Menu Close
Un circuit imprimé et d'autres déchets métalliques, sur un sol de terre
Alors que la part de l’électronique dans nos déchets et nos émissions de carbone continue d’augmenter, il est urgent de diminuer l’impact de cette industrie. Hans Ripa/Unsplash, CC BY

Comment rendre l’électronique plus soutenable ?

L’électronique n’est aujourd’hui pas soutenable au sens du rapport de Brundtland : elle ne répond pas « aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. »

Pour pouvoir atteindre les engagements fixés par les accords de Paris pour 2050, l’impact de toute l’industrie, y compris celle de l’électronique, doit être fortement réduit. Des solutions existent, mais nécessitent une transformation globale de l’industrie électronique dont les impacts environnementaux augmentent rapidement, notamment de par son rôle dans la transformation numérique.

En effet, le numérique représente 2,5 % de l’empreinte carbone de la France et jusqu’à 4 % de l’empreinte carbone mondiale. Or, le GIEC recommande de diviser par sept les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique à un niveau acceptable.

Dans un tel monde décarboné, mais où la contribution du numérique resterait inchangée, sa part dans les émissions mondiales passerait de 4 % à 23 %. Cette projection est même plutôt optimiste puisque le secteur de l’électronique croît régulièrement. Par exemple, la fabrication des composants électroniques à base de semi-conducteurs, du type processeur ou mémoire, émet une quantité croissante de gaz à effet de serre du fait de l’augmentation de leur complexité. En effet, leur miniaturisation fait appel à des matériaux toujours plus purs et divers, et à des processus extrêmement énergivores.

Au-delà des gaz à effet de serre, l’industrie électronique génère mondialement 53 mégatonnes de déchets solides par an dans le monde, dont seulement 17 % sont collectés et recyclés. Pour le reste, on estime que 80 % des déchets non recyclés sont transportés illégalement dans des pays en développement.

Évaluer l’impact pour mieux agir

Une première étape pour converger vers une filière plus soutenable est d’être capable d’évaluer l’impact des produits électroniques. L’analyse de cycle de vie (ACV) est l’outil standard permettant de mesurer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service. Elle intègre les impacts tout au long de la fabrication, de l’usage et de la fin de vie du produit ; par exemple les matières premières utilisées, le transport, les processus de transformation, l’énergie consommée, l’usage, le traitement, et le recyclage.

Les composants de l'ordinateur représente la majorité des émissions totales. Parmi les composants, la carte mère est la plus coûteuse en carbone, en particulier à cause du processeur.
Émissions en CO2 équivalent d'un ordinateur Dell utilisé cinq ans. D'après Loubet et al., Pierre Le Gargasson/INSA Rennes, d'après Loubet et al. 2023, Fourni par l'auteur

Dans une ACV, l’impact des produits ou d’un service est quantifié selon 16 catégories incluant les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’eau, la toxicité ou encore l’utilisation de ressources non renouvelables. En électronique, la fabrication des circuits intégrés nécessite notamment beaucoup d’eau et émet des gaz fluorés qui ont un fort impact sur l’effet de serre.

Le résultat d’une ACV permet d’identifier quelles parties du produit contribuent majoritairement à son impact, ce qui permet de guider une transformation vers un produit plus soutenable. Une ACV d’un téléphone portable a, par exemple, permis d’établir que celui-ci émet plus de 80 % de son CO₂ au moment de sa production. Elle permet de déduire qu’une augmentation de la durée de vie du téléphone pourrait engendrer une réduction significative de son impact carbone.

Augmenter la durée de vie des appareils

L’obsolescence programmée est souvent considérée comme responsable de la fin de vie prématurée des appareils du fait de dysfonctionnements introduits par le fabricant. Cependant, la réalité semble être plus nuancée.

