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Rika Kihira est promise au triomphe devant son public. À moins que… Mark Ralston/AFP

YouTube va-t-il priver de titre Rika Kihira, la star des prochains Mondiaux de patinage ?

Les recherches sur l’influence ont mobilisé bon nombre de scientifiques. Qu’il s’agisse de définir les sphères d’influence ou les impacts de notre environnement sur nos comportements, ce pan de la recherche connaît un nouveau dynamisme depuis l’avènement des réseaux sociaux. Pour comprendre les fondements de l’influence, il faut garder en tête que nous sommes influencés par ce qui nous est le plus proche. Or, quand Facebook compte 2,32 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois et qu’Instagram vient de dépasser le milliard, nous comprenons l’importance que peuvent revêtir les réseaux sociaux dans la modification de nos comportements. Les fake news et leur diffusion sont représentatives des incidences que peuvent avoir les réseaux sociaux sur la formation de nos opinions si nous ne conservons pas notre esprit critique.

Le patinage artistique fait partie des disciplines où la part de l’humain peut avoir des conséquences sur l’évaluation de la performance sportive. Si de nombreuses réformes ont été adoptées par l’International Skating Union (ISU), la fédération internationale, pour rendre plus objectif le système de notation, il n’en demeure pas moins en partie subjectif. Ainsi, le juge peut ne pas voir une erreur ou baisser sa note pour rectifier une erreur d’appréciation qu’il aurait commise dans le cadre d’une précédente compétition. Surtout, le juge est humain : il peut être volontairement ou non influencé par son entourage ou ce qu’il lit sur Internet.

Clémence des juges ?

Avant toute chose, clarifions le système de notation de cette discipline : deux notes sont attribuées à chaque sportif, une note technique et une note artistique. La première se décompose en deux parties : l’évaluation de l’élément (partie objective car à chaque élément une note de base est attribuée) et sa qualité de réalisation (nommée grade of execution ou GOE, elle demeure subjective et correspond à des malus ou bonus accordés selon la qualité d’exécution de l’élément). La seconde, appelée « Composante », est artistique et relève de la perception du juge.

À l’approche des championnats du monde, qui se déroulent du 18 au 24 mars au Japon, la régionale de l’évènement, Rika Kihira, fait office de favorite pour le titre. Tout au long de la saison, ses performances ont impressionné le monde du patinage artistique dans une discipline dominée par les Russes depuis plusieurs années. Cette inversion de la hiérarchie a conduit à l’émergence de nombreux vidéos ou articles critiquant les performances de la Japonaise et la clémence des juges à son égard. Le tableau suivant reprend les notes que la patineuse japonaise a obtenues lors de la saison 2018/2019.

Score total obtenu par Rika Kihira pour chaque compétition. Auteur

À l’exception du Trophée de France où Rika Kihira a proposé une performance moins bonne que lors de ses précédentes sorties, on note une progression constante jusqu’à la finale du Grand prix ISU.

À compter de cette date, trois vidéos sont sorties. Les deux premières pointent du doigt la non-conformité de certains éléments (publiées sur YouTube les 12 et 13 décembre 2018 – indiquées par un point rouge) :

La troisième insinue que la pression de la concurrence russe la conduisait à densifier le contenu technique de son programme (publiée sur YouTube le 29 janvier 2019 – indiquée par un point noir).

Pour comprendre ce qui explique cette baisse de notation, intéressons-nous spécifiquement aux notes attribuées au programme libre de la Japonaise.

Évolution des notes attribuées à Rika Kihira lors du programme libre. Auteur

Baisse des notes subjectives

Si sa note technique de base (base value) demeure stable sur la saison, nous observons que les notes dites subjectives baissent : les GOE et les composantes ont baissé respectivement de 4 et 6 points. La conséquence directe est une baisse significative de 10 points de son score total pour le programme libre.

Les juges sont humains et leurs choix peuvent être discutés. Dès lors, nous pouvons nous poser la question suivante : la baisse observée des notes de Rika Kihira est-elle le fait de ces publications ou est-elle un moyen saisi par les juges pour relancer l’intérêt du public pour la compétition dames ? En effet, si nous nous référons à la dernière compétition à laquelle Rika Kihira a participé, pas moins de quatre patineuses peuvent faire mieux.

Une chose est toutefois certaine : lorsque les dernières notes de « Beautiful Storm » de Jennifer Thomas, titre sur lequel elle doit exécuter son programme libre, résonneront dans l’enceinte de la Saitama Super Arena, nous saurons si Internet aura eu raison de la jeune Japonaise. À moins que le soutien indéfectible du public nippon ne vienne, lui aussi, troubler le résultat de la compétition. Réponse le 22 mars.

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