Selon des révélations du Wall Street Journal publiées le 14 septembre 2021, des documents internes à Facebook montreraient les effets néfastes d’Instagram sur la façon dont les adolescents voient leur corps. D’après ces résultats portant sur de jeunes utilisateurs vivant aux États-Unis et au Royaume-Uni, 40 % de ceux qui s’estiment « moches » disent que cette impression date de leur inscription à ce réseau social. Si les filles semblent plus sensibles, les garçons ne sont pas épargnés. 14 % déclareraient qu’Instagram les fait se sentir mal dans leur peau.
Ces informations risquent d’inquiéter les parents et d’en inciter certains à interdire l’usage des réseaux sociaux à leurs enfants. Ce qui pourrait évidemment créer quelques conflits. Par ailleurs, les jeunes trouvant bien souvent un moyen de les contourner, de telles interdictions sont vouées à l’échec.
Cette actualité est revanche une excellente occasion pour les parents de discuter avec leurs enfants de leur vie en ligne, pour les aider à rendre leurs expériences sur les réseaux plus positives.
Des objectifs irréalistes
Qu’Instagram puisse avoir des effets négatifs sur la perception de soi ne devrait pas surprendre a priori les chercheurs qui travaillent sur la question : une enquête sur l’impact des réseaux sociaux publiée il y a cinq ans établissait l’existence d’un lien entre leur utilisation, tant par des adultes que par des jeunes, et les problèmes d’image du corps ou de troubles de l’alimentation.
Toutefois, cette étude montrait que ce n’était pas forcément le temps passé sur les réseaux sociaux, mais plutôt des activités spécifiques comme le visionnage, la retouche et la publication de photos idéalisées qui posaient problème.
Les photos ou selfies postés par les célébrités, les influenceurs, voire des amis sur les réseaux sont en effet soigneusement mis en scène et agrémentés de filtres. Loin d’être le reflet réaliste de l’apparence d’une personne, la plupart de ces photos font la promotion d’objectifs impossibles à atteindre. Les gens comparent spontanément leur apparence à ces photos retouchées, et en concluent qu’ils sont bien moins attirants.
En plus d’avoir un effet négatif sur l’image du corps et le moral en général, ce genre de comparaisons entraîne une hausse des comportements malsains en matière d’alimentation et d’exercice physique. L’impact de telles comparaisons est notamment bien pire que celles que l’on pratique quand on rencontre d’autres personnes dans la réalité. En effet, sur les réseaux sociaux, les gens estiment que les autres sont nettement plus attirants qu’eux, alors qu’ils ne les trouvent qu’un peu plus attirants quand ils les voient vraiment en face d’eux.
Des lieux de sociabilité
D’autres études soulignent les nombreux aspects positifs des réseaux sociaux qui, à l’instar des espaces en ligne plus anciens, comme les forums et les groupes de discussion, constituent des lieux essentiels où les gens souffrant de troubles alimentaires partagent leurs expériences et cherchent du réconfort. Voilà qui ne fait qu’ajouter à la complexité des débats actuels.
De plus, les réseaux constituent un élément central de la vie sociale des jeunes ; ils leur permettent d’établir et conserver des amitiés. En temps de confinement et de Covid-19, cette forme de communication s’est avérée vitale.
Les activités sur les réseaux sociaux faisant partie de l’identité des jeunes, les parents doivent essayer, autant que possible, de mieux comprendre ces pratiques plutôt que de systématiquement les critiquer. Les parents qui ne savent pas comment fonctionnent les réseaux sociaux peuvent demander à leurs enfants de les guider sur les différentes plates-formes afin d’être un peu plus au fait des contenus proposés à leur progéniture.
De tels échanges ouvrent la voie à une meilleure connaissance des réseaux sociaux, dont la maîtrise passe nécessairement par une capacité à évaluer, analyser et remettre en question les messages et les images que l’on y trouve.
Les recherches ont montré que l’éducation aux réseaux sociaux a un impact positif sur l’image du corps des jeunes. Les parents peuvent discuter avec leurs enfants des filtres, de la retouche des images et vidéos, et justement leur expliquer que ce que l’on voit en ligne n’est pas toujours le reflet de la réalité.
Apprendre à chasser les pensées négatives
Les parents peuvent également montrer l’exemple en évitant dans la vie et sur les réseaux les conversations centrées sur l’apparence, y compris les discussions centrées sur leur propre corps ou leur désir de perdre du poids. Les études sont formelles : les parents ont une forte influence sur la façon dont les jeunes perçoivent leur corps et en parlent. Il est bon qu’ils tiennent des propos bienveillants sur leur apparence ou celle des autres, et qu’ils ne félicitent pas leurs enfants que pour leurs qualités physiques.
En aidant les jeunes à rendre leurs expériences sur les réseaux sociaux plus positives et valorisantes, les parents ont un rôle clé à jouer. Interrogez les jeunes sur ce qu’ils ressentent lorsqu’ils sont sur les réseaux sociaux. Si le fait de suivre un compte particulier leur donne une mauvaise image d’eux-mêmes, dites-leur de s’en désabonner ou de mettre cette personne en sourdine. Encouragez-les plutôt à suivre des comptes qui s’intéressent à autre chose que l’apparence : sports, voyages, arts, humour, etc.
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D’autres études ont révélé que le fait de rechercher et de voir sur les plates-formes des contenus positifs sur l’apparence physique aura tendance à améliorer notre humeur générale. Les parents peuvent également aider leurs enfants à développer un large éventail de stratégies d’adaptation pour contrer les pensées négatives qui leur viendraient en utilisant les réseaux sociaux ou lors de rencontres en face à face.
Comme celle consistant à faire preuve d’auto-compassion envers son corps, ce qui, d’après les recherches, a des effets positifs. L’exercice de l’ami compatissant, par exemple, consiste à dire aux jeunes : « Fais preuve d’autant d’indulgence envers toi-même que tu le ferais si ta meilleure amie te parlait de la mauvaise image qu’elle a de son corps. »
Certaines plates-formes, dont Instagram, permettent à leurs utilisateurs d’ouvrir plusieurs comptes. Cela peut s’avérer utile quand les jeunes voient trop de contenus qui les rendent malheureux. Les recherches attestent des effets positifs qu’il y a à détenir plusieurs comptes, y compris sous pseudonyme, sur les réseaux sociaux, car ils peuvent y exprimer par ce biais différentes facettes de leur personnalité.