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Un nid-de-poule sur la rue Saint-Paul, à Montréal. Malgré les discussions récurrentes, les solutions durables peinent à s’imposer au Québec. Pourtant, il existe de nombreuses solutions pour construire des routes plus résistantes aux conditions météorologiques. La Presse Canadienne/Ryan Remiorz

Nids-de-poule : les solutions pour rendre le réseau routier plus durable existent déjà

Chaque printemps ramène son cortège de nids-de-poule, provoquant une avalanche de critiques et de nombreuses crevaisons pour les automobilistes. Les derniers chiffres compilés en 2022 montrent un record de demandes de dédommagements (1116) déposées par des conducteurs contre Montréal, pour des dommages causés par des trous parfois béants.

Malgré les discussions récurrentes, les solutions durables peinent à s’imposer au Québec.

Pourtant, il existe de nombreuses solutions pour construire des routes plus résistantes aux conditions météorologiques, notamment quant aux cycles de gel et de dégel. En plus de rendre nos routes plus résilientes aux changements climatiques, ces solutions s’efforcent aussi de les rendre moins dommageables pour l’environnement, car elles reposent sur le recyclage des matériaux et la réduction des gaz à effet de serre.

Je mène des travaux de recherche dans le domaine de la réhabilitation et des matériaux de chaussées. Ces travaux comportent un important volet expérimental en chantier, couplés à des caractérisations en laboratoire des matériaux étudiés. Je collabore avec plusieurs acteurs de l’industrie et provenant de tous les domaines (villes, municipalités, entrepreneurs et producteurs de matériaux, laboratoire) afin de trouver des solutions concrètes aux problèmes actuels de l’industrie.

Les solutions pour éviter que nos routes soient envahies par les nids-de-poule existent. (matt hoffman OOiAy lBZc Unsplash), CC BY-NC-ND

Des facteurs multiples

Qu’est-ce qui contribue à la création de nos fameux nids-de-poule ?

Il est difficile de répondre à la question, car les nids-de-poule sont créés par la convergence de plusieurs facteurs. Il n’existe donc pas une source unique et universelle à ce problème. Les dégradations peuvent être causées par les fissurations, les infiltrations d’eau ainsi que par la détérioration de la structure de la chaussée. Cela peut être également causé par des matériaux qui ont atteint la fin de leur durée de vie utile.

Les variations de température qui caractérisent le climat québécois contribuent également à exacerber ces dégradations, tout comme les changements climatiques qui augmentent la fréquence des événements météorologiques extrêmes.

Par exemple, la douceur de nos hivers, ces dernières années, l’imprévisibilité des périodes de dégel en janvier ainsi que les pluies anormales en février fragilisent nos routes. Malheureusement, nous ne tenons actuellement pas compte de ces événements météorologiques lorsque nous concevons des routes.

Nos routes étant déjà affaiblies par un manque d’entretien chronique, il suffit d’un événement météorologique hors du commun pour détruire un tronçon de route qui démontrait déjà des faiblesses.

Un nid-de-poule sur la rue Masson, le 13 avril 2024. Il n’existe pas une source unique et universelle au problème des nids-de-poule. Les dégradations peuvent être causées par les fissurations, les infiltrations d’eau ainsi que par la détérioration de la structure de la chaussée. (The Conversation), CC BY-NC-ND

Des matériaux plus adaptés

Il est donc primordial de mieux comprendre la façon dont la chaussée « travaille » lors des périodes de redoux hivernaux ou lorsque des conditions météorologiques imprévisibles, comme une inondation, se produisent. En ayant une meilleure connaissance de l’impact des variations de température sur la structure de la chaussée, nous pouvons améliorer les méthodes de conception de nos routes.

Nous devons également développer des matériaux bitumineux mieux adaptés à la nouvelle réalité climatique propre au Québec. Les recettes de matériaux doivent pouvoir résister aux variations de température et aux précipitations engendrées par les changements climatiques. Des mélanges bitumineux spécifiques peuvent mieux résister aux conditions climatiques extrêmes et réduire, par le fait même, l’apparition des nids-de-poule. Par ailleurs, en intervenant dès l’apparition des dégradations, l’apparition des nids-de-poule peut être retardée, voire empêchée.

