Motiver avant tout
Afin de recruter, fidéliser les salariés, les DRH s’efforcent de mettre en œuvre des outils de motivations variés. Il s’agit alors de réfléchir à des moyens de rétribution : formations, team-building ou politique de rémunération.
Parmi les leviers liés à la rémunération, il est un outil qui a perdu de son attrait au fil du temps : la complémentaire santé (communément appelée mutuelle). Il s’agit d’un périphérique de rémunération appartenant aux périphériques statutaires selon la pyramide de Donnadieu.
Obligatoire depuis le 1er janvier 2016, la complémentaire santé perd du même coup son statut davantage offert par des employeurs soucieux de fidéliser leurs salariés.
En effet, certaines entreprises ayant des mutuelles attractives ont longtemps utilisé cet argument au moment du recrutement. En cas de difficultés pour attirer les talents, la mutuelle pouvait se montrer décisive dans le « package » de rémunération proposé.
Deux réformes au goût amer
En premier lieu, l’article 4 de la Loi de finances pour 2014, dispose que la suppression de la déductibilité fiscale de la part patronale finançant la complémentaire santé est applicable de façon rétroactive aux revenus depuis janvier 2013. En bref, la part patronale des cotisations santé doit désormais être intégrée dans le net imposable du salarié.
En second lieu, depuis le 1er janvier 2016 tous les employeurs doivent proposer à leurs salariés une mutuelle collective, à adhésion obligatoire, financée à 50 %, comprenant certaines garanties minimales. C’est la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui correspond aux promesses de campagne de 2012, d’une « mutuelle pour tous ». Les garanties minimales (on parle de « panier de soins minimum ») correspondent à ce que le législateur a défini comme un seuil de couverture
Elles comprennent :
la prise en charge à 100 % du ticket modérateur sur les consultations et actes médicaux et sur la majorité des frais de pharmacie (à l’exclusion de l’homéopathie, des cures thermales et des médicaments remboursés à 15 % et 30 %).
la prise en charge intégrale et sans limitation de durée du forfait journalier hospitalier ;
la prise en charge des soins dentaires prothétiques et soins d’orthopédie dentofaciale à hauteur d’au moins 125 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale ;
en optique, un forfait minimum est obligatoirement pris en charge tous les deux ans (ou tous les ans pour les mineurs et en cas d’évolution de la vue du bénéficiaire) pour un équipement composé de deux verres et d’une monture. Le montant du forfait varie selon le degré de correction. Concernant les lentilles, il n’existe aucune obligation.
Celui-ci s’est parfois révélé moins favorable que les conditions dont bénéficiaient précédemment les salariés. Il y a fort à parier que de nombreux salariés perdront en qualité de remboursement, ce qu’ils gagneront en avantage pécuniaire lors du paiement mensuel de la prime d’assurance.
Seul moyen pour un salarié de ne pas être affilié : se trouver dans l’une des situations suivantes : CDD, temps partiel, alternant, bénéficiaire de la CMUC (CMU complémentaire) ou de l’ACS (Aide au paiement d’une complémentaire santé), collaborateur couvert par son conjoint, collaborateur ayant déjà une mutuelle individuelle (jusqu’à échéance du contrat individuel).
Instaurer une complémentaire obligatoire revient à augmenter les prélèvements sur le salaire. La Sécurité sociale en tant que régime de base, repose sur la solidarité nationale. Elle couvre bien les soins indispensables en termes de santé publique et de gravité de l’événement mais les risques fréquents sont remboursés par les complémentaires santé. Le financement est donc reporté sur les employeurs et les salariés.
Le caractère obligatoire de cette couverture laisser entendre que les salariés ne maîtrisent plus leur budget santé. Pour certains qui avaient fait le choix de rester sans complémentaire santé individuelle, perdront du pouvoir d’achat en cotisant pour la mutuelle collective, pour une dépense qu’ils avaient jusqu’alors choisi d’éviter.
Appliquer des mêmes garanties pour tous, ne présente pas forcément d’intérêt puisque les besoins sont différents pour chaque salarié.
L’employeur verra sa masse salariale impactée (de l’ordre de 1 à 5 %) avec le financement d’au moins 50 % de la cotisation. C’est la raison pour laquelle certains employeurs vont être tentés de proposer des niveaux de garantie plus bas, l’absence de prise en charge des ayants-droits et une participation employeur minimale.
Un contrat peu avantageux pourrait ensuite pousser les salariés à recourir aux cas de dispense permettant de refuser la complémentaire d’entreprise, et par conséquent être moins nombreux à souscrire.
La part employeur de la cotisation est exonérée de charges sociales et peut être déduite du bénéfice imposable de l’entreprise (dans la limite des plafonds autorisés), à condition que le régime frais de santé soit collectif et obligatoire, et également « responsable ». Tous les nouveaux contrats mis en place à compter d’avril 2015 doivent en effet respecter un cahier des charges pour continuer à bénéficier d’avantages fiscaux et sociaux.
Les risques de redressement URSSAF liés aux caractères collectif et obligatoire du régime ne sont pas à négliger.
Avantage ou contrainte
Le caractère obligatoire d’un dispositif transforme ainsi parfois un avantage en contrainte ! Il ne sera désormais plus possible de promouvoir la complémentaire santé comme un avantage propre à l’entreprise. Les recruteurs et les responsables rémunération devront se montrer un peu plus inventifs. Il serait donc intéressant de repenser le système de rémunération et de recentrer les avantages proposés aux salariés autour de l’épargne salariale ou de l’épargne retraite.
Même en période de crise, attirer les talents reste un défi majeur pour l’entreprise. Il est donc important de réfléchir à une politique de rémunération raisonnée, mêlant optimisation fiscale et sociale et intérêt pour les salariés à moyen et long terme.