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Selon l'institut américain de sondage Gallup, sept millenials sur dix, à savoir les individus nés entre le début des années 80 et la fin des années 90, connaissent aujourd’hui un réel niveau de burnout aux États-Unis, avec des variations suivant les personnes. CC BY-NC-ND

Burnout : une maladie de millenials ?

Si la question du burn-out a depuis longtemps envahi la sphère médiatique du fait de nombreux témoignages, notamment dans le sillage des questions de bien-être et de sens au travail, la question est de savoir si celle-ci concerne certaines cohortes démographiques en particulier.

Selon l’institut américain de sondage Gallup, sept millennials sur dix, à savoir les individus nés entre le début des années 80 et la fin des années 90, connaissent aujourd’hui un réel niveau de burn-out aux États-Unis, avec des variations suivant les personnes.

Au-delà de l’effet générationnel, comment identifier le burn-out, expliquer une telle incidence – et surtout comment faire pour inverser cette tendance ?

Qu’est-ce que le burn-out ?

Les burn-outs semblent créés par une surcharge du système nerveux, soit une psychopathologie identifiée au XIXe siècle pour décrire un stress excessif produit par le travail. Cette sursollicitation du système nerveux n’est pas le résultat d’un seul facteur mais le cumul de nombreux éléments qui, combinés ensemble, provoquent la saturation du système.

De manière évidente, le stress constitue l’un des facteurs les plus associés au burn-out, mais il ne peut pas être considéré comme la seule et unique cause. En fait, une quantité appropriée de stress dans l’environnement de travail peut être utile pour déclencher notre motivation, nous pousser à relever de nouveaux défis et améliorer notre performance.

En réalité, la particularité d’un burn-out réside dans son caractère chronique et subjectif. Ainsi, le burn-out se déclenche quand une personne ressent un écart considérable entre les efforts investis et les récompenses obtenues, donnant lieu à une sensation d’épuisement. De surcroît, on constate que toutes les générations ne sont pas à égalité devant ce phénomène ; le cas des millennials est bel et bien singulier, notamment par rapport à celui des baby-boomers par exemple – ces derniers étant moins sujet au burn-out et le vivant de manière différente.

Pourquoi les millennials semblent plus sensibles au burn-out ?

Les millennials, constituent un groupe caractérisé par le fait d’avoir été la première à grandir avec l’avènement d’Internet et des ordinateurs, ainsi que des téléphones personnels, puis des smartphones. Il s’agit aussi d’une génération qui a vécu, lors du démarrage de carrière, les effets de la récession de 2008 – une récession qui a eu un impact sur leur pouvoir d’achat ainsi que leur capacité d’endettement.

De surcroît, cette génération a favorisé les études universitaires et le voyage au détriment de l’achat d’une maison ou de la fondation d’une famille, par exemple.

Une hypothèse peut alors être formulée : il serait possible, entre autres facteurs, que le désir de réaliser tous ces idéaux rende cette génération particulièrement vulnérable au burn-out.

En tous les cas, les recherches montrent que les millennials semblent plus sensibles au stress sur le lieu de travail.

Un fort besoin de considération

Vis-à-vis du travail, ils sont motivés par une ambiance de travail digitalisée, dont ils ont connu la mise en place progressive au moment de leur entrée sur le marché du travail, avec l’avènement progressif des réseaux sociaux et des outils de travail collaboratif. Selon une étude du cabinet PWC, ils ne se sentent pas à l’aise avec les structures trop rigides et cherchent des entreprises qui savent proposer de nouveaux défis. Ils accordent aussi beaucoup d’importance à la prise en considération de leurs besoins personnels, ont besoin d’un feedback constant, de réponses rapides à leurs demandes et de beaucoup d’encouragement et de reconnaissance.

La collision entre idéaux et réalités du monde de travail semble pouvoir expliquer l’incidence des cas de burn-out parmi cette génération.

D’un côté les millennials sont très attachés à la réalisation de leur quête d’identité (épanouissement, divertissement, qualité de vie, engagement). De l’autre, ils ont besoin d’agilité, souhaitent conserver un avantage vis-à-vis d’autres générations (grâce à leur éducation et digitalisation), sont informés et exigent de leurs employeurs qu’ils fassent un bon usage de leurs compétences.

