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Mulroney parmi une foule enthousiaste, salue de la main un des participants
Brian Mulroney salue la foule lors de la fête du Canada, sur la colline du Parlement, en 1991. La Presse canadienne/Frank Gunn

Brian Mulroney, champion du libre-échange, a rapproché le Canada des États-Unis

Brian Mulroney — le 18e premier ministre du Canada, décédé le 29 février 2024 à l’âge de 84 ans — restera dans les mémoires pour plusieurs raisons. Mais la décision la plus importante qu’il a prise au cours de ses deux mandats a été d’unir l’avenir du Canada à celui des États-Unis.

Contrairement au premier ministre libéral Pierre Trudeau, qui a entretenu des relations difficiles avec plusieurs présidents américains dans les années 1960, 1970 et 1980, Brian Mulroney était un américanophile inconditionnel.

Après tout, il avait grandi à Baie-Comeau, au Québec, une ville fondée par un riche industriel américain — Robert Rutherford McCormick — pour produire du papier journal bon marché pour les journaux de New York et de Chicago. Mulroney se souvient qu’enfant, il chantait parfois pour McCormick afin d’obtenir de petites récompenses monétaires.

## Négociation de l’accord de libre-échange

L’admiration de Mulroney pour le capitalisme américain était évidente à travers sa politique. Un an après avoir été élu avec une large majorité en 1984, Mulroney a déclaré qu’il voulait négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis.

Les politiciens sont en smoking et leurs femmes en robes alors qu’ils se tiennent la main et chantent sur une scène
Brian Mulroney mène le chœur en chantant une chanson irlandaise sur scène avec sa femme Mila, le président américain Ronald Reagan et la première dame Nancy Reagan à la fin d’un spectacle de gala à Québec lors de ce qu’on a appelé le Sommet des Irlandais en 1985. La Presse canadienne/Bill Grimshaw

Peu après, Mulroney a accueilli le président américain de l’époque, Ronald Reagan, pour ce qui a été appelé le « Sommet des Irlandais » ou « Shamrock Summit » (Sommet du trèfle) dans la ville de Québec. Les deux dirigeants, tous deux fiers de leur héritage irlandais, étaient montés sur scène et s’étaient lancés dans une interprétation de la célèbre chanson When Irish Eyes Are Smiling.

Bien que certains Canadiens aient pu grimacer à la vue des deux hommes chantant ensemble, la relation étroite entre Mulroney et Reagan a été un atout politique pour le leader progressiste-conservateur.

Une deuxième majorité

Mulroney et Reagan signent l’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada le 2 janvier 1988. Brian Mulroney fera campagne sur cet accord lors des élections générales canadiennes du mois de novembre de la même année et remportera une deuxième majorité consécutive.

Certains médias internationaux ont surnommé Mulroney « le père du libre-échange nord-américain » dans les articles consacrés à son décès.

Mulroney et Reagan s’assoient à un bureau et signent des documents
Les relations étroites entre Brian Mulroney et Ronald Reagan ont contribué à la conclusion du premier accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada ». La Presse canadienne/AP/Barry Thumma

Les années Mulroney ont marqué la fin d’un règne de deux décennies des libéraux sous Lester Pearson, Pierre Trudeau et John Turner. Mulroney oriente désormais la politique canadienne vers la droite en négociant l’accord de libre-échange. D’autres politiques controversées — la privatisation des sociétés d’État comme Air Canada et Petro-Canada, et l’introduction de la taxe sur les produits et services (TPS) — n’ont pas été annulées lorsque les libéraux sont revenus au pouvoir sous Jean Chrétien en 1993 et allaient perdurer.

Mulroney, plus que tout autre premier ministre moderne, a cherché à réparer les actions de son prédécesseur Trudeau en matière de réforme constitutionnelle.

Investissant un énorme capital politique dans l’Accord du lac Meech, puis dans l’Accord de Charlottetown, Mulroney a tenté d’accroître les compétences des provinces, de réformer le Sénat et de reconnaître le Québec en tant que société distincte. Il a voulu modifier en profondeur la Constitution et corriger ce qui n’a pas été fait, ou mal fait selon lui, lors du rapatriement de la Constitution en 1982 et de l’introduction de la Charte des droits et libertés.

Échec des réformes constitutionnelles

Après des batailles acharnées dans tout le pays, les deux accords n’ont pas atteint le seuil d’appui nécessaire à la ratification de la Constitution. Leurs échecs — qui avaient suscité des attentes au Québec — a plutôt ravivé le séparatisme québécois et conduit à la création et la montée du Bloc Québécois.

L’échec des accords est une leçon que les premiers ministres suivants — Jean Chrétien, Stephen Harper et Justin Trudeau — n’ont jamais oubliée. Aucun d’eux n’a osé ne serait-ce que faire allusion à une quelconque réforme constitutionnelle.

Lorsqu’il était au pouvoir, Mulroney dirigeait le Parti progressiste-conservateur. Après son retrait de la vie politique, Mulroney ne s’est jamais senti à l’aise au sein du Parti conservateur du Canada rebaptisé, né de la fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne en 2003.

Mulroney et Trudeau sont sur des chaises sur une scène et Mulroney se penche sur Trudeau pour lui parler
Le premier ministre Justin Trudeau et l’ancien premier ministre Brian Mulroney discutent pendant le Forum économique atlantique à l’Université St. Francis Xavier à Antigonish, N.-É., le 19 juin 2023. L’événement a été l’une des dernières fois où Brian Mulroney est apparu en public. La Presse canadienne/Darren Calabrese

Lors de l’un de ses derniers grands événements publics en juin 2023, Brian Mulroney s’est assis sur la scène avec Justin Trudeau à l’Université St. Francis Xavier, l’institution de Nouvelle-Écosse dont M. Mulroney est diplômé. Mulroney a fait l’éloge du premier ministre actuel, à tel point que Trudeau a déclaré : « C’est… embarrassant quand vous parlez de moi en des termes aussi élogieux ».

L’héritage de Mulroney laisse néanmoins perplexe. Il a été un homme politique charismatique qui a mené son parti à deux gouvernements majoritaires. Il a aussi été un premier ministre qui a apporté des changements majeurs et durables à l’économie canadienne ainsi qu’un chef d’entreprise prospère avant et après ses années de politique.

Mais il a aussi été un premier ministre qui n’a pas réussi à mettre en place les réformes constitutionnelles qui semblaient à sa portée et un dirigeant qui a déclenché des perturbations politiques dans sa province d’origine. Ces bouleversements ont d’ailleurs encore un impact sur le paysage politique canadien des décennies après son départ.

This article was originally published in English

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