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Photos de gens se promenant en forêt
Lors des promenades en forêt, mieux vaut porter des vêtements couvrants de couleur claire, pour mieux repérer les tiques. Steffan Mitchell / Unsplash

Au-delà de Lyme : les autres maladies transmises par les tiques

Sur les 900 espèces de tiques que l’on trouve dans le monde, une quarantaine vit en France.

La plus connue d’entre elles est probablement la tique Ixodes ricinus, largement médiatisée en raison de son rôle dans la propagation de la maladie de Lyme. En revanche, on sait peut-être moins que cette espèce transmet également d’autres maladies, et que d’autres tiques peuvent également piquer l’être humain, quoique plus rarement.

Petit inventaire des tiques « françaises » et des problèmes qu’elles peuvent causer.


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Les tiques les plus importantes pour la santé humaine en France

Les tiques se répartissent en deux familles principales, les tiques dures (ou Ixodidae) et les tiques molles (ou Argasidae). Mais qu’elles soient dures ou molles, une fois sorties de leur œuf, toutes se développent de la même façon, en passant par trois étapes, ou stases : la larve, la nymphe et l’adulte (mâle ou femelle).

Face dorsale des principaux genres Ixodidae (tiques dures) et Argasidae (tiques molles) d’importance médicale et vétérinaire en France. Photos de la collection personnelle JM Berenger, URMITE, Marseille, Author provided

Entre chaque stase, un repas sanguin est nécessaire pour induire la mue qui permettra de passer à l’étape suivante. C’est à ce moment que les tiques peuvent, si elles se nourrissent sur un animal infecté, acquérir un micro-organisme potentiellement pathogène (parasite, virus ou bactérie). Elles deviennent alors susceptibles de le transmettre à un nouvel hôte, animal ou humain, lors du repas de sang suivant.

Les tiques molles piquent rarement l’être humain. La tique du pigeon, Argas reflexus, est celle qui est le plus souvent incriminée. Cette tique prend un repas sanguin court, généralement la nuit. Jusqu’à présent, son implication dans la transmission de maladies à l’homme n’a pas été démontrée. En revanche, sa salive peut induire des chocs anaphylactiques, autrement dit des réactions allergiques violentes lesquels peuvent entraîner des pertes de connaissances, voire nécessiter une prise en charge en réanimation.

En ce qui concerne les tiques dures, les genres les plus importants sont : Ixodes, Dermacentor et Rhipicephalus (Figure 1). Leurs repas, plutôt pris en journée, sont longs : ils durent de 3 à 10 jours. Ces tiques sont vectrices d’un grand nombre d’agents potentiellement infectieux : des bactéries (Borrelia, Anaplasma, Rickettsia…), des virus tels que le virus de l’encéphalite à tique voire des parasites comme Babesia.


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Les maladies à tiques sont en majorité des zoonoses : les agents infectieux qui les causent sont transmis à l’être humain à partir des animaux. Cette transmission est « accidentelle », dans le sens où l’humain n’est pas habituellement un hôte de ces micro-organismes ; se retrouver dans notre corps signifie pour eux arriver dans une impasse, puisque nous ne faisons pas partie de leur cycle de reproduction.

Ixodes ricinus et ses bactéries

Exemple d’un écosystème apprécié par la tique Ixodes ricinus. Nathalie Boulanger, Author provided

Ixodes ricinus est la tique la plus largement répandue sur le territoire français : elle n’est absente que du pourtour méditerranéen, trop sec. Elle apprécie en effet les biotopes humides et frais, notamment les forêts mixtes à feuilles caduques, où on la trouve bien protégée par l’humus formé par les feuilles mortes.

Cette tique pique plus de 300 animaux différents, dont des lézards, des oiseaux,des petits et de grands mammifères (rongeurs et cervidés notamment). De ce fait, il n’est pas surprenant qu’elle transmette une grande variété d’agents potentiellement infectieux pour l’être humain.

La borréliose de Lyme ou maladie de Lyme est la plus répandue et la plus connue, mais I. ricinus peut aussi transmettre d’autres agents infectieux à l’origine de diverses pathologies :

  • L’anaplasmose granulocytaire humaine : Parmi les différentes espèces de bactéries appartenant au genre Anaplasma, A. phagocytophilum, est celle qui a le plus d’importance clinique. Elle est en effet responsable de l’anaplasmose granulocytaire humaine, maladie décrite pour la première fois en 1994, sur la côte est des États-Unis. Après une période d’incubation variant d’une à trois semaines après la piqûre d’une tique infectée, la maladie se manifeste par une fièvre, fréquemment accompagnée de frissons, d’un état de malaise ou de douleurs articulaires et musculaires, associées à des maux de tête.

