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Accord sur le climat : la France et l’Europe condamnées à jouer les seconds rôles

François Hollande, à l’ouverture de la COP21. Philippe Wojazer/Reuters

La conférence climatique qui se tient en ce moment sur le site de Paris-Le Bourget constitue le plus grand événement diplomatique jamais accueilli en France, même si les 40 000 personnes dont on prévoyait la venue avant les attentats du 13 novembre ne seront pas toutes présentes.

C’est François Hollande qui avait proposé, en septembre 2012, la tenue de cette réunion exceptionnelle, afin de « parvenir à un accord global sur le climat en 2015 ». De ce point de vue, ce sera un succès : les 195 États présents plus l’Union européenne (les « parties » signataires de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques de 1992) devraient valider le 11 décembre, à l’unanimité ou par consensus (les deux voies sont possibles), l’« Accord de Paris ».

Washington et Pékin à la barre

Il n’y aura cependant pas lieu de trop bomber le torse. L’empreinte de la France, comme celle de l’Union européenne, dont elle coordonne les positions, sera faible ; ni l’une ni l’autre n’ont les moyens de faire prévaloir leur point de vue ou leurs préférences. La colonne vertébrale de l’accord attendu à Paris est déjà connue. Elle a été préemptée, hors du continent européen, par le G2 climatique États-Unis/Chine. L’accord, contrairement aux attentes répétées du président Hollande et à la position de l’Union européenne, ne sera pas juridiquement contraignant, du moins sur l’essentiel, c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions.

Les États-Unis ont été les premiers pays à faire connaître, le 12 février 2014, leurs propositions pour la conférence : premièrement, un accord sur des politiques strictement nationales, en lieu et place d’une grande construction internationale du type protocole de Kyoto ; deuxièmement, non plus des engagements, mais des « contributions nationalement déterminées », c’est-à-dire des promesses de réduction des émissions laissées à l’appréciation de chaque pays, selon son stade de développement, ses contraintes et possibilités d’action. Ces contributions, modestes, seront révisées périodiquement (la première fois, en 2025) et progressivement augmentées (c’est ce qui est espéré) par degré.

La Chine marquera son accord total avec toutes les revendications des pays en développement à Paris. Mais elle se trouve sur la même ligne que les États-Unis concernant la colonne vertébrale des politiques à conduire. L’accord climatique États-Unis/Chine, signé le 12 novembre 2014 et préparé depuis plusieurs années par une diplomatie américaine très active, peut être analysé comme une sorte de déclaration officielle de leadership, de cogouvernance de la planète, sur les bases voulues par ce G2 climatique. De surcroît, l’acceptation de politiques nationales, d’ambitions variables et hétérogènes, est manifestement le (plus petit) dénominateur commun à la majorité des pays pour parvenir à la signature d’un accord. La France et l’Union européenne n’y pourront rien.

Barack Obama et son homologue chinois Xi Jinping, deux poids lourds de la diplomatie climatique mondiale. Kevin Lamarque/Reuters

Un accord « contraignant » a minima

Le 2 novembre, depuis Pékin, le président Hollande, se félicitait d’une déclaration commune avec son homologue Xi Jinping, aux termes de laquelle la Chine s’engageait pour un « accord juridiquement contraignant » à Paris, avec des objectifs revus tous les cinq ans : « un pas majeur », déclarait Hollande. Non, un petit pas. Le plus grand a déjà été fait, de concert, par les États-Unis et la Chine.

La forme juridique que prendra l’Accord de Paris demeure imprécise. Mais, là encore, le poids des États-Unis pèse déjà. Ce ne sera pas un protocole – qui demande à être ratifié par les parlements nationaux, opération inenvisageable pour Washington, où une telle ratification exigerait ce que l’on appelle une « super majorité » des deux tiers des 100 sénateurs, impossible à réunir. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ainsi que le président Hollande, militent avec force pour l’obtention d’un « accord global contraignant ». Quant à l’Union européenne, elle souhaitait toujours, lors de la présentation de sa contribution chiffrée pour Paris, le 6 mars 2015, que le futur accord soit juridiquement contraignant et prenne, de préférence, la forme d’un protocole à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Au vu des positions déjà connues des grands acteurs de la négociation, on voit mal comment il pourrait en aller ainsi. En juillet 2015, Todd Stern, le négociateur américain pour le climat, indiquait que son pays soutiendrait que les mesures de transparence, de communication et de reporting des contributions de chacun soient « légalement contraignantes », mais qu’il s’opposerait à ce que les objectifs de réduction, eux, le soient.

La Chine est à peu près sur la même ligne : dans sa contribution pour la conférence de Paris, annoncée le 30 juin 2015, elle s’est prononcée pour un accord « légalement contraignant », mais elle semble entendre par là uniquement le fait de lister séparément les contributions des pays développés et en développement dans les décisions de la conférence. Les subtilités langagières seront à préciser, mais le vocable binding (contraignant) figurera dans la version en anglais de l’accord de Paris. Les États-Unis et la Chine – à leurs conditions –, n’y feront pas obstacle. Mais il n’obligera pas à grand-chose. Un compromis a minima dont la présidence française de la COP21 devra se satisfaire.

L’Union européenne paralysée

Il y a plus désolant. La période d’engagement initial du protocole de Kyoto – pierre d’angle de la politique climatique européenne – a pris fin en décembre 2012. L’Union européenne a obtenu, lors de la Conférence de Durban en 2011 (COP17), l’acceptation de la prorogation de celui-ci jusqu’en 2020. L’officialisation du prolongement de Kyoto est cependant toujours en attente. Le protocole a été signé par 192 pays. Pour qu’il soit officiellement prorogé, il faut que les parlements de 75 % au moins des signataires, soit 144 États, aient ratifié cette prorogation (en termes onusiens, le Doha Amendment to the Kyoto Protocol).

À l’ouverture de la COP, quatre années après Durban, 54 pays seulement avaient ratifié l’Amendement de Doha. Le Parlement français a bien autorisé, le 18 décembre 2014, le prolongement de Kyoto. Mais, le 27 octobre dernier, le président conservateur polonais Andrzej Duda a opposé, lui, son veto à cette ratification.

Le résultat est là : l’Union européenne se trouve paralysée et ses 28 pays sont absents de la liste de ceux ayant officiellement ratifié (à la date du 30 novembre 2015) le prolongement de Kyoto. Il semble très compliqué de décider depuis Bruxelles, et tout particulièrement pour ce qui est de l’attitude adoptée par Varsovie. Sur ce point qui fâche, rien ne sera dit à Paris… C’est peut-être mieux pour la crédibilité de la diplomatie climat du Vieux Continent.

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