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Un couple âgé assis, l'homme signant un document, faisant face à une jeune femme
Les notaires pourraient bientôt avoir un rôle à jouer dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir anticipée. Mais sont-ils prêts? (Shutterstock)

Planification anticipée de l’AMM : les notaires sont-ils prêts à leur nouveau rôle ?

Il est impossible de demander de façon anticipée l’aide médicale à mourir (AMM) au Québec. Mais cela s’apprête à changer.

En effet, le 7 juin 2023, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de Loi n°11 concernant les soins de fin de vie. Il autorise les personnes aptes atteintes d’une maladie grave et incurable menant éventuellement à l’inaptitude à consentir aux soins à formuler une demande anticipée d’AMM. Elles pourraient ainsi en bénéficier une fois devenues inaptes. Par exemple, une personne diagnostiquée avec la maladie d’Alzheimer pourrait se prévaloir de ce droit.

Lors de l’étude détaillée du projet du projet de loi n°11, la Chambre des notaires du Québec (CNQ) a conseillé que les demandes anticipées d’AMM soient formulées uniquement par acte notarié. Bien que cette recommandation n’ait pas été retenue, l’article 29.10 du projet de loi n°11 mentionne les notaires comme faisant partie des professionnels compétents pouvant verser une demande anticipée d’AMM dans le registre.

Mais sont-ils prêts ?

Nous sommes une équipe de recherche interuniversitaire comprenant des expertes en droit, en notariat, en soins palliatifs et en santé communautaire. Nous avons réalisé 25 entrevues avec des notaires pratiquant au Québec dans l’objectif d’explorer leur pratique professionnelle concernant la planification anticipée des soins. Les notaires participants ont en moyenne 12 ans de pratique et les trois-quarts sont des femmes. Ils sont établis dans un total de 10 régions administratives.


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Les notaires interviennent déjà

Depuis 1989, les notaires interviennent dans la planification anticipée des soins.

En effet, il est possible d’effectuer devant notaire un mandat de protection (anciennement mandat en cas d’inaptitude) dans lequel un mandataire est désigné, et où des volontés de fin de vie sont indiquées afin de guider le mandataire. De plus, depuis le 10 décembre 2015, une personne majeure et apte peut rédiger des directives médicales anticipées (DMA) au moyen d’un formulaire qui est ensuite versé dans un registre géré par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Ce formulaire peut être rempli devant deux témoins ou encore par acte notarié en minute.

Flou autour de l’acharnement thérapeutique

Selon les notaires participants à notre enquête et enregistrant déjà les volontés de fin de vie de leurs clients, la vaste majorité d’entre eux s’opposent à l’acharnement thérapeutique et souhaitent l’indiquer dans leur mandat de protection.

Or, cette notion d’acharnement thérapeutique est fort vague et n’est pas définie médicalement. Devant ce flou, des notaires ont exprimé que certains clients voudraient ajouter des précisions supplémentaires, mais qu’ils leur recommandent alors de consulter un médecin étant donné leur manque de connaissances médicales.

Compléter des directives médicales anticipées : une pratique qui divise

Certains notaires font activement la promotion des DMA et proposent d’emblée le service à leurs clients qui complètent un testament ou un mandat de protection.

D’autres, au contraire, refusent de compléter des DMA puisqu’ils ne perçoivent pas de plus-value à leurs services. En effet, étant donné leur manque de connaissances médicales, ils ne se sentent pas outillés pour répondre adéquatement aux questions de leurs clients sur les situations cliniques et les cinq soins mentionnés dans les directives médicales anticipées. Ils conseillent alors à leurs clients de compléter leurs DMA devant témoins.

D’autres ont été informés par des clients, ou lors de formation, que les DMA n’étaient pas consultées systématiquement par les médecins.

Besoin criant de formation et de collaboration avec le domaine médical

Malgré certaines divergences, un élément fait l’unanimité chez les notaires participants, soit le besoin criant de formation, notamment à la lumière de l’entrée en vigueur des demandes anticipées d’AMM.

Des notaires participants vont même jusqu’à suggérer que seuls les notaires accrédités ou spécialisés devraient avoir le droit de participer au processus entourant les demandes anticipées d’AMM. En fait, ils craignent que sans formation, des notaires refusent de s’investir dans cette pratique, alors même que l’intérêt de la clientèle est très fort.

De nombreux notaires ont le sentiment de communiquer des informations imprécises à leurs clients et se questionnent sur la manière dont les volontés de fin de vie qu’ils enregistrent sont actualisées dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Une formation conjointe avec des professionnels de la santé et des services sociaux pourrait permettre aux notaires de prodiguer des conseils éclairés à leurs clients et d’être plus à l’aise avec la partie de leur travail qui touche à la planification anticipée des soins.

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