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Accès à l’université et financement de l’enseignement supérieur et de la recherche : que faire ? (épisode 3)

Comment accueillir tout le monde ? Camille Stromboni / Flickr, CC BY-SA

Troisième épisode de l’état des lieux et propositions sur l’université en particulier, et l’enseignement supérieur et la recherche en général. (retrouvez le premier épisode et le deuxième épisode).

Les propositions communément discutées concernant l’université

Les uns ne jurent que par la sélection des étudiants – comme garantie de qualité de niveau scolaire et donc de réussite – et les autres la rejettent puisqu’elle rompt l’égalité d’accès et provoque un biais sociologique majeur rarement discuté. Le tirage au sort : tout le monde s’accorde à dire que c’est stupide. Les frais d’inscription : les uns promeuvent leur augmentation – gage de pérennité du financement des universités – quand les autres crient aux inégalités, argument rejeté par les premiers puisqu’il existe des bourses, regardez aux USA… Justement répondent les seconds. Filières en tension : « Ouvrez donc des places ! » disent les uns. « Donnez des moyens pour cela » disent les autres : « Une place à l’université ne se fabrique pas comme une place de parking ».

La plupart des arguments sont recevables, quoique. Mais il me semble vain de les opposer systématiquement. Un peu comme si l’on demandait à un enfant s’il préfère l’un de ses deux parents. Comme dans la réalité d’un monde complexe, chaque argument a ses aspects positifs et négatifs. Il importe donc de « lever les dégénérescences » (comme certains d’entre nous, physiciens, le disent), c.-à-d. de faire apparaître des distinctions claires, en vue d’effectuer des choix politiques en toute connaissance de cause.

Financement des universités

Le fait que les universités soient sous-dotées en budget par étudiant, malgré des efforts de l’État, demeure le point central. Sauf erreur de ma part, ce point est rarement abordé dans le débat public. J’aborderai ce point dans les pistes de réflexion.

Massification ou démocratisation de l’accès au supérieur

Des rapports montrent l’intérêt d’une société à avoir de nombreux diplômés du supérieur. Les réformes du baccalauréat visant notamment à avoir 80 % de réussite, et celles en cours tendant vers le but 50 % de réussite à bac+3 sont appelées massification ou démocratisation d’enseignement supérieur, selon qu’on déplore ou qu’on promeut cette politique. La France est en quelque sorte championne dans le domaine puisqu’elle est 6e des pays de l’OCDE (en 2013) à avoir plus de jeunes diplômés (25-34 ans) que de vieux diplômés (55-64 ans), illustrant ce mouvement d’un meilleur accès à l’université. Les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, souvent cités comme exemples, sont derrière. Revers de la médaille : la France est effectivement en retard pour l’accès au supérieur et en nombre de diplômés du supérieur, retard qui est donc en train d’être comblé. La question qui demeure est la qualité de l’accueil des étudiants en terme de locaux et de taux d’encadrement d’enseignants-chercheurs et de personnel non-enseignant.

Augmentation des frais d’inscription

Souvent entendu comme argument que je qualifierais de facile et démagogique, il est typique du débat piégé : arguments faciles à comprendre (alors que la réalité est complexe), présence de nombreux sous-entendus, et importance du positionnement dogmatique et politique personnel. Ce débat ressemble d’ailleurs à celui sur l’école (pré-élementaire ou maternelle, élémentaire, collège, lycée) en général dans lequel chacun a un avis, souvent tranché.

Une étude, probablement la plus complète, montre que

« les frais d’inscription, de même que la quasi-gratuité de l’accès à l’enseignement supérieur, ne permettaient pas, seuls, de garantir un modèle d’enseignement supérieur équitable, efficient et efficace en termes de financement, ou de s’en approcher » (Falcher, Harari-Kermadec, Moulin, 2016).

Les auteurs poursuivent :

« Nous avons également montré que la mise en place de frais d’inscription ne permettait pas nécessairement de rétablir l’équité : il faudrait, pour cela, que les contributions soient progressives et que les compensations financières en direction des classes moins favorisées soient suffisantes. Ce qui n’est pas et, à notre connaissance, n’a jamais été le cas à l’étranger. »

La STRANES abonde en ce sens en 2015, avec la nuance qui s’impose dans ce débat :

« Tous ces éléments montrent que la question du modèle économique est plus complexe qu’elle ne pourrait apparaître au premier abord. Ils expliquent aussi la diversité des modèles choisis par les États européens telle qu’elle ressort de la dernière étude Eurydice sur ce sujet (9 pays sur 33 étudiés n’ont aucun droit d’inscription), sans que l’on puisse réellement établir de façon abstraite et indépendamment du contexte national la supériorité d’une option par rapport à une autre. On peut enfin observer qu’un pays comme l’Allemagne, dont les choix sont souvent cités en exemple, a récemment supprimé les droits d’inscription après les avoir introduits en 2007, et qu’aux États-Unis, le Président Barack Obama vient d’annoncer son intention de rendre gratuites deux années d’études au sein des “community colleges”. »

Enfin, avec des frais d’inscription élevés, des rapports pernicieux peuvent s’instaurer. Comme l’évoquent mes collègues aux USA, des étudiants viennent parfois se plaindre de leurs mauvaises notes et disent que « leurs familles ont payé les enseignants assez cher » pour qu’ils soient en droit d’avoir de bonnes notes et leur diplôme. Des frais élevés deviennent alors presque des « droits » d’achat du diplôme. Les « étudiants-clients » peuvent aussi être amenés à évaluer négativement leurs enseignants suite à une mauvaise note. Vu l’importance du système d’évaluation sur les carrières, cela peut pousser des enseignants à un peu de démagogie.

Manifestation étudiante à Nantes. MC/Visual Hunt, CC BY-SA

Filières en tension, échec en Licence, sélection des étudiants à l’entrée de l’université

Le tirage au sort étant, heureusement, sur le point d’être évacué pour prendre les étudiants à l’entrée de l’université dans les filières en tension, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le gâchis qu’a provoqué cette loterie, ainsi que le gâchis constaté du fort taux d’échec en Licence.

L’idée de la sélection refait surface, pour à la fois diminuer le nombre d’étudiants dans ces filières très demandées, et pour augmenter le taux de réussite en Licence. Outre un problème légal de non-accès au supérieur, la sélection systématique aurait des implications sociales majeures pour les jeunes refusés d’accès au supérieur. D’autres solutions sont proposées, comme celle d’imposer des prérequis pour entrer dans les filières universitaires. Plus raisonnable, cette méthode mettrait néanmoins plusieurs années à se mettre en place, notamment pour ne pas léser les élèves qui sont déjà au lycée, et ne règle pas totalement la question des bacheliers non affectés.


Je proposerai dans l’épisode 4 des pistes de réflexion et des suggestions de choix politiques.

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