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Comment les grandes entreprises contribuent au développement des PME : le pari des accélérateurs de croissance

Les grandes entreprises et Bpifrance multiplient les lancements d’accélérateurs de croissance pou faire grandir les PME à fort potentiel. Fizkes/Shutterstock

En matière d’accompagnement et de soutien aux petites et moyennes entreprises (PME), la tendance naturelle des pouvoirs publics comme des plus grandes entreprises est de porter l’attention sur les organisations en difficulté. Ceci est particulièrement vrai lorsque leur activité apparaît symbolique au sein d’un secteur industriel stratégique et à préserver, ou que leur fermeture menace de nombreux emplois (pour les pouvoirs publics). C’est également le cas lorsque leurs compétences apparaissent rares et nécessaires à la préservation des avantages concurrentiels de leurs clients (pour les grandes entreprises).

Les récentes tentatives de sauvetage des sites industriels de Arc International, d’Arjowiggins ou d’Ascoval, accompagnées de succès relatifs, témoignent de cette logique au sein de laquelle les actions des protagonistes se veulent complémentaires. À côté de ce soutien aux PME en difficulté, un effort grandissant est accompli en direction d’organisations plus robustes, dont est alors visée une optimisation du potentiel de croissance, au bénéfice de l’emploi et de la compétitivité des clients financeurs.

Initiatives ambitieuses

Depuis 2017, lancements d’accélérateurs de croissance, portés notamment par Bpifrance et de grandes entreprises, confirment une volonté affichée par les financeurs de faire grandir les PME au plus fort potentiel, au point d’en faire des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les accélérateurs « chimie » et « plasturgie et composites » partagent cette ambition et reposent sur un accompagnement de PME sélectionnées bénéficiant d’un programme intensif et personnalisé de conseils, de formations ou encore de mises en relation en vue d’accélérer leur croissance.

Avant eux, l’accélérateur aéronautique, appelé « Ambition PME-ETI », avait été lancé en septembre 2017 pour une première « promotion » de 60 entreprises.

Plus récemment, en mars 2019, est né le programme « Trajectoire PME-ETI », regroupant 24 entreprises du secteur automobile (à défaut d’originalité, les noms des programmes témoignent bien de l’ambition commune de croissance des PME).

Les industriels témoignent, à travers leur engagement dans ces dispositifs, de leur compréhension des besoins des PME soucieuses de se développer et de leurs propres besoins en matière d’innovation : s’appuyer sur des compétences désormais largement « hors les murs » de l’entreprise. En effet, à l’heure où l’innovation prend de plus en plus la forme de la co-innovation, voire de l’innovation écosystémique, pouvoir imaginer et développer de nouveaux produits et/ou services avec les partenaires essentiels que sont les fournisseurs est devenu vital pour les grandes entreprises, y compris et surtout pour les plus innovantes d’entre elles. Les initiatives prises par les grandes entreprises en termes de soutien aux PME constituent indéniablement un bon premier pas et méritent d’être saluées. Elles ne sauraient toutefois constituer la panacée.

Attention à la croissance non maîtrisée

Le lien entre la taille des entreprises et performance économique est un sujet largement débattu. Si, au siècle dernier (et plutôt dans sa première partie), la grande taille était souvent une condition de succès (grâce aux économies d’échelle réalisées), le temps semble désormais plus favorable aux petites structures, plus agiles et résilientes lorsque l’activité décroît. C’est ce dont témoigne bien une théorie méconnue mais qui fournit pourtant un éclairage très intéressant sur les choix de non-croissance qu’il est possible d’observer : la théorie de l’hypofirme.

Il peut ainsi être non seulement peu judicieux, mais également parfois dangereux, de croître trop ou trop rapidement. De nombreux cas de disparition d’entreprise trouvent ainsi clairement leurs origines dans une croissance trop rapide.

Michel Marchesnay, universitaire et co-fondateur de l’Association Internationale en Entrepreneuriat et PME, distingue ainsi deux grands types d’entrepreneurs : certains cherchent avant tout à faire croître le plus vite possible leur entreprise (les entrepreneurs CAP pour, par ordre décroissant d’importance, Croissance, Autonomie et Pérennité), les autres privilégient la pérennité de cette dernière (les entrepreneurs PIC pour Pérennité, Indépendance et Croissance). Ce faisant, il met bien en évidence les dangers d’une croissance qui, lorsqu’elle constitue une trop grande priorité, peut s’avérer néfaste à la pérennité, même si un bon dosage doit rendre les objectifs mentionnés compatibles.

Mieux collaborer

Au-delà de la taille, le vrai facteur de succès réside souvent dans la capacité à collaborer. Cette dernière permet de rester petit, et d’en conserver tous les avantages, tout en mutualisant suffisamment bien les moyens avec des partenaires pour innover et créer de réels avantages concurrentiels. C’est ce dont témoignent bien les stratégies collectives développées par les fabricants textile marocains : leur petite taille permet de surmonter les fluctuations d’activité si fréquentes dans cette industrie et leur grande capacité collaborative leur permet de répondre ensemble à de grandes commandes, lorsqu’elles se concrétisent, en mutualisant les outils de production.

La coopétition est ainsi devenue une réalité quotidienne pour des fabricants cherchant davantage à coopérer avec leurs concurrents qu’à grandir.

Au Maroc, la capacité collaborative des fabricants textile leur permet de répondre ensemble à de grandes commandes. Eduardo Lopez/Shutterstock

Des stratégies similaires sont observables dans les relations plus verticales que sont les relations client-fournisseur. Il est clair que la responsabilité des donneurs d’ordres (si l’on conserve cette appellation laissant peu de place à la logique de coopération) est grande à ce niveau. Ils ont en effet la double possibilité d’entretenir eux-mêmes des relations plus équilibrées et coopératives avec leurs fournisseurs, tout en encourageant ces derniers à mieux collaborer entre eux. Pour louables et bienvenues que soient les initiatives fondées sur les accélérateurs de croissance, ces derniers ne doivent surtout pas faire passer le besoin de collaboration (verticales et horizontales) entre entreprises au second plan. C’est en favorisant et en accompagnant également les collaborations que les accélérateurs de croissance pourront apporter tout leur potentiel.

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