Menu Close
Une médecin, avec masque, gants et charlotte, remplit sa seringue avant injection
Le vaccin à ARNm est conçu à partir de l'ADN des cellules cancéreuses de chaque patient. Marian Weyo/Shutterstock

Contre le cancer du pancréas, un vaccin à ARNm personnalisé pour doper notre immunité

Le cancer du pancréas est l’un des types de cancer le plus mortel au monde. Cela est dû en grande partie au fait que les symptômes de ce cancer n’apparaissent généralement qu’à un stade avancé de la maladie : pour de très nombreux patients, il est ainsi trop tard pour recourir à la chirurgie afin d’enlever la tumeur – qui reste la meilleure méthode de traitement actuelle.

Même chez les patients dont les tumeurs ont été ôtées, le risque de réapparition du cancer est très élevé.

Mais les résultats d’une étude récente, publiée dans la revue Nature, suggèrent que notre système immunitaire pourrait être un outil à solliciter davantage dans le traitement du cancer du pancréas. Ces travaux de recherche ont montré qu’un vaccin anticancéreux personnalisé était capable de stimuler le système immunitaire chez la moitié des patients qui l’ont reçu.

Cette réponse immunitaire renforcée était encore détectable chez ces patients un an et demi plus tard.

Pour comprendre comment fonctionne ce vaccin, il faut d’abord comprendre le rôle que joue le système immunitaire dans la prévention du cancer.

Système immunitaire et cancer

Notre système immunitaire est souvent efficace pour combattre le cancer, voici pourquoi : une cellule saine présente sur sa membrane externe des marqueurs qui permettent aux cellules immunitaires de l’identifier correctement. À l’inverse, sur une cellule anormale, les marqueurs sont modifiés. Elle pourra de ce fait être prise pour cible par nos mécanismes de défense.

Malheureusement, certaines cellules cancéreuses possèdent d’autres types de protéines de surface qui les aident à se cacher de nos cellules protectrices… Non reconnues comme dangereuses par notre système immunitaire, elles ne sont pas détruites.

Cependant, les scientifiques ont trouvé un moyen de bloquer ces protéines, de sorte que notre système immunitaire est à nouveau capable de reconnaître les cellules cancéreuses comme une menace et de les éliminer.

C’est ce que fait l’immunothérapie, l’une des plus récentes techniques de traitement du cancer : ces thérapies exploitent la puissance de notre système immunitaire.

Il existe plusieurs types d’immunothérapies, mais une nouvelle technique prometteuse est l’utilisation de vaccins à ARNm. Ceux-ci utilisent du matériel génétique pour stimuler le système immunitaire.

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Un vaccin contre le cancer ?

Les cellules cancéreuses se caractérisent par la présence de nombreuses mutations dans leur ADN. Pour créer un vaccin capable d’agir contre elles, les scientifiques commencent par prélever leur matériel génétique pour identifier les parties les plus altérées – appelées néoantigènes. Ils les placent ensuite dans un brin d’ARNm, ou ARN messager (ndlr : ces ARN sont des molécules bien plus petites que l’ADN, car elles correspondent souvent à l’information d’un seul gène, et plus éphémère.).

Si l’on considère l’ADN comme le disque dur conservant toute l’information qui constitue notre corps, l’ARNm est en quelque sorte le logiciel de chacune de nos cellules. Sa fonction consiste essentiellement à copier et à transmettre depuis le noyau les instructions génétiques de l’ADN à d’autres parties de la cellule.

Cet ARNm « enrichi » par du matériel issu de cellules cancéreuses est ensuite administré aux patients sous la forme d’un vaccin personnalisé. Il est personnalisé parce que chaque personne a des néoantigènes différents : chacun reçoit donc un vaccin légèrement différent, spécifique à ses cellules cancéreuses, avec ses propres mutations insérées dans le brin d’ARNm.

Une fois injecté au patient, l’ARNm produit un peu de cancer… très peu, mais juste assez pour stimuler le système immunitaire. L’idée est que le système immunitaire du patient réagisse au cancer et protège notre corps.

C’est ainsi que le récent vaccin ARNm contre le cancer du pancréas a été mis au point. La société pharmaceutique BioNtech a travaillé avec 16 participants en utilisant des cellules de leurs tumeurs récemment retirées.

Dessin numérique de cellules T attaquant une cellule cancéreuse
La moitié des patients ont vu leur taux de cellules immunitaires (lymphocytes T, ici en turquoise, attaquant une cellule cancéreuse) augmenter ». Design_Cells/Shutterstock

Les patients ont été traités avec ce vaccin personnalisé, ainsi qu’avec une autre forme d’immunothérapie (le médicament Atézolizumab, un anticorps monoclonal) suivie d’une chimiothérapie agressive.

La moitié des patients traités avec le vaccin et la combinaison d’immunothérapie ont vu augmenter un type spécifique de cellules immunitaires (les lymphocytes T, connus pour protéger contre le cancer). Cela a montré aux chercheurs que, pour certains participants au moins, leur système immunitaire était en train d’apprendre à combattre le cancer.

Après 18 mois de suivi, les patients dont le nombre de cellules T avait augmenté présentaient toujours des signes d’amélioration de la réponse immunitaire. La plupart d’entre eux ne présentaient pas non plus de signe de récidive du cancer.

Les auteurs ont conclu que cela pouvait être dû au fait que le système immunitaire avait été stimulé avec succès, ce qui avait contribué à empêcher la réapparition du cancer. Le vaccin ARNm a également été bien toléré par les patients, sans effets secondaires majeurs évidents.

Fonction immunitaire

Bien que les résultats de cet essai soient intrigants, le nombre de patients impliqués est trop faible pour en tirer des conclusions majeures – et généralisables. Il sera nécessaire de mener des essais plus importants, notamment des études dites randomisées (avec intégration d’un patient dans le groupe traité ou le groupe contrôle de l’essai par tirage au sort pour éviter les biais).

Disposer d’un groupe de contrôle ne recevant pas le vaccin permettrait aux chercheurs, après comparaison, de vraiment comprendre son effet – et de savoir si ce dernier fait vraiment ce qu’il est censé faire, c’est-à-dire stimuler le système immunitaire et améliorer le délai avant la récidive (et, en fin de compte, le taux de survie).

Cela leur permettrait également de voir si le vaccin a un effet distinct et si cet effet n’est pas dû aux autres traitements ou immunothérapies reçus par les participants.

Il est toutefois prometteur de voir que nous pourrions disposer d’un nouveau type de thérapie à développer pour lutter contre le cancer du pancréas.

Ces résultats soulignent également le potentiel des vaccins à ARNm pour le traitement du cancer en général. L’an dernier déjà, les résultats d’une autre étude montraient qu’un vaccin à ARNm était efficace contre le mélanome. Des nouvelles positives face à des cancers qui restent très durs à traiter.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,100 academics and researchers from 4,941 institutions.

Register now