Toutes ces exigences risquent de mener à l’insatisfaction permanente. La longue liste d’attentes, le besoin de s’identifier avec une « raison d’être » et le besoin d’accompagnement peuvent avoir un effet négatif sur la confiance en soi. L’agilité et la quête de performance pourront générer un état constat d’anxiété et sur le long terme, cette agitation pourrait provoquer un épuisement chronique, donnant lieu à un burnout. En outre, tous les millennials ne sont pas touchés de la même manière par le burn-out : en fonction du genre ou de l’origine culturelle, des différences importantes existent.

Comment faire face à ces injonctions ?

La première façon de traiter l’augmentation des cas de burn-out parmi les millennials serait d’abord d’évaluer à quel point les objectifs demandés par les employeurs sont réalistes et acceptables, en fonction du type de métier exercé. Une semaine de 35 à 40 heures suffit-elle à traiter tous les dossiers ? Se déconnecte-t-on vraiment lorsque l’on est en vacances ou en week-end ? Et qu’en est-il de la place de cette génération dans les sphères extra-professionnelles – dans la mesure où une personne vit forcément dans une interconnexion d’environnements sociaux qui s’influencent mutuellement ?

Ensuite, se pose la question de l’évaluation des relations à autrui. Le sentiment d’être plus isolé est-il présent ? Avons-nous le sentiment que notre avis est pris en compte ? Avons-nous l’impression que nos collègues et supérieurs nous écoutent, ou avons-nous l’impression qu’ils nous ignorent ou qu’ils se moquent de nos opinions ?

Mesure la fréquence du sentiment d’injustice ?

Dans ce sillage, il faudrait mesurer la fréquence à laquelle est éprouvé un sentiment d’injustice. Existe-t-il un traitement différent ou privilégié accordé à d’autres personnes occupant des postes similaires, ou existe-t-il une attente différente donnée à un certain niveau de la hiérarchie qui ne s’applique pas à nous ?

En fin de compte, le burn-out semble émerger lorsque nos valeurs personnelles s’opposent aux exigences professionnelles qui nous sont imposées. Avons-nous l’impression que la réalisation de notre travail n’est pas en concordance avec notre échelle de valeurs ? Avons-nous l’impression que certaines décisions ne respectent même pas les valeurs affichées par l’entreprise ?

Mieux accompagner le burn-out

Comme nous l’avons vu, le burn-out constitue la conséquence d’un processus de surcharge habituellement invisible pour la personne qui le vit, mais pas nécessairement invisible pour autrui. Il semblerait que les employés soient de plus en plus conscients de leur responsabilité face à ce syndrome et sa prévention – y compris du point de vue du management.

Comme l’explique l’Institut national de recherche et de sécurité, le burn-out ne se présente pas du jour au lendemain. Il est précédé de deux étapes faciles à repérer et pendant lesquelles les employeurs peuvent mobiliser l’accompagnement cher aux millennials.

Dans un premier temps, au cours de la phase d’euphorie (les employés donnent l’impression d’être des super-humains et de pouvoir tout faire), les employeurs peuvent travailler en étant vigilant par rapport à l’importance de la charge de travail et des missions, afin de veiller au-bien être du salarié. Les échanges fréquents avec les employés ainsi que les évaluations de performance ponctuelles constituent des outils utiles pour l’aider à s’assurer un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Dans un deuxième temps, les employés expérimentent ce qu’on appelle le burn-in, soit la phase qui laisse progressivement s’installer les symptômes du burn-out. Le stress devient chronique et beaucoup de symptômes visibles apparaissent ; migraines, irritabilité, perte de concentration, cynisme, isolement, fatigue morale et physique, crainte du travail, démotivation, négativité, culpabilité, variabilité de l’humeur, angoisses, anxiété, insomnie, perte d’appétit.

Dans ce cas, les employeurs peuvent utiliser l’empathie, impliquer les équipes de ressources humaines et éviter toute tache qui mène à l’isolement de l’employé. L’employeur peut aussi revoir les objectifs de façon temporaire, envisager un changement d’équipe, ou bien recommander un traitement thérapeutique. La législation reconnait l’obligation de tout employeur d’agir pour préserver la santé d’un salarié en détresse comme le stipulent les articles L. 4121-1 et L. 4121-2du code du travail.

De fait, il est important de comprendre que le burn-out des millennials ne constitue pas une faiblesse personnelle, exclusivement imputable à l’individu. Dans cette optique, les managers ont l’obligation de reconnaître son existence et de prendre des mesures pour mieux savoir l’anticiper, et surtout faire en sorte qu’il ne survienne pas – ou le moins possible. Et ce d’autant plus que cela fait hélas plus d’une vingtaine d’années que les chercheurs alertent sur la situation et proposent des outils de prévention.

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