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Comment protéger les enfants exposés à des images de guerre violentes ?

Un enfant de dos est en train de regarder des images floues à la télévision.
Selon certaines études, des enfants exposés à des médias violents, peuvent devenir insensibles ou, à l'inverse, ressentir de la peur, de l'anxiété, souffrir de troubles du sommeil, de symptômes de stress traumatique etc. grass-lifeisgood/shutterstock

Dans le monde actuel rempli d’écrans, de nombreux enfants et adolescents ont un accès quasi permanent aux médias. Selon des estimations américaines, les enfants d’âge scolaire passent quatre à six heures par jour à regarder ou à utiliser des écrans. Les adolescents passent jusqu’à neuf heures par jour sur des écrans.

(En France, des données statistiques montrent une forte hausse du temps passé par les enfants mineurs devant un écran. L’augmentation la plus importante concerne la tranche 13-19 ans dont le temps passé devant un écran (télévision, jeux vidéos ou sur Internet), mesuré sur une base hebdomadaire, a augmenté de six heures par semaine entre 2011 et 2022, pour atteindre 36 heures par semaine, ndlr).

Si les médias peuvent ouvrir la voie à l’apprentissage et favoriser les liens relationnels des enfants, ils comportent également un risque d’exposition à la violence.

Les médias d’information, en particulier, font courir des risques en diffusant des actualités qui traitent de guerres, de génocides, de morts violentes, de terrorisme et de souffrance, ces actualités étant couvertes de manières répétées tout au long d’un cycle d’information de 24 heures. Des recherches montrent que la violence et la criminalité font l’objet d’une couverture médiatique disproportionnée. Cela s’explique en partie par le fait que nous sommes attirés par ces récits ; il a été constaté que les titres négatifs suscitent plus d’intérêt et de clics que les titres positifs.

Aujourd’hui, sur Internet, les enfants et les adolescents ont accès à des images de conflits armés, d’attaques terroristes, de violences policières, de fusillades de masse et d’homicides. Les médias qui retransmettent ces informations violentes, en presse écrite, audiovisuelles ou via des vidéos peuvent être consultés à tout moment et diffusent leurs informations en boucle. Celles-ci sont accompagnées de commentaires, d’analyses et véhiculent des représentations que les enfants peuvent être susceptibles d’intérioriser.


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En tant que chercheuse en traumatologie et infirmière en psychiatrie, j’étudie l’impact des traumatismes et des traumatismes vicariants sur les enfants.

(On parle de traumatisme vicariant quand une personne est « contaminée » par le vécu traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact, ndlr).

Les médias qui diffusent des informations violentes et les représentations qu’ils véhiculent sur Internet ne peuvent être ignorés lorsqu’il s’agit de la santé mentale des enfants. Même les parents les plus avertis, à propos des médias, ne peuvent pas totalement contrôler les contenus que leurs enfants consomment ou les représentations qu’ils intériorisent. Néanmoins, je pense que certaines mesures peuvent être prises pour en atténuer les effets.

Quand la peur est amplifiée

Dans certains cas, les analyses faites par les médias d’information peuvent se révéler utiles pour comprendre les événements qui font l’actualité. Mais toutes les personnes avec un accès à Internet peuvent s’exprimer, qu’il s’agisse d’experts reconnus ou d’adolescents influents sur les réseaux sociaux. Ces personnes peuvent amplifier la peur d’un enfant, sans tenir compte du contexte.

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, des chercheurs ont inventé le terme « terrorisme secondaire » pour décrire la manière dont les représentations véhiculées par les médias d’information augmentaient la perception d’une menace et d’une situation de détresse.

À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations qu’ils véhiculent, les enfants peuvent développer une vision déformée du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile. Cela peut, en retour, amener chez eux de l’anxiété et entraver leur capacité à être en confiance et à s’engager dans le monde.

Le sentiment de sécurité des enfants peut également être altéré, ce qui rend difficile le développement chez eux d’un sentiment d’optimisme.

Des études ont révélé que, parmi les enfants exposés aux médias violents sous leurs nombreuses formes, certains risquaient de souffrir d’une perte de sensibilité, de peur, d’anxiété, de troubles du sommeil, d’agression et de symptômes de stress traumatique.

Comment les parents peuvent-ils réagir ?

Les parents doivent concilier deux priorités opposées.

D’une part, il est important d’élever les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens informés, pour qu’ils cultivent des compétences adaptées à leur âge afin qu’ils s’impliquent, de manière critique, face aux événements et aux injustices du monde. On évoquera la réalité dévastatrice des fusillades dans les écoles (un nombre important de fusillades ont lieu dans des établissements scolaires aux États-Unis, ndlr) et d’autres lieux publics qui représentent une menace réelle pour les enfants, tout comme les conflits armés et les attaques terroristes qui ont lieu dans de nombreuses régions du monde.

D’autre part, les parents doivent surveiller la consommation que leurs enfants font des médias afin de réduire leur exposition à la violence et de contrôler la façon dont les enfants intériorisent des représentations fondées sur la peur, qui nuisent à leur bien-être psychologique.


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Les parents, les grands-parents, les enseignants et tous les autres adultes responsables d’enfants au sein de diverses communautés peuvent prendre des mesures pour atteindre cet équilibre délicat. Dans une vie d’enfants remplie par les médias, ils doivent offrir un cadre constant et sécurisé.

Tout d’abord, il est important que les adultes encouragent la réflexion critique sur ce que les enfants voient et entendent sur Internet et dans les médias. Les enfants et les adolescents doivent participer à des conversations adaptées à leur âge concernant les situations dont ils sont témoins et le contexte dans lequel surviennent des événements violents, en particulier quand ils ont lieu près de chez eux. Les conversations ouvertes, l’exploration des sentiments et la reconnaissance d’expériences vécues par les enfants et marquées par la tristesse, l’inquiétude, la colère ou la peur peuvent favoriser un dialogue réfléchi et une sécurité psychologique.

Ensuite, les adultes doivent veiller à fixer des limites à la consommation de médias et surveiller les contenus auxquels les enfants sont exposés. Regarder ou écouter les médias avec eux et créer un espace de discussion peut aider les enfants à donner un sens aux informations difficiles qu’ils reçoivent et cela permet aux parents de surveiller la réaction de l’enfant.

Enfin, les adultes doivent être des modèles pour leurs enfants concernant les médias d’information. Les enfants copient souvent le comportement de leurs parents et d’autres adultes. Nos propres habitudes de consommation des médias, nos réactions et notre capacité à avoir une vie en ligne contrebalancée par des activités positives dans la vie réelle, cela parle aux enfants.

La violence du monde étant entre les mains des enfants et des adolescents, il incombe aux adultes de les guider vers une compréhension nuancée du monde, tout en leur assurant une sécurité psychologique.

Il est essentiel d’encourager l’esprit critique, de fixer des limites et de montrer un modèle de consommation responsable des médias.

Si les adultes mènent à bien ces actions des adultes, cela peut permettre à la prochaine génération de naviguer dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, en faisant preuve d’empathie, de résilience émotionnelle et d’esprit critique.

This article was originally published in English

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