    Cette pathologie semble être cosmopolite des régions tempérées, puisqu’elle est décrite non seulement chez l’être humain, mais également chez l’animal, en Europe aussi bien qu’en Asie, aux États-Unis ou en Australie. Les prévalences de la bactérie varient d’un pays à l’autre et d’une espèce de tique à l’autre, avec des taux compris entre moins de 1 % et 20 % chez I. ricinus en Europe de l’Ouest. En France, les tiques sont infectées à 1-2 %, et les infections humaines se produisent essentiellement dans l’Est de la France (moins de 10 cas par an).

  • Les fièvres récurrentes à tiques : ces maladies sont provoquées par des bactéries appartenant au genre Borrelia (genre auquel appartient aussi l’agent de la maladie de Lyme, Borrelia burgdorferi). Si les micro-organismes responsables des fièvres récurrentes sont principalement transmis par les tiques molles du genre Ornithodoros, I. ricinus peut également propager cette Borrelia, notamment Borrelia miyamotoi, qui semble surtout affecter les personnes immunodéprimées]. En France, les tiques ont en moyenne un taux d’infection de 1 à 2 %.

  • La neoehrlichiose : I. ricinus peut transmettre une bactérie dont le principal réservoir est constitué par les rongeurs : Neoehrlichia mikurensis. La maladie résultante se traduit notamment par des fièvres nocturnes et des douleurs musculaires. Bien que de rares cas humains d’infections aient été décrits, la bactérie N. mikurensis est actuellement considérée comme un pathogène émergent.

Toutes ces infections bactériennes si elles sont bien diagnostiquées se soignent par un traitement antibiotique.

Le virus de l’encéphalite à tique

Les tiques I. ricinus transmettent également un virus appartenant au genre Flavivirus, le TEBV (Tick-borne encephalitis). Celui-ci est responsable de l’encéphalite à tiques. Trois sous-types de ce virus existent en Eurasie qui peuvent être plus ou moins virulents.

Les infections à TBEV représentent la plus importante maladie neuro-invasive transmise par les tiques en Europe et Asie, avec plusieurs milliers de cas humains par an. Dans les pays où il est présent, ce virus a la particularité d’être localisé sous forme de microfoyers plus ou moins stables, initiés à partir de cas humains autochtones.

Photos de tiques Ixodes ricinus (mâle et femelle)
Ixodes ricinus mâle (en bas) et femelle (en haut). Nathalie Boulanger, Author provided

Sur le continent européen, le TEBV infecte 0,1 à 1,22 % des tiques, selon les pays, les zones étudiées et les stases de tiques analysées ; les taux d’infection sont de ce fait relativement faibles (moins de 0,5 %). L’encéphalite à tiques semble toutefois en augmentation tant en France, où cette maladie est à déclaration obligatoire depuis juin 2020 (une vingtaine de cas par an), que dans les pays limitrophes, notamment la Suisse.

De nombreux animaux constituent des réservoirs compétents pour le TEBV : les animaux sauvages de type micromammifères (mulots, campagnols), renards, sangliers, cerfs, mais aussi les animaux domestiques (chèvres, vaches, moutons et chiens).

Outre les piqûres de tiques, les infections à TEBV peuvent se contracter en mangeant des produits lactés crus (fromages, lait) provenant d’animaux domestiques infectés. Quarante-deux cas ont ainsi récemment été identifiés dans l’Ain suite à la consommation de fromage de chèvre au lait cru.

Soulignons qu’un vaccin efficace existe pour cette infection virale.

Les parasites transmis par Ixodes ricinus : des cas rares, mais graves

La tique I. ricinus peut transmettre aussi à l’être humain des parasites du genre Babesia. Plus de 100 espèces de ces protozoaires ont été décrites, les plus problématiques en matière de santé humaine étant B. microti et B. divergens, ainsi que B. venatorum. Les hôtes naturels réservoirs de ces trois espèces sont respectivement les rongeurs, les bovins et les cervidés.

Ces parasites provoquent des maladies appelées babésioses ou piroplasmoses, qui se traduisent par de la fièvre, un ictère (jaunisse), une anémie et une hémoglobinurie (présence d’hémoglobine dans les urines). Ces symptômes résultent du mode de reproduction du parasite, qui a lieu dans les globules rouges, provoquant leur destruction.

Les cas de babésiose humaine sont rares, et concernent principalement des individus immunodéprimés. Leur issue est en revanche souvent fatale (40 % de mortalité). Deux cas d’infections à B. divergens ont été décrits chez des patients immunocompétents en 2009 dans l’Est de la France. Soulignons que la contamination peut également survenir par transfusion sanguine.

Les tiques Dermacentor et Rhipicephalus et leurs agents infectieux

D’autres tiques que les tiques appartenant au genre Ixodes peuvent aussi transmettre des agents pathogènes. C’est le cas des tiques Dermacentor marginatus et Dermacentor reticulatus.

