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« Parastronautes » : l’agence spatiale européenne, un exemple pour tous ?

Les critères de sélection des « parastronautes » restent les mêmes que pour des personnes valides : « des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés ». ESA, CC BY-NC-SA

En février dernier, l’agence spatiale européenne (ESA) a lancé une étude de faisabilité afin de recruter des « parastronautes ». Cette étude s’inscrit dans un programme plus large visant à développer la diversité et favoriser l’inclusion de personnes différentes y compris ceux ayant une déficience physique. Pour autant, les critères de sélection restent les mêmes :

« Des individus qui sont psychologiquement, cognitivement, techniquement et professionnellement qualifiés pour être astronaute. »

Évidemment, très peu d’entre nous, en situation de handicap ou pas, deviendront un jour astronautes, mais le signal que l’ESA envoie avec cette démarche est important. Un autre domaine devient accessible et ouvre ainsi de nouvelles perspectives sur le recrutement des travailleurs handicapés et les barrières quotidiennes qu’ils expérimentent.

Si l’exemple de l’ESA peut inspirer les entreprises et leurs managers pour promouvoir l’emploi et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, c’est sans doute autour de trois axes : une remise en cause des stéréotypes et des préjugés, une mise en œuvre plus systématique d’un aménagement raisonnable et une réflexion sur la notion de performance durable.

Adaptations « techniques »

En ce qui concerne la lutte contre les préjugés, des initiatives comme celle de l’ESA apparaissent d’autant plus précieuses que les recherches que nous avons menées montrent que la loi ne suffit pas à modifier les comportements des entreprises et des dirigeants.

Selon le baromètre perception de l’emploi des personnes en situation de handicap de l’Agefiph-IFOP (2020), 62 % des employeurs jugent encore difficile l’embauche de personnes handicapées, bien que ce pourcentage ait diminué de 9 points entre 2018 et 2019.

Dans le cas de l’ESA, des adaptations « techniques » restent en effet possibles tant que celles-ci permettent de garantir la sécurité de la mission et que le « parastronaute » puisse être aussi utile que les autres astronautes. Il appartient donc à l’agence spatiale d’aménager les situations de travail aux spécificités du travailleur handicapé.

Infographie créée pour la campagne de sélection d’astronaute(s) avec un handicap. ESA, CC BY-SA

Ce principe constitue un levier particulièrement efficace pour une meilleure intégration des personnes présentant une déficience physique. En effet, les deux principales causes de discrimination liées au handicap sont d’une part les préjugés dont sont victimes les personnes en situation de handicap et, d’autre part le refus de tenir compte de leurs spécificités.

Actuellement, pour refuser d’embaucher une personne handicapée, un employeur peut se prévaloir « d’une exigence professionnelle essentielle et déterminante » pour ne pas remplir l’obligation légale de mettre en place des aménagements raisonnables permettant aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi.

Le caractère déraisonnable s’apprécie en fonction des coûts financiers (il existe toutefois des aides) ou de l’impact sur l’organisation du travail par rapport à la taille et aux ressources propres de l’entreprise. Néanmoins, si l’ESA peut le faire, le champ des possibles semble s’ouvrir.

Viser une « performance durable »

En matière d’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap, il existe un potentiel de résistance de la part des parties prenantes qui ne voient pas l’urgence ou la nécessité d’un changement. En conséquence, il s’agit de penser à une action à plusieurs niveaux afin de promouvoir le changement et de faire progresser l’agenda de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion. En fait, la loi définit le contexte dans lequel les organisations et les gestionnaires opèrent.

Par la suite, il est important de se concentrer sur le niveau managérial afin de doter les managers des compétences nécessaires pour gérer la diversité et les organisations pour adapter leur culture. L’adhésion et l’engagement des managers peuvent en effet faire la différence dans le processus d’intégration des travailleurs handicapés dans l’entreprise.

Or, il y a aujourd’hui une nécessité « de faire évoluer la culture managériale dans une approche de performance durable qui tienne compte des délais d’adaptation au poste et de la remise en cause des valeurs et croyances » comme le soulignaient les chercheuses Anne Janand, Lidwine Maizeray, Catherine Voynnet-Fourboul dans un article de recherche en 2018.

Nul doute qu’à ce sujet, les « parastronautes » pourront contribuer à lutter contre les préjugés en confirmant ce qu’a encore montré une étude récente de France Stratégie : la performance économique et financière des entreprises n’est pas pénalisée par des investissements favorisant l’embauche des travailleurs handicapés.

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