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Collaboration start-up–grands groupes : les leçons des « open labs » d’entreprises en Asie

La Société générale a installé un « open lab » baptisé Catalyst en Inde, en 2018. Société générale / D.R.

Dans un monde globalisé où leur leadership peut être à tout moment remis en cause, les grandes entreprises développent de nouvelles stratégies d’innovation ouverte. Elles doivent impérativement se trouver « là où cela se passe », c’est-à-dire au cœur des écosystèmes de start-up les plus dynamiques. Elles visent non seulement à identifier les idées nouvelles mais aussi à rester les architectes de leur transformation en préservant leur capacité à créer de la valeur.

Le continent asiatique représente un enjeu majeur à la fois en termes d’innovation et de débouché. La création de start-up en Inde, en Malaisie, en Chine ou à Singapour démontre aujourd’hui une dynamique incontestable. La Chine permet d’accélérer le tempo du processus d’innovation pour obtenir un « time-to-market » inégalé dans le reste du monde pour les entreprises du digital ou de certains domaines des Deep Techs (entreprises qui innovent en repoussant les frontières technologiques, selon la définition donnée par BPIFrance).

Quel que soit le secteur d’activités, les grandes entreprises occidentales cherchent à capter les dynamiques locales en Asie pour rester dans la course à l’innovation. Pour les start-up, l’enjeu est souvent de gérer le changement d’échelle de leurs activités en accédant à un marché mondial grâce à la collaboration avec une grande entreprise.

Gagner en agilité

L’étude que nous avons menée sur la comparaison France-Asie sur les plates-formes d’innovation et open labs, réalisée par la chaire newPIC de PSB et cofinancée par Innovation Factory et Bpifrance Le Lab a permis de mieux comprendre les stratégies mises en place par les grandes entreprises.

Les grandes entreprises occidentales mettent en place des « open labs » dans les principaux pays asiatiques : ces dispositifs permettent de développer de nouvelles approches de l’innovation plus agiles et souvent centrées sur l’usager. Animés par des petites équipes au sein des entreprises, ces open labs sont implantés au cœur des écosystèmes asiatiques les plus dynamiques. Ils fonctionnent comme des incubateurs ou des accélérateurs.

Carte des plates-formes d’innovation et open labs étudiés en Asie. Auteurs.

Les illustrations sont nombreuses. À Bangalore en Inde, la Société Générale a installé Catalyst en 2018 et SAP son Startup Studio en 2018. Chacun d’eux vise à capter les dynamiques entrepreneuriales dans le digital et a permis d’accélérer plus de 50 start-up au cours de ces 3 dernières années.

Les entreprises américaines ne sont pas en reste : Microsoft a installé son Accelerator à Pékin en 2013 puis à Shanghai en 2016. Le plus souvent, l’open lab ne développe pas d’activités de cocréation mais installe des ressources et du mentoring au profit des entrepreneurs sélectionnés.

Pour ces entreprises, l’open lab permet de gagner concrètement en agilité dans sa relation avec les start-up, en testant et adaptant la solution de la start-up aux métiers de l’entreprise, et aussi en décidant rapidement sur les suites à donner en termes de commercialisation.

Les phases de montée en maturation sont courtes. Le grand groupe doit donc se mettre en capacité de permettre aux start-up d’adapter rapidement leur projet à ses activités. Au sein de Catalyst, les start-up ont 10 semaines pour adapter leurs solutions aux contraintes des entités opérationnelles de la Société Générale. Dans 70 % des cas, elles réussissent la transformation et commercialisent leurs solutions avec l’entreprise.

L’open lab installe une relation dans la durée

Ces bons résultats s’expliquent surtout par le travail de l’open lab. Pour permettre cette réactivité, le grand groupe doit savoir décider rapidement et réaliser un gros travail de préparation. En amont, l’open lab doit identifier les sujets d’intérêts majeurs des unités opérationnelles pour s’engager dans une collaboration avec une start-up et clarifier les besoins exprimés par les entités opérationnelles.

Une fois les thématiques définies, le travail de préparation peut durer jusqu’à 6 mois pour que les entités opérationnelles et l’open lab identifient des scénarios, des jeux de tests et des données à transmettre aux start-up. Ensuite, les start-up sont sélectionnées par itérations entre les entités de l’entreprise et l’open lab. Dans la suite des travaux, l’open lab va orchestrer les relations entre la start-up et les autres entités du groupe. Ces dernières restent toujours impliquées dans l’adaptation de la solution entrepreneuriale aux besoins internes.

Les open labs ne sont pas seulement en charge de construire des modèles flexibles de collaboration. Ils apportent aussi une réponse concrète sur la relation dans la durée entre la start-up et la grande entreprise. Deux options sont envisageables : se faire racheter par le grand groupe opérant l’open lab, ou travailler en synergie avec lui dans son écosystème.

Deux leviers sont disponibles ici. Le premier passe par le développement de la fonction d’investisseur. L’open lab installe clairement les collaborations dans une stratégie de rachat en cas de succès. C’est l’option retenue par l’Accelerator de Microsoft à Shanghai. Parfois, la fonction investisseur se gère dans un cadre plus large, quand l’entreprise présente les start-up à son réseau de financeurs.

Le second vise à faire de la start-up un sous traitant de l’entreprise. Ce faisant, les start-up excluent la possibilité de travailler avec les concurrents directs du grand groupe. C’est le choix retenu par les open labs mis en place par la Société Générale et SAP. Les règles de propriété intellectuelle sont alors définies dans cette logique.

Un outil de gestion des écosystèmes

SAP Startup Studio précise en amont de la collaboration que les start-up resteront les propriétaires de leurs solutions mais que les améliorations apportées au cours de l’accélération seront principalement appliquées dans le cadre d’accords de commercialisation avec l’entreprise. Ces règles sont ensuite affinées au cas par cas si les acteurs décident de poursuivre la relation. Les open labs proposent un cadre clair à la start-up et conservent des options ouvertes pour s’adapter au degré d’intégration de la solution technique de la start-up dans l’offre commerciale du grand groupe.

Présentation du SAP Startup Studio (YourStory, 2017).

Catalyst de la Société Générale prévoit un dispositif encore plus souple. Toute amélioration de la solution proposée par la start-up durant la phase d’accélération reste la propriété de la start-up. À l’issue de la montée en maturation, la start-up peut décider de commercialiser sa solution avec l’entreprise de son choix si la Société Générale ne prend pas de décision de commercialisation assez vite ou si la start-up trouve des conditions d’exploitation plus intéressantes avec d’autres opérateurs, y compris chez les concurrents de la Société Générale. Tout dépend de la capacité du grand groupe à être réactif et attractif dans sa prise de décision.

Pour les grandes entreprises, l’innovation ouverte n’est donc pas seulement un moyen de repenser la génération des idées. Elle représente aussi un outil de gestion des écosystèmes d’innovation dans des pays à fort potentiel de compétence. Elle donne aussi un moyen de redéfinir le périmètre du réseau de sous-traitance.

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