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Comment taxer et dépenser localement au XXIᵉ siècle ?

L'Hotel de Ville de Lyon. Patrick Janicek/Flickr, CC BY

L’auteur de cet article intervient le 10 novembre dans le cadre des Journées de l’Économie à Lyon (8 au 10 novembre 2016). À suivre sur http://www.journeeseconomie.org/blog/


Les collectivités locales des villes et de leur périphérie ont dû faire face, ces dernières décennies, à d’importantes évolutions tant dans leur organisation, que dans leurs compétences et leurs sources de financement. Même s’il est trop tôt pour faire le bilan des réformes fiscales et de la réorganisation des compétences, pour certaines inachevées, et du processus de coopération intercommunale, on peut en étayer les motivations, les enjeux et les risques, au regard de l’économie publique locale.

Ces enjeux et motivations sont de diverses natures, variabilité liée en particulier à l’échelle territoriale d’analyse. Au centre du débat : les aires urbaines, les villes et leur aire d’influence économique, et en particulier les questions de gestion des services publics locaux de type urbains et leurs interrelations avec les choix de localisation résidentielle et des activités économiques au sein de ces grandes villes et leur aire d’influence. Se pose également la question des phénomènes de concurrence entre collectivités appartenant à la même aire urbaine et entre aires urbaines.

Émiettement et concurrence des collectivités

Avec ses plus de 36 000 communes, la France est, de très loin, le pays comportant le plus grand nombre de communes rapporté à la population, en Europe, mais aussi au sein des pays de l’OCDE. Si cet émiettement comporte des avantages, notamment en termes de proximité de la population et de ses attentes, il risque d’être facteur d’inefficacités économiques et d’inégalités socio-économiques importantes. Les incitations fortes à la coopération communale, mises en place depuis 1999 et renforcées ces dernières années, ont pour principale motivation de tenter de réduire l’émiettement de la décision publique à l’échelle territoriale la plus fine, dans un contexte de décentralisation d’un certain nombre de compétences.

Les intercommunalités ont pour mission de réduire les conséquences négatives de cet émiettement, en faisant jouer les économies d’échelles, liées à la mutualisation des coûts de production de certains services publics locaux à coûts fixes élevés. La coopération intercommunale a également pour but de mettre en cohérence une gestion des services publics à une échelle territoriale plus pertinente, en adéquation avec les aires économiques fonctionnelles. L’offre de transport et la gestion des flux et de la congestion liée aux déplacements pendulaires est certainement l’un des exemples les plus marquants de la nécessité de réduire les effets de débordement par la coordination et de répartir les charges de centralité.

Une coopération des communes, en matière de fiscalité et de politique économique, réduit également la concurrence entre collectivités pour attirer les activités économiques et dynamiser l’emploi local. Une concurrence exacerbée peut en effet avoir des effets négatifs, en termes d’offre de services publics locaux : elle peut pousser à réduire la fiscalité locale portant sur les activités de manière trop importante, limitant les ressources des collectivités qui offrent une qualité et une quantité de services publics inférieures à ce que les contribuables souhaiteraient.

Stratégies d’attractivité et choix fiscaux

Mais les stratégies pour attirer certains types d’activités au sein des agglomérations ou entre agglomérations se jouent tout autant sur le plan des services publics et privés qu’une forte densité urbaine engendrent : diversité des services aux entreprises (conseil…), proximité d’un tissu dense de fournisseurs et de clientèles, infrastructures de transport et de communication… mais aussi diversité des services à la population (éducation, culture…). Ces derniers peuvent en effet être un atout non négligeable pour attirer des entreprises de secteurs employant une main-d’œuvre hautement qualifiée (exemple de l’offre en matière d’éducation à Lyon liée à l’implantation d’Interpol).

De même dans une même aire urbaine, au sein de laquelle les ménages travaillent et se logent, les politiques locales et leurs orientations peuvent être déterminantes dans les choix de localisation résidentielle. La fiscalité, foncière et d’habitation, les plans d’urbanisme et les règles de constructions nouvelles, l’offre de certains services comme les services d’accueil de la petite enfance, culturels et sportifs, et l’offre de transport en commun sont autant de leviers que les collectivités (communes et/ou intercommunalités) peuvent tenter de mobiliser pour orienter les choix résidentiels au sein des grandes agglomérations et leur périphérie.

On le voit, les choix fiscaux et de dépense des collectivités locales peuvent donc avoir des conséquences non négligeables sur la manière dont les villes se structurent, qu’il s’agisse de la répartition spatiale des activités économiques au sens large, ou de la structure sociospatiale. En retour, cette structure géographique, ayant des liens assez directs avec les bases fiscales et donc les ressources locales, peut renforcer les disparités spatiales d’offre de biens publics locaux et donc d’attractivité.

L’enjeu collectif à l’échelle des aires urbaines est d’optimiser les bénéfices qu’offrent la ville, les économies d’agglomération, tout en limitant les conséquences de cette concentration des activités en termes de congestion, pollution, mais aussi de coûts du logement et de déplacements pendulaires de plus en plus éloignés. Une forte ségrégation des différentes catégories sociales conduit également à des coûts sociaux importants à terme.

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