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États-Unis : associer bois et charbon pour produire de l’électricité, une solution risquée ?

Dans la ville de Welch, en Virginie-Occidentale, berceau historique du charbon aux États-Unis. Spencer Platt/AFP

L’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris à l’été 2017 a provoqué un séisme. Au-delà des annonces faites par son administration, il convient de s’interroger sur la volonté réelle de Donald Trump d’éloigner trop profondément les États-Unis des trajectoires compatibles avec l’Accord.

L’actuel président américain pourrait privilégier une gestion non contraignante du risque climatique en dehors de cet accord international, permettant aux États-Unis de conserver une fenêtre de tir pour de futures politiques en faveur du climat et d’assurer le dynamisme de vieilles industries comme le charbon (dont les États-Unis sont le second producteur mondial derrière la Chine).

Dans ce contexte, il faut s’intéresser de près à la co-combustion simultanée de charbon et de biomasse (ou bois énergie) dans les centrales charbon. Cette technique – capable de réduire le bilan carbone du secteur électrique à moindre coût, de sauver des emplois dans l’industrie du charbon et de stimuler la filière forestière – semble en effet s’imposer comme un instrument de la future politique énergétique outre-Atlantique.

Cette nouvelle donne pour la biomasse et le charbon a été longuement détaillée dans un livre blanc publié début 2017 à l’attention de l’administration Trump par FutureMetrics, un cabinet d’études en pointe dans le domaine de l’industrie du pellet de bois.

La co-combustion aux États-Unis

Depuis 2014 et les premières annonces sur le Clean Power Plan (CPP) piloté par la présidence Obama, la co-combustion a retenu l’attention des décideurs aux États-Unis, alors que cette pratique est encore peu développée dans ce pays. À ce jour, les États-Unis comptent 435 centrales charbon de puissance supérieure ou égale à 250 megawatts, principalement dans les États du sud et de l’est. La co-combustion est pratiquée dans environ 40 centrales américaines contre 100 en Europe (parfois à très grande échelle comme à Drax au Royaume-Uni).

Cet écart s’explique par l’absence de politiques climatiques fédérales réellement ambitieuses aux États-Unis avant le CPP, contrairement à ce qui se passe en Europe. Cependant, alors même que l’abandon du CPP par l’administration Trump est acté, la co-combustion connaît paradoxalement un regain de popularité outre-Atlantique.

Cette solution permet en effet de réduire à moindre coût le bilan carbone des centrales existantes. La co-combustion est une source fiable d’électricité partiellement renouvelable et elle présente un intérêt du point de vue de l’emploi. Ces opportunités en matière d’emploi sont susceptibles d’intéresser l’administration Trump pour soutenir les industries du charbon et de l’exploitation forestière, en crise aux États-Unis depuis la révolution du gaz de schiste – qui a provoqué le déclin du charbon soumis à la concurrence de ce gaz à bas coût – et le déclin de la demande de papier.

Reste que la co-combustion avec des pellets de bois présente un surcoût par rapport à une utilisation classique des centrales charbon. À un taux de 10 % de pellets (90 % de charbon), le surcoût est estimé à 7 dollars par megawatt-heure par FutueMetrics, qui propose de subventionner les électriciens pour couvrir cette charge. Le coût d’une telle politique serait toutefois compensé par le fait de sauver des emplois charbonniers et d’en créer davantage dans la filière forestière.

À partir de quoi les États-Unis produisent leur électricité. EIA

L’emploi d’abord

La fourniture de combustibles à une centrale charbon de 400 megawatts génère 1686 emplois lorsque le charbon est l’unique combustible, et 1757 en co-combustion avec 10 % de pellets, selon les données de FutureMetrics. En comparaison, 587 emplois sont nécessaires pour approvisionner une centrale gaz de même puissance, l’extraction et le transport étant beaucoup moins intensifs en travail que dans le cas du charbon.

Avec la co-combustion, la chaîne d’approvisionnement permet de générer davantage d’emplois encore, les pellets étant plus intensifs en travail que le charbon, de l’extraction en forêt jusqu’à la livraison à la centrale.

Les enjeux sont importants pour la filière forestière américaine, qui souffre de la diminution de la demande nord-américaine en papier. Ainsi, la demande de papier journal et d’impression a baissé en 2014 de 10 % aux États-Unis et de 4,5 % au Canada. Cette baisse marque une 15e année consécutive de déclin ; la demande américaine pour le papier journal devrait continuer à décroître au rythme d’environ 3 % à 4 % par année à court et à moyen terme. Dans ce contexte, le développement de l’industrie du pellet à travers la co-combustion pourrait permettre de sauver les emplois menacés et d’en créer davantage.

La co-combustion permet également d’améliorer le bilan carbone des centrales existantes, même si l’actuel président américain ne semble guère concerné par la stabilité du climat. En fonction de la qualité du combustible, le taux de biomasse peut atteindre jusqu’à 50 % du mélange brûlé dans une centrale charbon n’ayant reçu aucune modification, permettant ainsi de diviser par deux les émissions de CO2 (le taux de biomasse dans la pratique se situe souvent autour de 10 % et le combustible employé est le pellet de bois).

À titre d’illustration, les émissions du charbon électrique européen pourraient être réduites dans une fourchette allant de 30 à 365 millions de tonnes de CO₂ par an pour des taux de biomasse compris entre 5 et 50 %.

Une stratégie risquée à long terme

Malgré ces avantages, le développement de la co-combustion comporte un risque à long terme en favorisant un mix électrique où le charbon pourrait évincer les énergies renouvelables.

FutureMetrics estime ainsi qu’une utilisation en co-combustion de 25 % des centrales américaines avec 10 % de pellets se traduirait par une augmentation de 148 millions de tonnes de la consommation de charbon dans le secteur électrique en 2030 aux États-Unis, par rapport à un niveau de référence sans subventionnement de la co-combustion.

La quantité de pellets nécessaire serait alors de 20 millions de tonnes par an (la production actuelle étant de 12 millions de tonnes annuelles). L’impact serait certes positif pour l’emploi, mais le livre blanc estime également que 20 millions de tonnes par an est la quantité maximale que peut fournir de manière soutenable la forêt américaine. Cette stratégie pourrait donc se révéler risquée pour les ressources forestières du pays.

On le voit, si la co-combustion permet de réduire les émissions de CO2 à court terme, elle ne contribue pas à la transition vers un parc électrique non carboné. Elle peut ainsi être considérée comme une solution transitoire, mais si elle persiste, il existe un risque que cette solution évince les technologies non carbonées. De récentes études montrent qu’un tel risque existe.

Dans cette optique, une tarification du carbone ambitieuse, visant à réduire les émissions en les taxant, constitue un instrument efficace, capable de stimuler la co-combustion à court terme sans remettre en cause la profitabilité à long terme d’investissements dans des technologies non carbonées.

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