Par exemple, un téléphone portable a aujourd’hui une durée de vie moyenne de 2,8 ans. Cette faible durée de vie s’explique davantage par un système économique qui pousse à un renouvellement régulier plutôt que par une panne de l’appareil, puisque la majorité des téléphones restent fonctionnels bien au-delà de 3 ans. Ainsi, l’obsolescence prématurée est un phénomène complexe qui, pour les produits destinés au grand public, s’explique principalement par des aspects sociaux (la pression à posséder un appareil récent) et psychologiques (la lenteur perçue de l’appareil).

Cela ne signifie pas pour autant que le produit n’est jamais en faute. Mais là encore, il s’agit probablement plus d’une réduction des coûts de production engendrant une baisse de qualité plutôt qu’une volonté délibérée des industriels de réduire la durée de vie.

Ainsi, une transformation des modes de consommation favorisant des produits de qualité avec une durée de vie plus longue est nécessaire. Celle-ci ne pourra cependant s’opérer que si des solutions alternatives existent sur le marché. Par exemple, les initiatives réglementaires qui imposent la réparabilité vont dans ce sens en offrant la possibilité de prolonger la durée de vie d’un appareil au-delà de sa première panne. Finalement, la popularité grandissante du reconditionné indique que des modes de consommations alternatifs peuvent exister s’ils s’accompagnent d’une garantie de qualité auprès du consommateur.

Mieux recycler

Lorsque la réparation et la réutilisation ne sont plus efficaces, le processus de recyclage doit permettre de réutiliser les matières premières de l’électronique. En 2021 en France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait que seulement 49,8 % des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) avaient été traités. Ce faible taux de traitement s’explique par un coût de gestion élevé de ces déchets. De plus, sur près d’une mégatonne de DEEE traités chaque année, 75,4 % sont recyclés et 1,8 % réutilisés. Le reste est incinéré (11,8 %) ou enfoui (11 %).

Cette nouvelle manne financière attire des entreprises peu scrupuleuses qui font disparaître les déchets à moindre coût en les envoyant illégalement dans d’autres pays ou bien en les incinérant dans la nature.

Des solutions sont en développement pour valoriser ces déchets en extrayant leurs métaux pour les réinjecter dans la chaîne de production. Le robot Daisy d’Apple permet déjà de désassembler des iPhones pour en récupérer les métaux.

Cependant, les métaux sont mélangés avec d’autres éléments moins valorisables (comme de la résine époxy et la fibre de verre des circuits imprimés) et les procédés actuellement utilisés pour les séparer nécessitent l’utilisation de composés polluants tels que l’acide sulfurique, allant à l’encontre de l’objectif initial de soutenabilité. De nouveaux procédés sont néanmoins à l’étude et pourraient permettre une extraction plus respectueuse de l’environnement.


Read more: De nouvelles technologies pour recycler les déchets électroniques


Former dans une industrie en mutation

Une solution à plus long terme pour réduire l’impact de l’électronique sera de modifier en profondeur les processus de production en réponse aux analyses de cycle de vie. Le problème est que, en électronique plus que dans d’autres industries, les techniques de fabrication sont maintenues secrètes. Ainsi, si une entreprise souhaite améliorer la soutenabilité de sa chaîne de production, elle s’appuiera sur des compétences internes. Or, les formations d’ingénieurs n’incluent que rarement les enjeux climatiques.

Le défi de l’adaptation de l’électronique aux contraintes environnementales est considérable, car il doit prendre en compte les aspects sociaux et économiques de la soutenabilité. À l’horizon 2050, la moitié des ingénieurs actuellement en poste le seront encore. Il faut donc non seulement former les futurs professionnels aux méthodes permettant d’atteindre une électronique soutenable, mais également les professionnels déjà en exercice. Le projet ESOS (électronique soutenable, ouverte et souveraine) financé par France2030 de 2023 à 2028 vise à créer des formations permettant d’engager l’électronique sur une trajectoire soutenable.


Le projet ESOS est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,600 academics and researchers from 4,945 institutions.

Register now