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Une foule cosmopolite assiste au défilé annuel de la Saint-Jean-Baptiste, à Montréal. Le français n'est pas en déclin au Québec, selon cet expert, et il n'y a jamais eu autant de francophones. La Presse canadienne/Graham Hughes

Déclin du français au Québec : le danger de « disparaître » n’est pas pour demain, selon cet expert

Le mantra du gouvernement du Québec, endossé par tous les chefs des partis politiques québécois, veut que le français soit en déclin dans la province, au point où la « louisianisation » frappe à la porte.

Les données du dernier sondage sur la langue d’usage des citoyens et citoyennes du pays, publié en août dernier par Statistique Canada, en a rajouté : par rapport aux recensements de 2001 à 2016, on y notait une régression du français à travers le pays.

Or, j’indiquais dans cet article que la formulation de certaines questions clés a changé. Cela a fait chuter de manière draconienne, par exemple, le taux de francisation des immigrants.

Mais qu’est-ce que signifie, au juste, le « déclin » du français ?

Dans cet article, je tente de clarifier le sens du mot « déclin ». Si le français décline en termes relatifs, le nombre de francophones continue à augmenter. Étant donné la grande fidélité des francophones à leur langue, le danger de « disparaître » s’éloigne de plus en plus.

Est-ce que la taille du groupe francophone diminue ?

Dans ce tableau, je présente les résultats d’une méthodologie où toute déclaration d’une langue allophone d’usage bilingue ou trilingue est résolue en faveur du français ou de l’anglais. En effet, l’origine linguistique des gens est moins importante que leur participation actuelle aux groupes francophone ou anglophone. Quant au bilinguisme français-anglais, il est réparti au prorata entre les deux langues, suivant ainsi la méthode traditionnelle.

Évolution des langues d’usage à la maison, Québec, 1971 à 2021. Calvin Veltman, Author provided

Dans ce tableau, on constate que le groupe francophone augmente d’un recensement à l’autre.

Ceci va à l’encontre des perceptions du danger de la « louisianisation ». Le nombre de francophones est maintenant de 6,7 millions, contre 4,7 en 1971. De plus, nous savons déjà que les francophones sont extrêmement fidèles à la conservation du français, y compris une large proportion de ceux qui sont comptabilisés par les démographes comme « anglicisés ».

Ma conclusion est que le discours du déclin du français n’a aucune assise dans la réalité et cela, même si le recensement de 2021 semble comporter un biais anti-français de 1,0 à 1,4 % par rapport aux recensements précédents.

Est-ce que la proportion des francophones diminue au Québec ?

La réponse à cette question est oui. Le pourcentage relatif du français est en déclin, tel que le démontre ce tableau.

Composition de la population selon la langue d’usage, Québec, 1971 à 2021. Valvin Veltman, Author provided

En effet, la part en pourcentage du français décline lentement à chaque recensement depuis 2001, son apogée. De 2016 à 2021, la régression est toutefois très surprenante. C’est aussi le cas pour la croissance du groupe anglophone qui, contrairement au français, connaît un certain regain depuis 2001, de 0,1 à 0,2 % d’un recensement à l’autre, sauf pour ce qui est du dernier.

L’anglais aurait ainsi gagné 1,0 %, contre toute attente. Notons aussi que la part des langues allophones comme langues principales parlées au foyer est en croissance régulière depuis 2001, ce qui contribue également à la régression de la part du français.

Je conclus ainsi que le « déclin » du français renvoie donc à sa proportion et non pas à sa taille.

Le français est-il plus ou moins fort par rapport à l’anglais ?

Oui, le français est plus fort qu’il l’était avant la mise en place de la loi 101. Mais il recule très lentement depuis 1996.

Les langues allophones ne sont pas permanentes et ne menacent aucunement le français. Les jeunes allophones s’assimilent et il y a toutes les raisons de croire que la première génération née au Québec abandonnera la langue de l’immigration, comme je le démontre dans cette étude.

Comme nous ignorons, du moins pour l’exercice en cours, comment les allophones vont se distribuer entre les deux groupes linguistiques principaux, il faudra les exclure lorsqu’on considère le rapport entre le français et l’anglais. C’est ce que nous faisons avec l’indice du rapport du français à l’anglais (RFA), soit la part du français divisée par la somme de la part du français et de l’anglais.

Or, l’exclusion du groupe allophone des calculs de la part du français révèle quelques faits intéressants. Si la part du français recule très légèrement de 2001 à 2016, puis plus radicalement de 2016 à 2021, elle dépasse en 2021 la valeur observée en 1971, c’est-à-dire avant la mise en place de la Loi 101. Pourquoi ? Parce que le groupe anglophone est beaucoup plus petit en termes relatifs qu’en 1971, où il représentait 14,7 % de la population.

En effet, la valeur de l’indice RFA en 2021 équivaut à celle de 1986 où la part du français était alors de 83 % et celle de l’anglais, 12,7 %. C’est-à-dire que le rapport de force du français par rapport à l’anglais est égal pour ces deux années, même si le français ne compte en 2021 que 79,9 % de la population.

Des garanties pour l’avenir du français

Bien que l’indice RFA nous permet de saisir le rapport relatif des groupes francophone et anglophone, cela ne nous informe pas sur la probabilité que le français disparaisse éventuellement du Québec.

Cela dit, le meilleur gage de la pérennité d’un groupe linguistique est sa taille et la fidélité de ses membres, non pas son pourcentage relatif ni son rapport à la minorité anglophone. Être 6,7 millions de francophones avec un taux d’adhésion au français extrêmement élevé est suffisant pour garantir l’avenir de notre langue, sans parler de l’intégration de nombreux allophones et anglophones qui ont fait du français leur langue du cœur.

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