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Accès à l’université et financement de l’enseignement supérieur et de la recherche : que faire ? (épisode 1)

Université de Bordeaux (centre ville) Axel Leroy / Fickr, CC BY-SA

L’université est régulièrement au cœur de l’actualité et des controverses médiatiques. Il est heureux qu’un pays éclairé comme la France s’intéresse à l’éducation et la formation de sa jeunesse et de ses citoyens en général, et à son système d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) en particulier.

Il est cependant malheureux que le débat se polarise de manière dogmatique et ciblée sur quelques points précis (et néanmoins essentiels), comme la sélection des étudiants, les recalés d’APB, les frais d’inscription, le taux d’échec en Licence, ou l’opposition université – grande école. Comme dans tout débat complexe, méfions-nous des recettes faciles ou d’arguments définitifs.

Je tente ici de proposer une vision un peu plus large de manière pédagogique, ainsi que quelques pistes de réflexion dans une série de quatre articles pour cette rentrée de septembre 2017.

Qu’est-ce que l’université française en 2017 ?

Imaginaire collectif. L’imaginaire collectif désuet évoque une vision d’amphis décrépis, des étudiants oisifs sur les pelouses (ou à la cafèt) jouant au tarot, une rentrée tardive fin octobre, des vieux profs ne connaissant pas leurs étudiants, ces derniers étant laissés à l’abandon, lassés de partiels meurtriers à dessein et malgré quelques soirées (de travail) à la BU ; quant aux diplômes, on se demande à quoi ils servent (à l’instar de la thèse sur les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru du film d’Alain Resnais) ou, tout au moins, quelle est l’insertion des diplômés. Bien entendu, des problèmes existent dans nos universités, mais ils sont souvent loin de cet imaginaire.

Les étudiants (qui rentrent dès début septembre) ont avec eux des équipes dédiées et impliquées, souvent à la pointe de l’innovation pédagogique (avec parfois des soutiens des COMUE et du ministère et actrices de la recherche internationale d’avant-garde dans tous les domaines de la connaissance (sciences « dures » et sciences humaines et sociales) en fort lien avec les organismes nationaux de recherche, et impliquées dans l’innovation et les transferts de connaissances vers la société, dans un contexte hautement international.

Enseignement et recherche. Dans le débat public, on oublie parfois (par méconnaissance ? ou on feint d’oublier ?) que l’université est LE lieu où se croisent recherche de pointe ET enseignement supérieur comme l’indique l’article L711-1 du code de l’Éducation sur les EPSCP (établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel) dont les universités représentent la majeure partie.

Université de Paris. Simone Ramella/Visual Hunt, CC BY

Objectifs. Les objectifs de l’enseignement supérieur français se résument, en neuf points, à la contribution (article L123-2 du code de l’Éducation) :

« 1. à la réussite des étudiants ;
2. au développement de la recherche et de la diffusion des connaissances dans leur diversité et à l’élévation du niveau scientifique, culturel et professionnel de la nation et des individus qui la composent ;
3. à la croissance et à la compétitivité de l’économie en prenant en compte les besoins ;
4. à la lutte contre les discriminations, à la réduction des inégalités sociales ou culturelles, à l’égalité homme-femme, à la construction d’une société inclusive ;
5. à la construction de l’espace européen de l’ESR ;
6. à l’attractivité et au rayonnement des territoires (du local au national) ;
7. au développement et à la cohésion sociale du territoire ;
8. à la promotion et à la diffusion de la francophonie dans le monde ;
et 9. au renforcement des interactions entre sciences et société ».

Missions. Les six missions couvrent (article L123-3) :

« 1. la formation initiale et continue tout au long de la vie ;
2. la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats au service de la société (innovation, appui pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et de développement durable, etc.) ;
3. l’orientation, la promotion sociale et l’insertion professionnelle ;
4. la diffusion de la culture humaniste, en particulier à travers le développement des sciences humaines et sociales, et de la culture scientifique, technique et industrielle ;
5. la participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
et 6. la coopération internationale ».

Tout est dit dans les objectifs et missions de l’ESR et des universités. Avoir ces aspects à l’esprit est important pour la qualité des débats. On voit que l’« excellence » de la recherche côtoie le rôle social et sociétal de formation pour tous les bacheliers (et anciens bacheliers avec la formation tout au long de la vie) dans des filières variées : non-sélectives, sélectives, fondamentales, longues, courtes, professionnalisantes irriguant toute la société.