Réparer mieux

Nous réparons souvent les routes en hiver afin de parer au plus urgent. Or, la préparation, le matériau utilisé et les conditions météorologiques qui prévalaient lors de la réhabilitation hivernale ont une incidence sur la durée de vie de la chaussée réparée. En fait, il est inutile de recourir aux meilleurs matériaux si les conditions météorologiques ne sont pas favorables à la réparation.

Une fois l’hiver terminé, il faudrait idéalement prendre le temps de réparer plus convenablement la chaussée réparée en urgence durant la saison froide. À l’heure actuelle, nous ne prenons pas le temps de le faire, la priorité étant accordée à la planification des gros travaux.

La prévention : une grande oubliée

Nous ne misons pas suffisamment sur la prévention. Pourtant, un entretien préventif régulier est essentiel pour prolonger la durée de vie des routes. Malheureusement, cette tâche nécessite des investissements à long terme, lesquels sont souvent négligés car le déficit d’entretien est trop important.

D’ailleurs, le rapport du Vérificateur général de novembre 2023 constate qu’une « grande partie des travaux de réhabilitation destinés à favoriser la pérennité du réseau routier ne sont pas réalisés ». L’investissement des sommes annuelles dans la réfection des routes est en deçà de l’augmentation de leur détérioration. Ce même rapport signale qu’au rythme des réparations actuelles, « le rétablissement de l’état de ces chaussées nécessitera plus de 25 ans ».

Ainsi, il faudrait changer nos méthodes de travail, mieux planifier les travaux en prévoyant des travaux préventifs afin de réduire leur dégradation.

Pas seulement au Québec

Contrairement à l’opinion largement répandue, le Québec n’est pas le seul État à devoir composer avec des problèmes d’infrastructures routières. Aux États-Unis, l’enrobé (l’asphalte) est enlevé à certains endroits. On laisse parfois la surface des routes en gravier lorsqu’elles doivent être réparées trop souvent.

Un nid-de-poule en voie d’être comblé à Platteville, au Wisconsin, le 25 mai 2023. La gestion des nids-de-poule est loin d’être unique au Québec. (Jessica Reilly/Telegraph Herald via AP)

Ainsi, il faut aussi se demander s’il est réaliste de garder tout le réseau routier québécois en bon état. Sommes-nous prêts à accepter le fait que certaines portions de routes pourraient être en moins bon état que d’autres ? Est-il réaliste de vouloir les mettre toutes à niveau ?

Le transfert des connaissances

Outre les obstacles techniques, nous aurions tout intérêt à ce que les ingénieurs s’intéressent davantage à l’industrie des infrastructures routières, laquelle leur semble peu attrayante. Plusieurs techniques de réhabilitation (recyclage à froid et à chaud, retraitement sur place, stabilisation des sols) fonctionnent bien. Encore faut-il des gens capables de les appliquer au bon moment.

Les routes doivent donc être réparées au bon moment et avec le traitement approprié à leur état. « C’est un peu en quelque sorte comme un médecin avec son patient, le médecin doit poser un diagnostic, prescrire un traitement adapté, et faire le suivi de santé du patient. Il faut faire la même chose avec nos routes, on doit mieux comprendre leurs besoins et les suivre dans le temps ! »

En plus de prendre en compte le budget disponible et des conditions météorologiques changeantes, nous devons favoriser des matériaux recyclables ainsi que des techniques qui émettent moins de GES que les méthodes traditionnelles.

Parmi ces techniques, notons le retraitement en place avec stabilisation, ou bien le recyclage en place à froid, qui présentent des avantages techniques, environnementaux et économiques. Elles sont cependant peu utilisées au Québec par manque de connaissances de la part de certains acteurs de l’industrie. Notre équipe de recherche à l’ÉTS travaille activement à augmenter le recours à ces techniques par l’industrie.

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