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Volkswagen numéro un mondial malgré le « dieselgate »

Volkswagen… malgré tout. Mette1977 / Flickr, CC BY

Malgré le scandale des moteurs diesels truqués, Volkswagen, maison mère de 12 marques automobiles dont Audi, Bentley, Porsche, Seat, Skoda, est devenu le premier constructeur mondial en 2016 devançant le japonais Toyota. Sur l’année 2016, le géant allemand a écoulé 10,3 millions de véhicules (+ 3,8 %), contre 10,1 millions pour son concurrent. De son côté l’alliance Renault-Nissan a vendu 8,8 millions de véhicules dans le monde (dont 3,2 pour Renault).

Une telle nouvelle ne peut laisser personne indifférent car elle montre clairement que les consommateurs sont loin d’avoir sanctionné le constructeur allemand. En continuant à acheter VW ils affichent clairement que leur principale préoccupation n’est pas de sauver la planète mais bien de satisfaire leur satisfaction individuelle en roulant dans des berlines et autres crossover propulsés par de gros moteurs diesels, éventuellement plus polluants que ce qu’annonce le constructeur.

Un cas pour les enseignants-chercheurs en sciences de gestion

Le scandale des moteurs truqués recouvre plusieurs thématiques de sciences de gestion. Au premier chef, cela concerne le management des entreprises avec l’organisation de la fraude en interne. Comment une entreprise de la taille de Volkswagen a pu organiser et gérer un tel comportement délictueux qui impliquait autant de nombreuses personnes ?

C’est une question récurrente dans toutes les entreprises qui fraudent, que ce soit sur leurs comptes (Enron, Daewoo et bien d’autres) ou sur la qualité de leurs produits comme les constructeurs automobiles (ils ne sont pas les seuls malheureusement). Dans le cas de Volkswagen, ce qui est intéressant c’est que même le système de la cogestion à l’allemande n’a pu empêcher cette dérive. Au départ la thèse défendue par le groupe était que la fraude avait été organisée par quelques ingénieurs isolés. Mais cette thèse est tombée à la suite des perquisitions ordonnées par le parquet de Brunswick et l’ex-patron de Volkswagen Martin Winterkorn a été émis en cause pour soupçon de fraude car il aurait été informé que les moteurs étaient truqués.

La fraude sur la qualité des produits concerne également le marketing et la réaction des consommateurs suite à la révélation du mensonge. A l’heure de l’exigence d’éthique et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) on pourrait s’attendre à des réactions négatives, voire de boycottage, à l’égard d’entreprises qui n’hésitent pas à violer les lois.

Enfin, et parce que tout fini par des chiffres, la fraude concerne les financiers et les actionnaires. Ces derniers sont in fine sanctionnés par de tels scandales car la valeur de leur patrimoine se retrouve amputée de la baisse de l’action en bourse. Il n’est pas de leur intérêt à long terme d’avoir des dirigeants qui trompent leurs clients.

Inutile de dire ici que la fraude concerne également les juristes d’entreprises qui vont se charger d’éteindre l’incendie et de négocier des accords avec la justice (notamment américaine) afin de limiter les pénalités. Bref, le cas Volkswagen n’a pas fini de passionner les enseignants-chercheurs en sciences de gestion et de servir d’illustration dans les business schools.

Das Auto. William Brawley/Flickr, CC BY

Un grave problème de réputation

Les dirigeants d’entreprises savent bien que la réputation est un actif fondamental. Cette réputation concerne tout autant les questions éthiques, sociales, environnementales ou de gouvernance. En cas de défaillance, elle peut avoir des répercussions très importantes sur la valorisation de la société et donc impacter le patrimoine des actionnaires. La réputation (bonne ou mauvaise) étant un élément clé de la valeur d’une société auprès de ses clients et par voie de conséquences pour ses actionnaires, les dirigeants sont tenus de veiller à l’image de marque de leur entreprise.

Avec l’avènement d’Internet et son corolaire la mondialisation, le pouvoir de nuisance des lanceurs d’alerte s’est démultiplié : impossible pour une entreprise qui ne respecte pas un minimum d’éthique en Asie, en Amérique latine ou en Afrique de cacher ses mauvaises actions à ses clients et ses actionnaires en Europe ou aux Etats-Unis. Les grands fonds d’investisseurs ne s’y sont pas trompés : ils demandent d’en savoir plus sur la réputation des entreprises. Ce qu’ils veulent éviter c’est de voir une controverse inattendue éclater et qui aurait un fort impact sur la valorisation de la société dans laquelle ils ont investi.