Diversité des universités et stratégies de l’ESR. Enfin, les universités françaises sont diverses, et ont en leur sein des formations d’ingénieur (par exemple le réseau Polytech), les emblématiques IUT dont on vient de fêter les 50 ans d’existence et dont le succès ne se dément pas avec le DUT et les licences professionnelles, les ESPE, parfois même des OSU et autres spécificités, et bien sûr les UFR (souvent appelées facultés) de sciences, pharmacie, médecine, droit-économie-gestion, lettres, langues, sciences humaines et sociales, etc. où se concentrent la plupart des licences, masters et doctorats, et où se situent les laboratoires de recherche.

Faculté de médecine, Université de Rouen. Frédéric Bisson/Flickr, CC BY

Cette diversité de formations (initiale, tout au long de la vie, professionnalisante, fondamentale, appliquée, courte, longue), de disciplines, de thématiques, de méthodologies, de cultures est parfois à l’origine de complications mais toujours une grande source de richesse. Des chantiers de regroupements, de fusion ou d’associations d’universités (et des autres acteurs de l’ESR) sont en cours.

De plus, les liens forts avec les organismes de recherche permettent à notre système d’ESR d’être parmi les plus performants au monde (exemples pour les universités, ici aussi, et bien entendu le CNRS, le CEA et l’Inserm) en occupant le 7ᵉ rang mondial concernant les publications scientifiques.

Notons que la stratégie de l’ESR français est déclinée en stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES) d’une part, et en stratégie nationale de recherche (SNR) et stratégie nationale des infrastructures de recherche (SNRI) d’autre part. On notera avec intérêt l’élaboration récente et pertinente d’une stratégie nationale de culture scientifique, technique et industrielle (SNCSTI) en lien fort et évident avec l’ESR.

Qui vient étudier et travailler à l’université ?

Étudiants

Campagne du Ministère de l’ESR en 2014.

45 % des élèves d’une classe d’âge accède à l’université, ce qui correspond à environ 56 % des bacheliers. Notons qu’environ 7 % des élèves d’une classe d’âge accède aux CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), soit environ 9 % des bacheliers – une spécificité française.

Les trois quarts des étudiants venant de l’étranger s’inscrivent à l’université, où ils représentent environ 15 % des étudiants. Les universités sont donc contributeur majeur en soutien à la diplomatie française.

Sociologiquement, les étudiants des universités ont statistiquement 1,6 fois moins de chances d’être issus de familles de cadres que les étudiants entrant en CPGE, et entre 1.5 et 2 fois plus de chances d’être issus de familles d’employés et d’ouvriers. « Néanmoins », note le rapport ESR 2017, « c’est dans les milieux sociaux les moins favorisés que l’accès à l’enseignement supérieur s’est le plus développé, réduisant ainsi les inégalités qui demeurent malgré tout très marquées ».

Une ancienne campagne publicitaire plutôt maladroite opposant apprentissage et université a mis en exergue la méconnaissance des forts taux d’insertion des étudiants diplômés de l’université, qui dépassent les 90 % trente mois après l’obtention du diplôme.

Personnels

Nos universités sont composées d’environ 56 000 enseignants-chercheurs (titulaires du doctorat et exerçant donc des activités de recherche de pointe, d’enseignement, et d’administration ; ils sont tenus d’assurer un quota statutaire d’enseignements), 92 000 enseignants, et 60 000 personnels assurant des fonctions administratives, techniques ou d’encadrement (dont 40 000 ingénieurs et techniciens de recherche et de formation), pour ce qui concerne les personnels relevant du MESRI.

Finalement, quand on aborde les succès et problèmes de l’université – et ils sont nombreux tous deux – soyons corrects et englobons dans la réflexion toutes les dimensions de sa mission : enseignement supérieur et recherche. Ou, dit autrement, la spécificité de l’université est la formation dans l’enseignement supérieur adossée à la recherche de pointe au niveau international dans tous les domaines de la connaissance.


Je détaille dans l’épisode 2 quelques faits et constats supplémentaires concernant l’université.

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