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Des kayakistes naviguent sur une rivière tranquille en pleine nature.
Au Québec, comme dans toutes les provinces, on note une augmentation de la demande pour des activités de plein air comme le kayak ou le camping. Shutterstock

Tourisme en temps de pandémie : les villes délaissées au profit de la nature

La haute saison touristique approche à grands pas et elle risque fort de ressembler à celle de l’an dernier avec très peu de touristes internationaux, beaucoup de touristes locaux, un peu de ville, mais plus de nature.

Si les assouplissements des mesures sanitaires devaient mener à un certain regain de popularité des destinations urbaines, les contraintes qui demeureront (distanciation, limites de rassemblement) devraient continuer à favoriser les destinations de plein air.

Une de nos études en cours sur le tourisme en temps de pandémie nous a permis d’établir plusieurs constats sur la situation touristique canadienne.

L’an dernier, au Canada, les restrictions de voyages internationaux pour gérer la propagation de la Covid-19 ont eu des impacts immédiats avec une baisse de plus d'un demi-million de touristes internationaux au mois de mars 2020, soit 92 % de moins qu’à la même période en 2019.

Cette baisse s’est prolongée depuis l’été 2020, notamment à cause des restrictions et contraintes additionnelles mises en place par le gouvernement fédéral.

Arrivées mensuelles de touristes internationaux au Canada, 2019-2020
Arrivées mensuelles de touristes internationaux au Canada, 2019-2020. Compilation des auteurs à partir de Statistique Canada, Tableau 24-10-0041-01

En contrepartie, devant les restrictions et les contraintes, environ 20 millions de voyages internationaux enregistrés en 2019 pour des motifs de vacances et de loisirs étaient susceptibles d’être transférés vers des destinations intérieures en 2020.

Les voyageurs restent chez eux

Une partie de ce transfert s’est bien sûr réalisée, alors que la part des Canadiens qui ont choisi de visiter des destinations intérieures pour des motifs de vacances et de loisirs a augmenté de 4,4 %. Cela n’est pas surprenant étant donné que, même avant la pandémie, la grande majorité des voyageurs au Canada étaient déjà des Canadiens qui voyageaient surtout dans leur province de résidence.

Par exemple, en 2019, les voyages domestiques représentaient 89,2 % des voyages touristiques totaux au Canada.

Par contre, cette propension à voyager « localement » s’est accentuée avec la pandémie alors que les parts des voyages intraprovinciaux ont augmenté substantiellement en 2020. Par exemple, pour l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, ces parts sont passées en moyenne à près de 94 %.

Ce transfert vers des destinations locales a contribué à augmenter la part du tourisme intérieur dans les dépenses touristiques totales canadiennes de 78,4 % en 2019 à 92,7 % en 2020. Il n’a toutefois pas permis de compenser entièrement les pertes associées à l’absence de touristes étrangers, qui sont habituellement moins nombreux en proportion, mais qui dépensent davantage. Ainsi, les dépenses touristiques au Canada sont passées de 105,1 milliards de dollars en 2019 à 53,4 milliards de dollars en 2020, soit une chute de 49,2 %.

Les villes se vident

Les métropoles comme Montréal et Québec, qui sont des destinations touristiques majeures en temps normal et des portes d’entrée importantes pour le tourisme international, ont connu des baisses marquées de touristes (surtout étrangers) et des dépenses touristiques.

Ces baisses s’expliquent notamment par la baisse des visites dans la famille ou chez des amis ainsi que la baisse de fréquentation des restaurants, bars, magasins, festivals, évènements culturels, musées, galeries d’art, évènements sportifs et sites touristiques.

Les 10 motifs de voyage domestique ayant connu les plus fortes baisses en 2020 au Québec
Les 10 motifs de voyage domestique ayant connu les plus fortes baisses en 2020 au Québec. Compilation des auteurs à partir des données de l’Enquête nationale sur les voyages de Statistique Canada

Ainsi, en 2020, Montréal a vu son nombre de visiteurs internationaux chuter de 94 % par rapport à 2019 avec l’annulation des festivals, congrès et conférences. La métropole a connu son plus bas taux d’occupation des établissements hôteliers, soit environ 15 %.

À Québec, l’annulation du Festival d’été de Québec, qui génère à lui seul près de 136 000 nuitées en hébergement a privé la Ville de 30 millions de dollars. Ces difficultés ont aussi été vécues par d’autres métropoles canadiennes comme Toronto, Vancouver et Ottawa.

