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Climat : une initiative pour former les futurs employés et faire pression sur les entreprises

Près de 30 000 personnes ont signé le Manifeste étudiant pour un réveil écologique depuis son lancement en avril 2018. Thomas Samson/AFP

Cet article est publié dans le cadre du Forum international de la météo et du climat, qui se tiendra à Paris du 25 au 28 mai 2019 et dont The Conversation est partenaire. Retrouvez toutes les infos pratiques pour prendre part à ce rendez-vous sur le site du Forum : forumeteoclimat.com.


Dans le sillage des mobilisations européennes pour l’écologie au cours des derniers mois, la jeunesse française s’est exprimée et a fait entendre son désir de changements sociétaux profonds afin de prendre en compte les enjeux environnementaux.

Cette génération se montre non seulement plus consciente de ces problématiques et de leur urgence que ses aînés, mais elle ressent aussi physiquement cet impératif. Quoi de plus naturel pour ces fameuses « générations futures », tant évoquées au Sommet de la Terre à Rio en 2012 : sans prise en compte des limites planétaire et sans réduction drastique de notre empreinte écologique, les perspectives à moyens et longs termes s’annoncent peu réjouissantes.

Si le slogan « Soyons le changement que nous demandons » a été tant porté lors des récentes marches pour le climat, c’est que l’engagement de la jeunesse va bien au-delà d’une posture pressante et attentiste. Celui-ci se traduit de différentes façons, du militantisme associatif à la participation aux marches et grèves pour le climat.

Le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, dont nous sommes membres, est l’une de ses formes. Étudiants pour beaucoup mobilisés dans d’autres associations environnementales, nous avons fait le choix de nous rassembler dans ce collectif pour nous faire entendre.

Les aspirations nouvelles des jeunes diplômés

Dès avril 2018, quelques mois avant le début des mouvements européens de marches écologiques, des étudiants d’associations environnementales se sont réunis pour partager – puis formaliser – leurs observations environnementales et sociétales.

Autour du constat de notre trajectoire insoutenable, le mouvement s’enrichit et se hiérarchise horizontalement afin de laisser la diversité des points de vue s’exprimer. Le ton et l’argumentation du texte qui fondent notre initiative restent généraux afin d’éviter les points culpabilisants (voyage en avion, consommation de viande, etc.) qui démobilisent ; il s’agit de toucher largement les étudiants, au-delà des cercles traditionnels.

Nous sommes aujourd’hui 30 000 signataires, dont une forte proportion dans les écoles initiatrices : 25 % de Polytechnique, 36 % d’AgroParisTech et 10 % dans les écoles de commerce parisiennes. Cette volonté de s’engager professionnellement et personnellement pour un monde en cohérence avec l’urgence environnementale, que nous portons dans notre texte, est partagé au-delà des frontières françaises. Ainsi, nous avons été rejoints par des étudiants de plus de onze pays différents, et échangeons avec des jeunes de plusieurs continents.

Dès octobre 2018, le début d’une retombée médiatique nous permet d’attirer l’attention des grandes entreprises françaises. La série d’entretiens qui s’en est suivie nous a permis d’instaurer une communication entre deux mondes qui échangent peu sur une vision commune de l’avenir. Le succès ici ne vient pas tant de l’urgence écologique en elle-même que du changement d’aspirations qui en découle chez les jeunes et que nous cherchons à exprimer…

La crainte d’avoir des difficultés à recruter des jeunes diplômés enclenche en effet mieux le changement que le risque environnemental à long terme !

Donner aux étudiants les moyens de choisir

En tant qu’étudiants, nous avons un pied dans le monde de l’enseignement supérieur et l’autre dans la vie professionnelle. L’équipe du Manifeste s’est donc rapidement structurée autour de deux axes de travail : l’un concernant l’enseignement supérieur, l’autre portant sur les entreprises.

Il est souvent difficile pour des étudiants de comprendre le véritable impact des entreprises, parfois dissimulé derrière des opérations de greenwashing. Nous cherchons donc à développer des outils à destination des étudiants qui sortiront d’école à la rentrée prochaine : grille de lecture des entreprises, fiches sectorielles et guide entretien (questions pertinentes à poser pour cerner la trajectoire environnementale de l’entreprise). Il s’agit de sensibiliser les étudiants pour éviter une typologie manichéenne des entreprises ; mieux connaître pour mieux décider.

Pour participer au revirement nécessaire de trajectoire de notre société, être sensibilisé ne suffit pas : il faut être formé et informé, capable de formuler un jugement critique. De fait, sur le sujet de l’enseignement, nous travaillons à ce que des connaissances communes et transversales soient transmises à tous les étudiants via l’enseignement supérieur, et qu’ils puissent les appliquer concrètement à leur vie professionnelle.

Nous aidons également de manière concrète les étudiants à entamer un dialogue avec les parties prenantes de l’établissement (élèves, corps professoral et administration) comme à Polytechnique, à l’ESCP, à l’ESSEC, ou encore à Centrale Nantes. À une échelle plus vaste, nous poussons le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, les classements d’écoles et les institutions à être proactifs sur la question des cours et de la recherche.

L’urgence de changer le système à long terme

Les résultats de notre action auprès des entreprises ne se mesureront probablement pas tant aux changements qu’elles vont engager qu’au nombre de personnes touchées. Nous souhaitons ainsi diffuser largement le guide entretien, car il est à la portée de toute personne un tant soit peu préoccupée par l’environnement, et fera remonter constamment ces attentes aux entreprises.

Le sujet de l’enseignement supérieur devient celui d’un nombre grandissant d’acteurs, comme en témoignent les deux tribunes à ce sujet (ici et ), côté étudiants et côtés enseignants par exemple. Il semble en effet évident qu’une maîtrise par tous des enjeux environnementaux constitue une condition préalable indispensable à toute transformation de la société.

Maintenant qu’une partie grandissante de la jeunesse est sensibilisée aux enjeux climatiques, nous avons bon espoir que leur engagement se tourne vers des formes plus diverses et concrètes. De notre côté, nous continuerons à essayer de nous interroger sur les leviers à notre portée, s’exprimer en tant qu’étudiant avec l’ambition nécessaire. Comme le disait l’anthropologue américaine Margaret Mead :

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. »


Cet article a été co-écrit par Julien Gasc, étudiant à l’ESCP Europe, et Claire Egnell, étudiante à Sciences Po Paris, membres du Manifeste étudiant pour un réveil écologique.

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