La sanction boursière

C’est ce genre d’analyse qui a conduit les marchés financiers à sanctionner sévèrement le titre Volkswagen lors de l’annonce de la fraude aux moteurs truqués. Le graphique des cours de VW montre très clairement la sanction des investisseurs. Suite à la révélation de la fraude, le cours chutait de plus de 50 % en septembre 2016. Et la question se pose maintenant de savoir si le groupe a intentionnellement informé trop tard les actionnaires d’une possible chute des cours.

Cela vaut à l’ex-patron de VW, M. Winterkorn, d’être mis en examen pour soupçon de manipulation de cours. Si une telle manipulation pouvait être démontrée les actionnaires (dont les Länder allemands) pourraient obtenir des compensations. Un risque énorme pour le groupe allemand qui s’est déjà acquitté aux Etats-Unis de plus de 20 milliards de dollars d’amende et de dommages et intérêts pour mettre fin aux poursuites contre lui. Ainsi, après avoir truqué leurs moteurs les dirigeants du géant allemand auraient manipulé les cours de leur titre. La coupe semble pleine.

Cours de l’action Volkswagen/niveau de l’indice CAC40.
Action Volkswagen : volumes de transactions.

Et malgré cela…

Cependant, il semble que dans le cas qui nous préoccupe, la sanction des consommateurs n’a pas fonctionné : les clients ont continué à acheter VW. Certes, on pourrait toujours arguer que sans ce scandale les ventes de VW auraient été plus élevées, mais cela reste difficile à démontrer. Ce qui est certain par contre c’est que le scandale n’a pas enrayé la dynamique commerciale du constructeur allemand qui est aujourd’hui numéro un mondial.

Et cette absence de sanction commerciale avec la première place mondiale en 2016 de VW se traduit maintenant dans les cours. Depuis décembre 2016, les cours de VW ont bien remonté comme le montre le graphique. En un an, du 2 février 2016 au 1er février 2017, l’action est passée de 117 euros à 150 euros, soit une hausse de 28 %, dont l’essentiel a été réalisée sur les deux derniers mois (du 1er décembre 2016 au 1er février 2017, le cours a grimpé de 17 %).

Si au niveau mondial Volkswagen peut se targuer d’une forte résistance malgré le scandale du dieselgate, il semble quand même que le constructeur allemand soit à la peine aux Etats-Unis, un pays où le mensonge est généralement sévèrement sanctionné. L’acte d’accusation d’un employé, Olivier Schmidt, chargé des relations du constructeur avec les autorités américaines, indique que

« VW trichait de manière intentionnelle […], afin de continuer à vendre des voitures diesels aux États-Unis ».

En 2016, VW a vendu 322 900 véhicules aux États-Unis, soit 26 500 de moins qu’en 2015, soit une baisse de 7,6 %. Mais si on enlève la chute liée aux véhicules diesel il apparaît que la marque a maintenu ses positions commerciales dans ce pays. Preuve que la marque n’a pas vraiment été atteinte et que les consommateurs américains ont continué à acheter des véhicules essence fabriqués par le groupe (Audi et Porsche notamment).

Moteur diesel 2,4 L Volkswagen. Leo-setä/Flickr, CC BY

En d’autres termes, c’est davantage les moteurs diesels qui sont sanctionnés que la marque. À noter que ce comportement vise également les autres constructeurs de véhicules diesels, qui sont aussi soupçonnés de tricherie (Fiat Chrysler, Renault). Fort de cette résistance, le constructeur allemand a décidé de renforcer son offre sur le segment très recherché des SUV, ces 4x4 urbains forts appréciés aux Etats-Unis. Cerise sur le gâteau, le gros VW Atlas sera fabriqué dans l’usine du groupe à Chattanooga (Tenessee) : une nouvelle qui devrait plaire au nouveau Président des États-Unis. Volkswagen a bien l’intention de demeurer numéro un mondial malgré le dieselgate !

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