La tique Dermacentor s’installe parfois au niveau du cuir chevelu. Author provided

La première apprécie les zones ouvertes, les clairières et les forêts. Elle supporte la chaleur, ce qui explique qu’elle soit répandue sur le pourtour méditerranéen. La seconde vit plutôt dans les régions au climat continental. Elle se retrouve surtout sur le chien et les moutons notamment, mais peut aussi piquer l’être humain, le plus souvent au niveau du cuir chevelu. Ce sont principalement les tiques femelles qui sont impliquées, car les nymphes et les larves vivent dans les terriers des animaux : le risque de rencontre est donc extrêmement faible. Cette tique semble en recrudescence dans notre environnement suite à la modification des écosystèmes : elle pique de plus en plus souvent l’être humain.

Une autre tique, Rhipicephalus sanguineus, est particulièrement inféodée au chien. Surtout répandue dans les régions à climat chaud et hivers doux, cette espèce se retrouve dans les niches, les chenils, les murs extérieurs, voire à l’intérieur des habitations. Toutes ses stases sont susceptibles de piquer l’être humain.

En France, les tiques Dermacentor et Rhipicephalus sont vectrices de maladies appelées rickettsioses, causées par des bactéries (les rickettsies). La rickettsiose la plus fréquente en Europe actuellement est le TIBOLA (tick-borne lymphadenopathy). Cette maladie se traduit par l’apparition de ganglions et d’une escarre à l’endroit de l’inoculation, après une semaine en moyenne (l’incubation peut durer de 1 à 15 jours). Il n’y a pas toujours de fièvre, mais souvent des maux de tête.

Une autre rickettsiose, la fièvre boutonneuse méditerranéenne sévit dans le sud de la France, où elle est transmise par R. sanguineus (quelques dizaines de cas par an). Ses symptômes sont une fièvre élevée, des maux de tête, des douleurs musculaires et une toux sèche. Des taches rouges apparaissent sur le tronc et les membres. Cette maladie est généralement bénigne, mais des cas sévères, avec défaillance de plusieurs organes ont été rapportés (surtout au Portugal). Elle sévit aussi ailleurs en Europe, ainsi qu’en Asie et en Afrique.

Enfin, une autre tique, Hyalomma marginatum, est particulièrement surveillée sur le plan épidémiologique en Europe. Elle a été très médiatisée en 2019, car elle transmet le virus responsable de la fièvre hémorragique Crimée-Congo. Cette maladie à tique, qui sévit en Afrique, en Europe et en Asie de l’Ouest, est en émergence suite à la modification des écosystèmes. La Turquie est actuellement très touchée, mais le virus circulerait aussi à bas bruit en Europe. La présence de cette tique est notamment avérée en Camargue et dans la région de Montpellier. Il est important d’exercer une surveillance épidémiologique accrue, notamment parce que les oiseaux migrateurs venant d’Afrique jouent eux-aussi un rôle dans la circulation de cette tique, et donc du virus.

Être piqué par une tique infectée n’est pas toujours synonyme de maladie

Bien que les tiques soient susceptibles d’héberger un certain nombre de microorganismes, il est important de souligner que leur présence chez une tique ne constitue pas systématiquement un risque infectieux pour la personne piquée.

En effet, le risque de transmission des agents infectieux à l’être humain après une piqûre est de moins de 3 %, selon une récente étude hollandaise. Par ailleurs, même en cas de transmission de pathogènes après la piqûre, il n’est pas certain qu’une maladie se développe.


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Pour les tiques infectées avec des bactéries ou des parasites, la transmission de l’agent infectieux n’est pas immédiate compte tenu du fait que bactéries et parasites doivent maturer et/ou migrer vers les glandes salivaires avant d’être transmis à l’hôte vertébré, processus qui met environ 24 heures, d’où l’intérêt de retirer rapidement la tique. Dans le cas des virus, la transmission se fait dès le début de la piqûre. L’extraction précoce reste de mise.

La prévention est particulièrement importante pour limiter au maximum les risques. En premier lieu, dans les écosystèmes où les tiques sont très présentes porter des vêtements clairs (pour les repérer plus facilement) et couvrants et faire un examen corporel minutieux au retour de la promenade. À noter que les tiques sont de plus en plus présentes en zones urbaine et périurbaine.

Des maladies en expansion

Les maladies à transmission vectorielle dues aux tiques sont en nette expansion à travers le monde depuis le milieu du XXe siècle, en raison de l’intensification des activités humaines et de leur impact sur les écosystèmes forestiers, la faune sauvage et la faune domestique.

La plupart des maladies à tique affectant l’être humain dans l’hémisphère nord sont des zoonoses. Pour beaucoup d’entre elles, les interactions hôte-vecteur-pathogènes restent mal comprises, voire très mal connues, notamment parce que ces pathologies sont négligées par rapport aux maladies vectorielles transmises par les moustiques (paludisme, dengue, Zika…).

Pour pallier ce problème, des approches multidisciplinaires efficaces, portant une attention particulière sur la biodiversité, sont nécessaires. Il s’agit notamment de mieux contrôler les populations de tiques, et de mettre au point des outils de diagnostic et des vaccins.

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