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En général, développer un nouveau vaccin et le commercialiser peut prendre jusqu'à 10 ans. Mongkolchon Akesin/Shutterstock

Coronavirus : comment l’industrie pharmaceutique innove pour produire un vaccin dans les meilleurs délais

Pour maîtriser la pandémie de Covid-19, il faut un vaccin disponible rapidement dans tous les pays, autant riches que défavorisés. Or les découvertes pharmaceutiques sont généralement le fruit d’un long processus marqué par la concurrence entre les entreprises, le secret industriel, les risques financiers et les essais prolongés.

Difficile de faire bouger rapidement une si grosse industrie, mais certains signes indiquent que des changements substantiels sont en cours — et qu’ils sont peut-être là pour durer.

Ce ne serait pas la première fois que le secteur médical innove en temps de crise. Pendant la Première Guerre mondiale, les rayons X, développés deux décennies plus tôt, se sont imposés. De nouvelles approches logistiques pour le triage et le traitement des blessés ont également été mises en place et la vaccination contre la typhoïde a été rendue obligatoire dans l’armée française.

La Seconde Guerre mondiale est aussi à l’origine de la première production de masse d’antibiotiques. Bien que la découverte ait été publiée en 1929, ce n’est qu’à la fin des années 1930, dans la perspective d’une guerre imminente, que l’Université d’Oxford a accéléré ses travaux dans ce domaine. En cinq ans seulement, l’institution a transformé un processus de laboratoire manuel intensif impliquant des micro-organismes cultivés sur une surface solide en un processus industriellement viable.

Les méthodes utilisées dans ce processus ont aussi mené à la révolution biotechnologique des années 1970, et à la naissance du génie génétique.

La fabrication de médicaments est coûteuse, et il peut s’écouler beaucoup de temps entre la découverte d’un médicament et son utilisation auprès des patients. Dans le cas des vaccins, cela pose un problème, car le traitement doit être administré à un grand nombre de personnes en bonne santé. Ajoutez à cela le taux de mutation élevé de certains virus. Le vaccin contre la grippe, par exemple, n’est efficace que pendant une saison.

Il est difficile d’introduire de nouvelles technologies dans le domaine médical. Une contrainte importante est la réglementation. Tout médicament fabriqué doit être sécuritaire et efficace. La réglementation dans le secteur biopharmaceutique est l’une des plus strictes de toutes les industries et les conséquences d’une erreur seraient dévastatrices.

Si un médicament s’avère dangereux, non seulement il met des vies en danger, mais il peut aussi affecter la crédibilité de la science et de la médecine en général. Le vaccin RRO (contre la rougeole, la rubéole et les oreillons), par exemple, a été faussement associé à l’autisme, minant la confiance de certaines personnes dans la vaccination.

La majorité des processus de développement de vaccins échouent. Normalement, un délai de dix ans serait nécessaire pour mettre un nouveau vaccin sur le marché. Cela est dû en grande partie au fait que les développeurs et les fabricants appliquent un modèle commercial défavorable au risque, dans le cadre duquel le financement et les ressources sont engagés conditionnellement à l’atteinte d’objectifs prédéfinis. Par exemple, la fabrication à grande échelle ne commencera pas avant la réussite des essais cliniques.

Nouvelles approches

La crise de la Covid-19 montre qu’il est possible de raccourcir ce délai dans la mesure où des ententes d’achat ont déjà été conclues entre des fabricants et différents pays. Cela permet aux sociétés pharmaceutiques de prendre un risque commercial important en fabriquant des produits à grande échelle avant la fin des essais cliniques. Cette approche permettra d’accumuler des stocks importants de nouveaux vaccins prêts à être utilisés dès leur approbation.

Photo d’une femme tenant un vaccin contre le coronavirus et une aiguille
Un vaccin pourrait être disponible bientôt ». Sam Wordley/Shutterstock

Les nouvelles technologies utilisées pour la fabrication des vaccins peuvent aussi permettre de raccourcir les délais. Traditionnellement, les vaccins étaient fabriqués en inoculant une version affaiblie ou inactivée de l’agent pathogène lui-même ou en fabriquant un proche parent inoffensif de cet agent pathogène. Ces méthodes, en développement continu depuis 100 ans, sont complexes et comportent des risques, tant pour le patient que pour le fabricant. Les scientifiques ne réussissent pas toujours à inactiver le virus et l’agent pathogène inoffensif pourrait muter en une forme plus puissante. Le virus pourrait également être libéré accidentellement pendant la production.

Une autre méthode, celle de l’ADN recombinant consiste à réunir des molécules d’ADN provenant de différents organismes et à les insérer dans un organisme hôte. Cette technique est utilisée dans la production de l’une des principales classes de médicaments modernes : les protéines thérapeutiques.

Cette même technologie peut être appliquée aux vaccins en utilisant juste une partie du virus — ses protéines structurelles — et en l’injectant dans l’organisme. Ces protéines virales sont alors reconnues par le système immunitaire, qui peut ainsi se préparer à combattre le vrai virus. Ces types de vaccins sont plus faciles à mettre en œuvre et plus sécuritaires que les vaccins traditionnels.

Les nouvelles approches actuellement en cours de développement introduisent uniquement le matériel génétique du virus directement dans l’organisme ou en utilisant un autre virus.

Cela permet aux cellules de fabriquer la protéine virale, permettant ainsi au système immunitaire de se préparer à combattre le vrai virus. De par leur nature, ces nouvelles approches permettent d’accélérer le processus, mais elles sont encore peu éprouvées. Sur les 34 vaccins contre la Covid-19 [en cours d’essais cliniques], 17 sont de ce type.

Chances de succès

S’il se réalise, le calendrier ambitieux du vaccin contre la COVID serait bien loin de tout ce qui a été réalisé jusqu’à présent. Il y a des raisons d’être optimiste. Bien qu’une majorité de vaccins à l’essai ne seront jamais mis en en marché, plus de 230 vaccins candidats contre la Covid-19 sont en cours de développement. Toutefois, bon nombre des technologies utilisées sont nouvelles et n’ont pas encore fait leurs preuves, de sorte qu’investir dans ces technologies demeure un risque.


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Il est important de noter que l’industrie des biotechnologies, confrontée à des défis sanitaires majeurs, a une longue histoire de collaboration. Et on constate que pour répondre à l’urgence de la crise mondiale de la Covid-19, la concurrence entre les entreprises est réduite au profit d’une plus grande collaboration.

Les fabricants peuvent également compter sur des initiatives qui existaient déjà avant la pandémie, comme le Vax Hub de l’University College London qui travaille à la production de vaccins abordables en collaborant avec l’Université d’Oxford et la société AstraZenaca.

Comme l’ont montré les deux guerres mondiales, l’innovation biomédicale peut être accélérée en temps de crise. Et si nous sommes très chanceux, nous pourrions voir certains processus et tentatives de production d’un vaccin contre la Covid-19 perdurer et profiter à nos sociétés pendant des décennies à venir.

This article was originally published in English

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