Le plein air a la cote

Par contre, plusieurs destinations de plein air, à l’extérieur des grands centres urbains, ont profité de la hausse du tourisme intérieur. Cela leur a permis de compenser de façon importante la perte de touristes internationaux l’été dernier. Au Québec, comme dans les autres provinces, on note une augmentation des voyages dont les motifs sont la visite de parcs nature, les randonnées, le canot ou le kayak, le camping, les observations de la faune et des oiseaux, le golf, la pêche, les plages et le vélo.

Les 10 motifs de voyage domestique ayant connu les plus fortes hausses en 2020 au Québec
Les 10 motifs de voyage domestique ayant connu les plus fortes hausses en 2020 au Québec. Compilation des auteurs à partir des données de l’Enquête nationale sur les voyages de Statistique Canada

Des destinations (trop) populaires

Devenues populaires, ces destinations situées à l’extérieur des grands centres urbains n’avaient cependant pas toutes les mêmes capacités d’accueil dans un contexte de pandémie.

Certaines avaient des capacités suffisantes en termes d’espace, d’hébergement et de services. C’est le cas des destinations de plein air à proximité des grands centres, qui ont pu gérer des flux touristiques plus importants, minimisant ainsi les impacts négatifs de la pandémie.

Au Québec, par exemple, des destinations comme Bromont et Mont-Tremblant ont pris des mesures particulières pour faire face à une nette augmentation de la demande, dont l’assouplissement des règles urbaines pour permettre aux restaurateurs d’installer des terrasses sur rue.

Par contre, d’autres destinations prisées comme Gaspé, Rawdon et Val-David ont été saturées et ont eu maille à partir avec des hordes de touristes peu respectueux. Cette saturation s’est manifestée de plusieurs façons : augmentation importante de la congestion routière, problèmes de stationnement, non-respect des mesures sanitaires, saccage de certains lieux publics et plaintes des résidents locaux.

Une plage à Percé, en Gaspésie, avec le rocher percé en arrière-plan
Certaines destinations touristiques très prisées ont eu maille partir avec des hordes de touristiques irrespectueux. Une plage à Percé, en des temps plus cléments…. Shutterstock

L’affluence de trop nombreux touristes a aussi causé des pénuries de produits alimentaires et utilitaires dans certaines régions. D’autres exemples de ces problèmes ont été recensés ailleurs au Canada, notamment à Glen Morris, Grey Sauble, Niagara-on-the Lake et Northern Bruce ainsi qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Écosse.

Une nouvelle « géographie du tourisme »

À l’aube de la prochaine saison touristique, les gouvernements doivent intervenir en fonction de cette nouvelle « géographie du tourisme » en temps de pandémie.

Certaines mesures ont déjà été prises et il importe de les poursuivre. On pense notamment aux programmes fédéraux d’aide financière qui visent à limiter les pertes des opérateurs touristiques et leur permettre de poursuivre leurs activités. Le Québec a également adopté de nombreuses mesures pour soutenir les entreprises touristiques.

Ces programmes sont d’une importance capitale pour des villes comme Montréal et Québec, où les pertes économiques ont été les plus élevées. Ces programmes se traduisent notamment par des subventions salariales et de loyers et par un accès facilité au crédit.

Établir des limites

De plus, les gouvernements doivent continuer à financer la promotion du tourisme domestique pour des destinations récréotouristiques moins achalandées afin de désengorger celles qui sont aux prises avec une affluence excessive de touristes.

Les municipalités doivent aussi établir des limites acceptables liées à leur capacité d’accueil. Elles pourraient, par exemple, limiter le nombre d’espaces de camping à proximité d’attraits touristiques, comme à Gaspé ou restreindre l’accès à certains sentiers ou parcs comme à Sainte-Adèle et Piedmont.

L’interdiction de convertir des résidences privées en hébergement touristique, comme à Percé, peut aussi être considérée. Ce type d’initiatives permettrait non seulement de respecter l’environnement, mais aussi la qualité de vie des résidents.

Pour être efficaces, de telles mesures devront faire l’objet d’un suivi serré, par exemple en augmentant le nombre d’agents de surveillance, comme ce que propose la Ville de Gaspé. Les règlements en vigueur devront être appliqués, notamment en ce qui a trait aux amendes.

L’utilisation des technologies numériques fait aussi partie des mesures à encourager chez les opérateurs touristiques, car elles peuvent améliorer la gestion en amont de l’affluence de touristes. Il s’agit, entre autres, de moderniser les sites web, d’installer des compteurs ou capteurs pour faciliter la distanciation, de créer des plates-formes transactionnelles ou de développer des applications mobiles.

En somme, la popularité de certaines destinations touristiques lors de la pandémie a amené des occasions à saisir. Une gestion efficiente des flux touristiques est d’autant plus importante dans un contexte où plusieurs régions visent à attirer de nouveaux résidents et de nouvelles entreprises sur leur territoire.

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