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Des spéléologues de l’expédition « Lengguru 2014 » en quête de grottes à visiter. Jean-Marc Porte/IRD, Author provided

En Papouasie, l’exploration d’un paradis de la biodiversité comme si vous y étiez

Arte diffuse ce samedi 25 juin Papouasie, expédition au cœur d’un monde perdu, un film de Christine Tournadre qui retrace la plus importante expédition scientifique jamais menée en Indonésie : « Lengguru 2014 ».

Conduite par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut indonésien des sciences (LIPI) et l’École polytechnique de Sorong (POLTEK), cette initiative a mobilisé plus de 70 chercheurs indonésiens et européens. Elle a permis d’étudier plusieurs types d’écosystèmes karstiques – ces dédales de roches calcaires fracturées et érodées formant de véritables labyrinthes naturels – originaux de Papouasie occidentale et de collecter plusieurs milliers d’espèces animales et végétales, véritables témoins d’une biodiversité hors du commun.

La Papouasie occidentale localisée dans le rectangle rouge. DR

Formidable aventure scientifique et humaine, Lengguru 2014 avait pour objectif d’étudier la biodiversité des karsts papous afin de mieux comprendre ses origines, son évolution et de contribuer ainsi à sa préservation. Pendant cinq semaines, en octobre et novembre 2014, les scientifiques ont exploré différents écosystèmes du massif de Lengguru, en mer, sur et sous terre. Résolument pluridisciplinaire, l’opération a mobilisé ichtyologues, botanistes, herpétologues, entomologistes, ornithologues, biologistes marins, généticiens, spéléologues, hydrologues… Plusieurs milliers de spécimens ont été étudiés, de 100 mètres sous le niveau de la mer à 1 400 mètres d’altitude, ainsi que dans de nombreux dédales souterrains du massif.

Les insectes comptent parmi les témoins de la richesse de la biodiversité papoue. Un entomologiste faisant le bilan des spécimens récoltés en une matinée. Jean-Marc Porte/IRD, Author provided
Le lac Uwabutu a été exploré par les ichtyologues de la mission. Jean-Marc Porte/IRD, Author provided

Une faune et une flore extrêmement riches

Les scientifiques ont exploré un large panel d’écosystèmes : rivières fragmentées, dolines ennoyées, lacs isolés, forêts de montagne, grottes, écosystèmes récifaux…

Des espèces rarement observées, voire inconnues, ont été étudiées, parmi lesquelles de nombreux oiseaux (plus de 50 espèces), insectes (entre 100 et 150 espèces de grillons), amphibiens et reptiles (près de 100 espèces), rongeurs, chauves-souris, mammifères (50), mais aussi palmiers et orchidées (au moins 300 espèces) ainsi que vertébrés et invertébrés marins, algues et phanérogames (près de 600 espèces).

À terre, des techniques spécifiques en spéléologie ou pour atteindre la cime des arbres ont été mises en œuvre. Sous l’eau, la technique de plongée en recycleur à circuit fermé a été utilisée pour la première fois dans le cadre d’une expédition scientifique française. Elle a permis aux chercheurs d’explorer des milieux très profonds dans la zone semi-crépusculaire et d’étudier la distribution verticale de la biodiversité (de 100 m de profondeur à la surface).

Un ornithologue étudie le rôle des parasites des populations d’oiseaux endémiques. Jean-Marc Porte/IRD, Author provided
À la nuit tombée, un herpétologue recherche des spécimens de batraciens dans un tronc d’arbre mort. Jean-Marc Porte/IRD, Author provided

Toutes ces observations confirment que le massif karstique de Lengguru, de par sa position biogéographique à l’interface des continents asiatique et australien et à l’épicentre du triangle de corail (zone la plus riche au monde en biodiversité marine), constitue un point chaud de la biodiversité mondiale. Les analyses génétiques couplées aux approches de taxonomie sont en train de confirmer la découverte de plusieurs dizaines d’espèces nouvelles animales et végétales – comme le poisson aveugle Oxyeleotris colasi ou l’orchidée Dendrobium centrosepalum – et soulignent le rôle majeur de Lengguru dans les processus d’évolution et d’adaptation des grands groupes d’organismes de Papouasie occidentale.

Lengguru 2014 s’inscrit dans le cadre du programme pluriannuel « Karst et biodiversité » initié en 2010. Les équipes scientifiques envisagent de poursuivre l’exploration du massif ainsi que ses pentes récifales, grâce à l’organisation d’une nouvelle expédition plus thématique – ornithologie, océanologie – fin 2017.

Partenariat avec l’Indonésie et sensibilisation

Le programme « Karst et biodiversité » se fonde sur un partenariat durable avec l’Indonésie et s’inscrit dans l’esprit du protocole « accès aux ressources génétiques et partage juste et équitable des avantages liés à leur utilisation » (APA), adopté lors de la Conférence sur la diversité biologique de Nagoya en 2010. Ainsi, le travail de terrain implique des équipes mixtes européennes et indonésiennes.

Par ailleurs, l’essentiel des analyses des échantillons biologiques est effectué dans les laboratoires de l’Institut des sciences (LIPI) près de Jakarta en Indonésie. Seules certaines analyses ne pouvant être traitées localement justifient la sortie du territoire de matériel génétique, sous forme d’extraction d’ADN dans le cadre d’accueil de partenaires indonésiens en Europe. À ce titre, le projet soutient le renforcement des compétences de chercheurs et étudiants indonésiens, qu’ils soient originaires de Papouasie ou d’ailleurs.

Avant de partir en forêt, une équipe d’ornithologues échange avec les guides papous. Jean-Marc Porte/IRD

Lengguru 2014 a aussi été l’occasion de sensibiliser le grand public, en particulier les jeunes, au rôle de la recherche pour la connaissance et la préservation de la biodiversité. De nombreuses actions pédagogiques ont été proposées en France (Hérault, Gard, Lozère) et en Indonésie (Jakarta, Sorong). Des élèves de la maternelle au lycée et des étudiants ont ainsi rencontré les chercheurs avant leur départ, échangé avec eux pendant l’expédition grâce à une liaison satellite et suivi les avancées de l’expédition sur le site Internet dédié.

Des enseignants ont également intégré Lengguru comme support pédagogique pour traiter différentes thématiques de l’environnement, de la biodiversité et du réchauffement climatique. Enfin, en réponse aux autorités locales et régionales de Kaimana, une étude de faisabilité a été réalisée pour le captage et l’approvisionnement en eau potable du village d’Urisa.

« Papouasie, expédition au cœur d’un monde perdu », le documentaire de Christine Tournadre sera diffusé le samedi 25 juin à 20h50 sur Arte (rediffusions : dimanche 26 juin à 15h35, vendredi 1er juillet à 9h00 et vendredi 15 juillet à 15h35).

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