Ces phénomènes sont encouragés et exacerbés par la présence de mécanismes ou stratégies appelés Dark patterns, largement utilisés dans certains jeux vidéo.

Ces Dark Patterns peuvent être temporels, en encourageant les joueurs à s’investir pendant une période prolongée. Des récompenses pour progresser dans le jeu peuvent par exemple être offertes aux joueurs qui jouent de manière régulière, à tous les jours.

Les Dark patterns peuvent également être monétaires, en maximisant les dépenses que les joueurs vont effectuer dans un jeu. On parle par exemple de mécanismes qui permettent de payer pour débloquer du contenu esthétique ou certaines parties supplémentaires d’un jeu.

Face à ces mécanismes, il est primordial de surveiller et d’encadrer les pratiques des compagnies de jeux vidéo qui y ont recours.

Le train est en marche

Le sport électronique est une pratique relativement récente qui a pris une ampleur incroyable durant les 10 dernières années. Or, ce développement est largement passé inaperçu pour une large partie du grand public.

Le esport est néanmoins en mesure d’offrir des événements d’envergure qui n’ont rien à envier aux plus grands événements sportifs traditionnels. Ce serait une erreur de sous-estimer le esport, tant il attire les foules et les talents.

Au contraire, il est important d’accompagner et de soutenir celles et ceux qui aspirent à travailler dans ce domaine.

Et il importe surtout de s’intéresser sérieusement aux défis et problèmes auxquels le esport aujourd’hui confronté, dans sa pratique professionnelle et amateur.

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